Édition du 19 novembre 2024

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Rapport annuel inégalités Oxfam Davos

COVID-19 : Les ultra-riches ont récupéré leurs pertes en un temps record alors que des milliards de personnes vivront dans la pauvreté pour la prochaine décennie indique Oxfam.

En neuf mois seulement, les 1 000 personnes les plus riches au monde sont déjà parvenues à compenser les pertes qu’elles avaient subies du fait de la crise causée par la COVID-19. En parallèle, il faudra plus de dix ans aux personnes les plus pauvres pour se relever des conséquences économiques de la pandémie, selon le nouveau rapport d’Oxfam. Ce dernier, intitulé Le virus des inégalités, est publié ce lundi 25 janvier, jour de l’ouverture du « Davos Agenda » organisé par le Forum économique mondial.

Le rapport montre que la COVID-19 pourrait accroître les inégalités économiques simultanément dans presque tous les pays du monde. Il s’agirait d’une première depuis que ce type de données a commencé à être enregistré, il y a plus d’un siècle.

Au Canada, les 44 milliardaires que compte le pays ont vu leur fortune augmenter de 63.5 milliards de dollars canadiens depuis le début de la pandémie. Cette somme suffirait à verser à chacune des 3.8 millions de personnes les plus pauvres au pays un chèque de 16 823 dollars.

Il faudrait 155 ans à une infirmière canadienne pour gagner le salaire annuel moyen d’un des 100 chefs d’entreprise les mieux payés du pays. En revanche et toujours en moyenne, l’un de ces mêmes chefs d’entreprise gagne en deux jours le salaire annuel d’une infirmière.

Une nouvelle enquête d’Oxfam menée auprès de 295 économistes dans 79 pays révèle que 87 % des personnes interrogées, dont Gabriel Zucman, Jeffrey Sachs et Jayati Ghosh, s’attendent à ce que les inégalités de revenus dans leur pays s’intensifient du fait de la pandémie.

Le rapport d’Oxfam met en lumière l’effet néfaste de la pandémie sur les inégalités économiques, raciales et de genre ancrées depuis longtemps dans nos sociétés.

Pour les plus riches, la récession est déjà terminée

. Les dix hommes les plus riches du monde ont vu leur fortune totale augmenter de plus de 600 milliards de dollars canadiens depuis le début de la pandémie, une somme qui serait amplement suffisante pour financer le vaccin contre la COVID-19 pour toutes et tous et faire en sorte que personne ne sombre dans la pauvreté à cause de la pandémie. Pendant ce temps, le monde connait la crise de l’emploi la plus grave depuis près d’un siècle, des centaines de millions de personnes étant désormais au chômage ou occupant des emplois précaires.

Les femmes sont les plus durement touchées.

Dans le monde, les femmes sont surreprésentées dans les professions précaires, c’est-à-dire celles qui ont été les plus durement touchées par la pandémie. Si le taux de représentation des femmes était le même que celui des hommes dans ces secteurs, 112 millions de femmes ne risqueraient plus de perdre leur source de revenus. À l’échelle mondiale, les femmes constituent aussi 70 % de la main-d’œuvre des secteurs de la santé et du travail social. Ces secteurs sont constitués de professions essentielles mais souvent mal rémunérées et en première ligne de la pandémie.

Les inégalités tuent.

Au Brésil, les personnes afrodescendantes sont 40 % plus susceptibles de mourir de la COVID-19 que les personnes blanches. Aux États-Unis, les populations noires et hispaniques auraient déploré près de 22 000 morts de moins si leurs taux de mortalité face à la COVID-19 avaient été les mêmes que ceux des personnes blanches. Les taux d’infection et de mortalité sont plus élevés dans certaines zones moins favorisées au sein des pays, par exemple en France, en Inde et en Espagne. En Angleterre, les taux de mortalité de la COVID-19 dans les régions les plus pauvres sont quant à eux deux fois plus élevés que ceux des régions les plus riches.

Sans économies plus justes, nous ne pouvons espérer une reprise économique rapide.

Un impôt temporaire sur les bénéfices excédentaires réalisés par les 32 multinationales ayant gagné le plus au cours de la pandémie aurait pu générer 132 milliards de dollars canadiens en 2020. Cette somme suffirait à offrir des indemnités chômage à l’ensemble des travailleurs et travailleuses des pays à revenu faible et intermédiaire, ainsi qu’un soutien financier à tous les enfants et à toutes les personnes âgées dans ces mêmes pays.

«  Le fossé déjà énorme et qui se creuse encore entre riches et pauvres est aussi dévastateur que le virus lui-même, rappelle la directrice générale d’Oxfam-Québec, Denise Byrnes. Notre système économique concentre les richesses entre les mains d’une élite fortunée qui traverse la pandémie dans le plus grand des luxes, alors que beaucoup des personnes en première ligne face au virus peinent à s’en sortir. Les femmes, les personnes racisées et celles appartenant à des groupes minoritaires, font les frais de cette crise. Elles sont plus susceptibles de se retrouver en situation de pauvreté, de ne pas pouvoir manger à leur faim et d’être exclues de l’accès aux services de santé. »

Si la récession persiste dans l’économie réelle, les marchés boursiers se sont redressés et la fortune des milliardaires s’est reconstituée. Celle-ci atteignait en décembre dernier plus de 15 000 milliards de dollars canadiens, une somme qui correspond à celle consacrée par tous les gouvernements du G20 à la lutte contre les répercussions économiques de la COVID-19. Pour les personnes qui étaient déjà en difficulté avant la pandémie, le chemin vers la stabilité économique sera beaucoup plus long. Lorsque le virus est apparu, plus de la moitié des travailleurs et travailleuses des pays pauvres vivaient dans la pauvreté. De plus, les trois quarts des travailleurs et travailleuses du monde entier n’avaient accès à aucune protection sociale, comme des indemnités maladie ou chômage.

«  Les inégalités extrêmes ne sont pas une fatalité, elles relèvent de choix politiques, commente la directrice générale d’Oxfam International, Gabriela Bucher. Les gouvernements du monde entier ne doivent pas laisser passer l’opportunité de mettre en place un système économique plus équitable et plus inclusif, un système qui protégerait la planète et éradiquerait la pauvreté. Ils doivent veiller à ce que chaque personne ait accès à un vaccin contre la COVID-19 et à un soutien financier en cas de perte d’emploi. Il est aussi essentiel que les personnes et entreprises les plus riches payent leur juste part d’impôts. Ces mesures ne doivent pas être considérées comme de simples réponses à la crise. Elles doivent être la nouvelle norme, pour des économies au service de toutes et tous, et pas seulement d’une élite privilégiée. »

Au cours de la semaine du 25 janvier, le Forum économique mondial organise les « Dialogues de Davos », une initiative en ligne dans le cadre de laquelle les principaux chefs et cheffes d’États partageront leurs points de vue sur l’état du monde en 2021.

Les calculs d’Oxfam sont fondés sur les données les plus complètes et les plus actuelles disponibles. Les données sur les personnes les plus fortunées de la société proviennent du classement des milliardaires de 2020 de Forbes. Les données sur la richesse ayant connu de nombreuses variations en 2020, le Credit Suisse Research Institute a repoussé la publication de son rapport annuel sur la richesse de l’humanité au printemps 2021. Par conséquent, contrairement à ce qui a été fait les précédentes années, nous n’avons pas pu comparer la richesse des milliardaires à celle de la moitié la plus pauvre de l’humanité.

Selon les chiffres avancés par Forbes, les dix personnes les plus riches du monde au 31 décembre 2020 ont vu leur fortune augmenter de 682 milliards de dollars canadiens depuis le 18 mars 2020. Les dix hommes les plus riches étaient Jeff Bezos, Elon Musk, Bernard Arnault et sa famille, Bill Gates, Mark Zuckerberg, Larry Ellison, Warren Buffett, Zhong Shanshan, Larry Page et Mukesh Ambani.

Les données concernant les 100 chefs d’entreprise les mieux payés du Canada sont tirées du rapport Plus haut, plus cher, inégalitaire du Centre Canadien de Politiques Alternatives (2018).

Les données concernant le salaire moyen d’une infirmière au Canada proviennent du site de Statistiques Canada.

Les informations les plus anciennes sur les tendances des inégalités sont basées sur des données fiscales remontant au début du XXe siècle.

La Banque mondiale a créé une simulation pour déterminer l’impact potentiel d’une hausse des inégalités touchant en même temps la quasi-totalité des pays sur la pauvreté à l’échelle mondiale. Elle en a conclu que, si les inégalités (mesurées par le coefficient de Gini) augmentaient de 2 points de pourcentage par an et que la croissance du PIB par habitant se contractait de 8 %, 501 millions de personnes supplémentaires vivraient encore avec moins de 6.9 $CA par jour en 2030 par rapport à un scénario dans lequel les inégalités n’augmenteraient pas. De ce fait, les niveaux de pauvreté à l’échelle mondiale seraient plus élevés en 2030 qu’avant la pandémie, et 3,4 milliards de personnes vivraient encore avec moins de 6.9 $CA par jour. Il s’agit là du scénario le plus pessimiste de la Banque mondiale, mais les projections de contraction de l’économie dans la plupart des pays en développement vont dans ce sens. Dans les Perspectives de l’économie mondiale (octobre 2020), le scénario le plus sombre envisagé par le Fonds monétaire international suggère que nous pourrions n’atteindre les niveaux de PIB connus avant la crise que fin 2022. L’OCDE a déclaré que cela entraînerait une augmentation à long terme des inégalités, sauf si des mesures fortes sont prises.

Oxfam a déterminé qu’au moins 112 millions de femmes ne seraient plus exposées au risque de perdre leur emploi ou leurs revenus si le taux de représentation des hommes était le même que celui des femmes dans les postes précaires peu rémunérés qui ont été les plus affectés par la crise de la COVID-19, selon les données d’un document d’orientation politique de l’OIT publié en juillet 2020.

Oxfam est membre de la Fight Inequality Alliance, une coalition mondiale en pleine expansion composée d’organisations de la société civile et de personnes militantes, qui organise du 23 au 30 janvier l’initiative Global Protest to Fight Inequality dans une trentaine de pays, dont le Kenya, le Mexique, la Norvège et les Philippines, afin de promouvoir des solutions aux inégalités et d’exiger des économies qui profitent à toutes et à tous.

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