Il n’y a plus de présentation à faire pour Lucien Bouchard, l’ex-premier ministre du Québec, qui en janvier dernier a pris la relève du mal aimé André Caillé à la tête de l’Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ) pour défendre, presqu’aussi mal, le dossier des gaz de schiste.
André Boisclair, aussi ancien chef péquiste, et qui a été de surcroît ministre de l’Environnement (??!?), siège maintenant au Conseil d’administration de la compagnie albertaine Questerre Energy qui, elle aussi, lorgne le créneau du gaz de schiste au Québec.
Lawrence Cannon enfin est depuis peu à l’emploi de Gowling Lafleur Henderson, un Cabinet d’Avocats reconnu pour son travail en matière d’énergie, de pétrole et gaz et de droit minier… Cet ancien ministre conservateur, lieutenant québécois de Stephen Harper jusqu’aux dernières élections fédérales, siège depuis 2 semaines au Conseil d’administration d’ Oceanic Iron Ore Corp, une autre minière qui aligne son développement sur le Plan Nord de Jean Charest avec un projet d’extraction milliardaire dans la Baie D’Ungava.
On peut dès le départ s’interroger sur l’ouverture extraordinaire que la loi semble permettre à ces trois anciens députés de devenir aux lendemains de leurs mandats des lobbyistes attitrés de l’industrie extractive (rappelons s’il faut le faire qu’il est théoriquement interdit de faire du plaidoyer pour des entreprises après avoir été un élu… mais bon…). On peut même s’interroger sur l’indépendance de jugement que ces personnes avaient réellement lors de leur passage au gouvernement alors que leurs intérêts personnels et projets d’avenir, étaient visiblement alignés sur ceux de l’entreprise extractive.
Mais ces faits prennent toute leur incroyable signification quand on regarde plus globalement, mais aussi dans plusieurs secteurs, les choix politiques et économiques que font nos gouvernements, systématiquement en faveur des minières.
Prenons par exemple le secteur de la coopération internationale que je connais bien et où, clairement, l’ACDI qui a coupé de nombreuses organisations de droits humains détourne maintenant l’argent de la coopération vers l’industrie extractive.
Le 29 septembre dernier, à l’occasion d’un Sommet de dirigeants d’entreprises, Bev Oda, ministre fédérale de la Coopération internationale, annonçait quatre nouveaux projets pour une valeur de près de 27 millions de dollars pour soi-disant « aider les pays en développement en Afrique et en Amérique du Sud à gérer leurs ressources naturelles ».
Ces projets qui impliquent des ONG de coopération internationale canadienne, dont la crédibilité ne sera pas à la hausse dans les prochains mois, seront aussi exécuté avec la collaboration de trois des plus décriées minières canadiennes, notamment Rio Tinto Alcan, IAMGOLD et Barrick Gold. La dernière étant bien connue pour ces attaques contre la liberté d’expression, notamment dans le procès-baillon intenté à la maison d’édition Écosociétés.
Selon le site même de l’ACDI, chacun de ces projets vise « la formation professionnelle liée aux besoins du marché du travail », à « renforcer la capacité de l’administration locale à mettre en œuvre des plans de développement », à « développer le capital humain dans le secteur minier et ses sous-secteurs »… À peu de choses près, il s’agit de tentatives d’amadouer les communautés impliquées dans ces projets en Colombie, au Pérou, en Bolivie, au Burkina et au Ghana pour, bien sûr, empêcher ou minimiser les éventuelles oppositions locales.
Car opposition il y a. La plus notoirement décriée des minières est sans conteste Barrick Gold qui a constamment écrasée toute velléité d’oppositions locales à ces opérations que ce soit en Amérique latine ou en Afrique. Le dernier exemple, à sa mine de North Mara en Tanzanie, a fait l’objet récemment d’un long article dans le Globe and Mail (1). Le journal cite un rapport commandé par les Nations Unies qui conclu que « la communauté se sent flouée par l’établissement et le fonctionnement de la mine ».
En vertu de quelle logique le gouvernement conservateur de Stephen Harper peut-il justifier ces dons à des compagnies qui font littéralement de milliards de profits par année ? En quoi le fait de subventionner les efforts de relations publiques dérisoires de ces mastodontes, dans des localités ravagées par l’exploitation éhontée de leur ressources naturelles, est-il de la « coopération internationale » ? Non, il n’y a aucune logique. C’est l’intérêt pur qui domine. Celui des grandes firmes minières, financières ou commerciales qui soumettent nos gouvernements à leur bon vouloir