Édition du 17 décembre 2024

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Négociations du secteur public

Rassemblement syndical en éducation - Le vent se lève

Les 26-27 septembre, l’ASSÉ organisait un « Rassemblement syndical en éducation » (RSE). Plus de 150 participant-es étaient au rendez-vous pendant deux jours, essentiellement pour échanger sur les processus de mobilisation en cours. En fin de compte, la rencontre réunissait les militant-es de l’ASSÉ eux-mêmes, de même que plusieurs syndicats de profs de cégeps, et ce de plusieurs régions du Québec. À ceux ci s’ajoutaient les réseaux comme les Profs contre la hausse (PCH), des syndicats d’étudiant-es salarié-es et quelques autres groupes, dont la Fédération autonome de l’enseignement (FAE). Les centrales syndicales CSN, FTQ et CSQ, de même que les fédérations comme la FNEEQ, n’étaient pas présentes. Elles avaient l’« excuse » de ne pas avoir été invitées formellement (seuls les syndicats locaux l’avaient été), mais sur le fonds, elles auraient pu avoir des observateurs. On présume que cela ne faisait pas partie de leurs priorités.

Le retour de l’ASSÉ

Passablement amochés par la grève du printemps dernier, les militant-es de l’ASSÉ ont passé l’été à panser leurs plaies, à refaire des collectifs fonctionnels et à reprendre la discussion avec la masse étudiante, ce qui a toujours été leur grande force. Les ultra-anarchistes, qui en avaient mené large, notamment à l’UQAM, se sont évaporé dans la nature. On ne sait pas trop pourquoi, si ce n’est qu’ils ont été traumatisés eux-mêmes par leur échec fracassant. Pendant des mois, le débat a tourné en rond, du fait d’une opposition à l’élaboration d’une stratégie, avec en contrepartie, une propension à privilégier des « coups de force » éphémères. Ce qui selon les idéologues de ce courant de pensée, découle de la liberté des individus et du « principe » de la « diversité des tactiques », ce qui veut dire que n’importe qui peut faire n’importe quoi sans être imputable devant le collectif. Tout cela a mené à diverses aventures irréfléchies. Les « nanars » (c’est ainsi que les militants de l’ASSÉ de l’UQAM les nomment) se sont eux-mêmes peinturés dans le coin, ce qui pourrait expliquer leur évacuation honteuse.

Pour autant, il faudra du temps pour réparer les dégâts. Dans le tour de salle qui commençait le RSE, les étudiant-s étaient sans complaisance ni naïveté, expliquant que le cynisme ambiant parmi la gent étudiante, directement hérité de l’échec du printemps dernier, limitait beaucoup la mobilisation. Pour autant, on se retrousse les manches. Pour cela, l’ASSÉ dispose d’un corps de militant-es aguerri-es, déterminé-es, conscient-es à la fois des enjeux à court terme et des batailles à long terme. La grande lutte contre la marchandisation de l’éducation passe d’abord et avant tout cet automne par la résistance contre l’« austérité » et le soutien aux profs, au premier plan de la ligne de front. Les militant-es étudiant-es ne prendront pas l’initiative, mais ils seront très présent-es. Ils ont déjà ré-entrepris ce que le flop de l’an passé avait mis de côté, l’éducation populaire, les rencontres de « cuisine », le travail discret mais rigoureux au plan local et la construction d’une visions stratégique, à long terme, tenant compte de l’ensemble des facteurs en jeu.

La mobilisation des profs

Dans le contexte actuel, ce sont les profs, et en particulier les profs de cégep, qui sont en mesure de mener le jeu. Ils ont la plupart du temps des syndicats militants où depuis plusieurs semaines, des votes de grèves sont pris à 80 ou 85 % devant des assemblées bondées. Des syndicats locaux comme celui des profs d’Ahuntsic se préparent depuis deux ans, ayant constitué leur propre fonds de grève. Ils sont prêts. Avant les grandes mobilisations prévues en octobre et novembre, il y a plusieurs actions de « réchauffement » : lignes de piquetage, boycottage des activités extra-scolaires, manifestations « intramuros » notamment lors des rencontres des conseils d’administration, etc.

Fait à noter également, il se développe dans plusieurs établissements des coalitions ad hoc entre profs, employé-es de soutien, professionnel-les et étudiant-es, via notamment des « comités de mobilisation » qui affirment vouloir dépasser les limites corporatistes et « faciliter les échanges entre des groupes qui se côtoient quotidiennement mais qui ont rarement l’occasion d’aborder ensemble des problématiques de nature politique et sociale » (voir le texte déjà paru dans PTAG sur le comité de mobilisation du cégep de Maisonneuve). Les syndicats d’étudiant-es salariées, qui se sont mis en place dans le sillon des mouvements étudiants de 2005 et de 2012, font également le pont entre les traditions étudiantes et le fonctionnement d’instances syndicales. Ils amènent dans le syndicalisme, jusqu’à un certain point, une culture de la participation et du débat qui dans plusieurs cas fait défaut.

La guerre de position

Si les profs sont présentement gonflés à bloc, personne ne s’illusionne trop sur ce qui les attend. Il y a d’une part un certain sentiment d’angoisse par rapport au Front commun du secteur public qui, avec ses 500 000 membres, est une grosse machine difficile à faire bouger. À part le contingent de l’éducation (profs de cégep et enseignant-es du primaire et du secondaire), on ne sent pas trop le vent de la mobilisation ailleurs. Le gigantesque secteur de la santé est disloqué par la déstructuration en cours sous l’égide du ministre Barrette, qui défait les unités et crée une atmosphère délétère avec d’énormes coupures de postes et de déplacements. Les autres syndicats de la fonction publique, notamment l’important SFPQ, sont passifs depuis plusieurs années.

Du côté des profs, on est sceptiques par rapport aux directions des centrales dont le premier réflexe est de s’aplatir devant les dispositifs juridiques. C’est une contrainte réelle, mais la nécessité s’impose de penser à ce qui peut être fait, car le gouvernement n’hésitera pas une seule seconde avant d’imposer des lois spéciales. Aussi, plusieurs syndicats veulent qu’on en discute maintenant. Peut-on éviter de s’embarquer dans un processus de mobilisation qui va avorter à la dernière minute et décourager tout le monde ? C’est la question à $64 millions, mais minimalement, les profs veulent qu’on prévienne le coup. Pour autant, confronter les lois illégitimes et répressives n’est pas une mince tâche. On l’a vu lors du printemps 2012, et pourtant, l’ASSÉ avait alors trouvé le moyen de rallier la multitude, outrée de la loi liberticide et de la répression tout azimut.

Aujourd’hui, le contexte est différent, mais l’enjeu reste le même. Sans élargir la mobilisation et gagner la bataille de l’opinion publique, sans une force organisée prête à résister aux assauts de l’état, y compris par la désobéissance civile, il est peu probable qu’on aille loin. Pour cela, il est absolument nécessaire de lier ensemble la bataille contre l’austérité et les revendications syndicales sur les salaires et les conditions de travail. Or l’impératif de produire ce lien n’est pas accepté par tout le monde, en particulier au sommet de la hiérarchie syndicale.

On continue

La rencontre du RSÉ a brassé tout cela dans un climat convivial, selon les méthodes éprouvées par les militant-es étudiant-es qui mettent l’emphase sur la délibération et la participation de tous et chacun, au lieu des assemblées traditionnelles où on écoute les « cheufs ». Cela demande de la patience et cela prend du temps, mais il n’y a pas de raccourci. C’est la même méthode qui est déployée localement par des associations, des syndicats et des réseaux comme les PCH. Le RSÉ pourrait convoquer à nouveau à l’automne, dépendamment de l’allure des choses.

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