J’aimerais croire que nous allons pouvoir « respirer ». J’en doute beaucoup. Un ballon d’oxygène ne résorbe pas une tumeur, surtout si l’oxygène est de mauvaise qualité.
Je ne sais pas de quoi demain sera fait. Je me méfie des prévisions catastrophistes. Je n’exclus pas (encore) que la zone euro puisse surmonter cette crise gravissime si des mesures d’intérêt général sont prises à temps. Mais tout me porte à croire que rien n’est réglé et que, DANS QUELQUES SEMAINES OU QUELQUES MOIS, LA CRISE DES DETTES PUBLIQUES VA S’APPROFONDIR, parce que c’est avant tout une crise 1) de la finance spéculative et des dettes privées, et 2) de la course folle au « moins d’État » via le dumping fiscal en Europe et ailleurs.
Rien de décisif n’a été obtenu à ce sommet, même en se limitant aux trois points clés mis en avant par François Hollande pendant sa campagne.
1) La possibilité pour la Banque centrale européenne de financer directement les États ? C’est l’inverse : la BCE n’achètera plus les obligations des pays attaqués par les marchés, ce qu’elle avait fait en 2011. Désormais, c’est le Fonds européen de stabilité financière (puis le Mécanisme européen de stabilité qui va lui succéder) qui interviendra. Mais sans financement direct de la BCE, EN EMPRUNTANT SUR LES MARCHES. Et avec des contreparties douloureuses pour les peuples des pays emprunteurs.
2) La mise en place d’euro-obligations pour que les pays de la zone euro puissent emprunter solidairement à des taux très faibles ? Un tel dispositif, qui n’est pas sans sérieux défauts tant que les marchés décident des taux (voir les pages 86 à 92 du petit livre des économistes atterrés, « L’Europe mal traitée », 8 euros), n’est même pas évoqué dans les conclusions du sommet. Qui a fait plier qui ?
3) Des mesures de relance de la croissance en Europe ? Indépendamment même de la pertinence de ces appels angoissés à un paradis perdu qui ne reviendra pas, le « pacte pour la croissance » de 120 milliards d’euros est assez ridicule. La moitié (et probablement plus, car c’est opaque) provient de fonds structurels déjà programmés pour 2012-2013 et « redéployés ». L’autre moitié correspond à des prêts hypothétiques de la Banque européenne d’investissement pour des « grands projets » d’investissements PRIVÉS inconnus. 60 milliards ajoutés, et probablement moins, répartis entre 17 pays…
Rassurer les marchés, sauver les banques sans contrepartie véritable, c’est maintenir sinon conforter leur pouvoir de nuisance. Ce n’est pas Merkel qu’il faudrait faire plier, même si cela fait partie de la stratégie, ce sont les marchés financiers et les banques, la concurrence fiscale et les « enfers fiscaux ».
Dans ces conditions, avec des marchés financiers toujours aux commandes, la ratification rapide du « pacte d’austérité automatique » serait un bien mauvais coup. À vouloir réduire drastiquement les déficits publics pendant qu’on laisse les banques et les spéculateurs jouer contre l’économie réelle, on prépare une nouvelle étape de plongeon. Pas de quoi se pavaner.