Amy Goodman et Denis Moynihan
Blogue de Democracy Now, 8 juin 2017
Traduction : Alexandra Cyr
La plupart de ces personnalités médiatiques ont été méchamment visées par D. Trump, depuis le lancement de sa campagne électorale à la présidence en juin 2015. Ils seront bien contents si leur travail contribue au départ du Président, qu’il soit volontaire ou forcé. J. Comey a plus ou moins été transformé en preux chevalier qui se battrait pour sauver la république, et ce, grâce à ses volumineux mémos et son discours habilement policé.
Dans cette opération, le FBI lui-même est devenu l’enfant chéri des opposants-es à D. Trump ; mais ce service secret fédéral, cette agence interne d’espionnage à une longue histoire sombre et souvent violente de suppression de protestataires américains-es. Il est honteux de ne pas avoir soulevé certaines questions devant M. Comey, qui témoignait sous serment, à propos des agissements illégaux du FBI, de sa création jusqu’à nos jours.
Voici quatre questions que les sénateurs-trices auraient dû poser à M. Comey :
1- Jusqu’où va la surveillance des journalistes par le FBI ?
Les attaques intempestives du Président contre la presse ont au moins l’avantage d’être publiques, généralement sous forme de ralliements électoraux ou encore sur Tweeter. Ce sont des attaques grossières qui doivent être combattues et auxquelles il faut mettre fin. De son côté, le FBI détient un énorme pouvoir pour surveiller et censurer les journalistes grâce à la National Security Letters (NSLs). La fondation Frontière électronique qualifie ces lettres « d’un des pouvoirs les plus effrayants et invasifs » autorisé par le Patriot Act américain. Le journaliste James Risen, gagnant d’un prix Pulitzer, a écrit dans le New York Times : « Sous le Président Obama, le Département de la justice et le FBI ont espionné des reporters ». Il sait de quoi il parle ; il est une des personnes qui ont été poursuivies. Il s’inquiète maintenant que ce soit le Président Trump qui détienne ce pouvoir et certains-es disent que le Président aurait suggéré à M. Comey d’emprisonner les reporters qui publient des fuites.
2- Pourquoi le FBI a-t-il pu qualifier les manifestants-es pacifiques, protecteurs-trices des eaux de Standing Rock au Dakota du nord, de possibles terroristes de l’intérieur ? Et qu’en est-il de l’infiltration d’Occupy Wall Street et Black Lives Matter ?
Une des plus grandes protestations depuis des décennies s’est passée le long d’une portion d’une route principale sur les terres tribales de la nation Sioux de Standing Rock. Ces terres ont été confisquées par le gouvernement américain en violation des traités officiels. En février, le Guardian rapportait : « Un nombre important d’officiers de la Force conjointe sur le terrorisme du FBI a tenté de contacter au moins trois personnes faisant partie du mouvement des protecteurs-trices des eaux de Standing Rock. Ces contacts ont eu lieu au cours des semaines suivant l’assermentation du Président Trump ». M. Comey était directeur de l’agence à ce moment-là. Par la suite, le site The Intercept rapportait des fuites qui disaient que la firme paramilitaire privée, TigerSwan, avait été embauchée pour infiltrer et perturber le mouvement de protestation contre l’oléoduc. Les militants-es pacifiques étaient qualifiées d’insurgés-es.
M. Comey et le FBI doivent répondre de ces activités en violation du Premier amendement (de la Constitution américaine) comme de celles concernant Black Lives Matter et Occupy Wall Street.
3- Qu’en est-il des conduites nauséabondes du FBI qui, avec son programme COINTELPRO, a éliminé des dissidents-es au cours de années 50, 60 et 70 ? Combien de ceux et celles qui sont encore incarcérés-es, comme le militant du Mouvement indien américain Leonard Peltier et plusieurs des anciens-nes Black Panthers, l’ont été sur la base des conduites illégales du FBI ?
Le FBI a mené une campagne sophistiquée contre les opposants-es des États-Unis durant le mandat d’Edgar Hoover, son ex directeur corrompu. Les militants-es pour la paix, les organisateurs-trices du mouvement ouvrier, des groupes radicaux comme les Black Panthers, les Young Lord et l’American Indian Mouvement ont été visés-es, emprisonnés-es sous de faux prétextes. Ces groupes ont été infiltrés et perturbés par des informateurs-trices payés-es. Dans le cas des Black Panthers, son dirigeant Fred Hampton à Chicago, a été assassiné. Beaucoup des victimes de ce programme pourrissent encore en prison. Le FBI a passé des décennies à nier ces actes criminels, à obstruer les demandes d’accès au Freedom of Information Act et à s’opposer aux requêtes (des prisonniers-ères) pour des libérations conditionnelles ou à la clémence. James Comey devrait répondre des injustices perpétrées par le FBI en ce moment et des actes criminels du passé.
4- Finalement, où pensez-vous que nous en serions comme nation si le FBI n’avait pas poursuivi Martin Luther King jr. de ses constantes campagnes de surveillance, d’intimidation et de harcèlement ? Il est vraisemblable que cela a contribué au climat de haine qui a mené à son assassinat ?
Peut-être que le chapitre le plus noir de l’histoire du FBI est sa campagne pour décourager et endommager le travail de Martin Luther King jr. E. Hoover l’avait qualifié de : « menteur le plus notoire du pays » et il avait tenté de le convaincre de se suicider. J. Comey connaît plus que n’importe qui les activités de perturbation des opposants politiques aux États-Unis (par le FBI). Il devrait révéler toutes ces informations.
Les auditions sénatoriales de James Comey et, sans aucun doute, toutes celles à venir au Congrès, de même que l’enquête spéciale de l’ex-directeur du FBI, Robert Mueller, concerneront D. Trump et ses associés-es, mais le FBI a une longue histoire de secrets et d’oppression que ceux et celles qui se battent pour la justice et la démocratie ne devraient jamais oublier.
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