Relever le défi posé par les changements climatiques est une question d’avenir pour la civilisation humaine. Le futur doit changer radicalement de forme si nous voulons éviter la catastrophe annoncée par tous les scientifiques. Pour ce faire, on ne peut compter sur les élites qui se refusent à comprendre et à agir. Seule la puissance de la mobilisation populaire peut remettre radicalement en question la société actuelle qui nous a conduit au bord du gouffre.
La campagne de Québec solidaire sur le climat est une contribution à cette mobilisation qui doit s’élargir pour imposer la nécessité d’un monde basé sur un nouveau rapport à la nature et sur une justice climatique et sociale enfin réalisée. Il s’agit rien de moins que d’apporter notre contribution à cette oeuvre porteuse de lendemains qui chantent.
La lutte aux changements climatiques commande l’urgence d’agir
L’aspect principal de la scène sociopolitique au Québec depuis l’automne dernier est l’éclosion d’un puissant mouvement de masse sur les questions environnementales. Marqué de grandes mobilisations à travers la province le 15 novembre 2018 et le 15 mars 2019, un autre rendez-vous de masse est prévu le 27 septembre prochain avec des grèves d’enseignants et d’élèves projetées dans plusieurs cégeps et universités ainsi que de grandes marches prévues dans six villes à travers la province.
La question de la lutte aux changements climatiques occupe une place de plus en plus centrale sur la scène politique. Il sera sans doute au centre des prochaines élections fédérales où les défenseurs du capitalisme vert s’affronteront aux climatosceptiques encore puissants dans la classe politique au Canada. Au Québec, les multiples mobilisations ont forcé le gouvernement caquiste à changer son discours sur les changements climatiques et à lancer une consultation visant l’élaboration d’un « plan d’électrification et de changements climatiques (PECC) » dans une optique de néolibéralisme vert tout en ne remettant pas en question les projets d’exploitation et de transport de gaz naturel (Projet GNL).
Le gouvernement Legault a mobilisé des dizaines d’expert-e-s, dont plusieurs en provenance d’un secteur du mouvement écologiste qui compte sur le dialogue social afin d’instaurer un capitalisme vert. Le gouvernement a prévu une tournée de quatre ministres dans treize régions du Québec, la mise en œuvre de mécanismes de consultation de la population et le dépôt de son plan au début de l’année 2020. Ces initiatives du gouvernement qui changent le contexte de la campagne 20/20 nécessitent une redéfinition des modalités de cette campagne.
Dans le cadre de sa campagne, Québec solidaire doit prioriser la participation à la construction des mobilisations de masse par rapport au dialogue social
Bien qu’une aile du mouvement environnementaliste semble privilégier le « dialogue social ” avec le gouvernement et ultimement le patronat, l’aile militante (la Planète s’invite au parlement, la Planète s’invite à l’université, Extinction Rébellion, les groupes étudiants, etc. ) priorise la mobilisation et, pour le moment, donne le ton, à l’ensemble du mouvement.
Il ne suffit pas d’organiser des cortèges lors des grandes manifs. Il faut surtout orienter les associations locales et régionales , les militant-e-s de Québec solidaire actifs-ves des mouvements sociaux (écologiste, communautaire, syndical, féministe, antiraciste, étudiant) vers la mobilisation continue de leurs milieux de façon à étendre et à approfondir le mouvement.
Or, l’attitude ambiguë de QS dans ses déclarations publiques sur le blocage parlementaire en octobre 2020, jumelé à des appels au gouvernement caquiste « nous sommes prêts à vous aider à adopter un plan de transition » n’aide pas à clarifier les perspectives. Il faut l’affirmer clairement : un blocage parlementaire de 10 députés sur 120 ne donnera rien s’il n’est pas conjugué à un puissant blocage social. Seule la mobilisation de masse peut créer le rapport de force nécessaire pour gagner des réformes substantielles.
Proposition 1
• Québec solidaire se doit non seulement d’appuyer fermement l’aile militante et démontrer les limites des illusions sur le dialogue social, mais, aussi et surtout, contribuer à construire le mouvement social pour la justice climatique.
Faire connaître au cours de la campagne 20/20, le plan de transition écologique transformateur que nous voulons, amenant à dépasser le capitalisme
La montée du mouvement de masse est accompagnée de multiples propositions de plans de transition plus ou moins justes, de New Deal vert, etc. Ceci crée un excellent terrain pour intervenir avec un plan de transition liant justice environnementale et sociale, et surtout pointant vers le dépassement du système socio-économique responsable de la catastrophe actuelle. Or, Québec solidaire est relativement muet sur le contenu du plan de transition nécessaire en dépit du fait qu’un plan de transition ait été mis de l’avant lors de la campagne électorale.
Au moment où la CAQ semble nous concocter un plan de transition ultra-néolibéral (le PECC ou plan d’électrification et de changements climatiques), en association avec les chambres de commerce, et faisant l’impasse sur la promotion, l’exploitation et le transport du gaz naturel , il faudrait au contraire prendre le taureau par les cornes et avancer un plan de transition écologique et démocratique, ambitieux et transformateur.
Un véritable plan de transition doit concrétiser une vision de transformation sociale en profondeur et de sortie du système actuel. Cette vision est déjà présente dans le programme de QS. Il s’agit de l’intégrer dans le plan de transition.
Proposition 2
• Face au projet de la CAQ dont la publication est annoncée pour le début 2020, il est essentiel dans le cours même de la campagne 20/20, que Québec solidaire présente son propre plan de transition, et ce, le plus largement possible.
Proposition 3
• Québec solidaire défend prioritairement les principales revendications de son plan de transition et souligne l’urgence de sa mise en oeuvre
◦ a. Des réductions des émissions de gaz à effet de serre mises de l’avant par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, soit une réduction de 45% en 2030 et de 95% en 2050.
◦ b. D’interdire tout projet d’exploitation ou d’exploration pétrolière ou gazière sur le territoire du
Québec
◦ c. Comme le transport est le principal secteur émetteur des gaz à effet de serre, de prioriser le développement d’une filière de transport public électrifié, urbain et interurbain, pour les personnes sous contrôle démocratique, et affirmer la nécessité d’assurer le plus rapidement possible à la gratuité de ces transports publics et investir au maximum dans le transport actif et les projets de densification urbaine.Articuler un plan de création d’emplois verts liés au développement d’une industrie de matériels roulants sous contrôle public et démocratique, avec participation des travailleurs-euses dans une optique de transition juste. Au niveau du transport des marchandises, favoriser l’utilisation de trains électriques pour le transport interurbain et l’électrification des camions légers pour le transport intraurbain.
◦ d. D’entreprendre de grands travaux visant à réaliser des économies d’énergie et de transformer les bâtiments du chauffage au mazout ou au gaz naturel vers un chauffage hydro-électrique. Ces travaux seraient une source importante d’emplois verts.
◦ e. D’obliger par voie réglementaire les entreprises manufacturières à opérer l’électrification de leurs procédés industriels .
◦ f. De favoriser une agriculture de proximité axée sur les circuits courts visant la souveraineté alimentaire plutôt qu’une agriculture industrielle tournée vers l’exportation
◦ g. De garder le secteur énergétique sous le contrôle public et démocratique et ne pas laisser au secteur privé le développement des nouvelles sources d’énergie
◦ h. de respecter les droits des peuples autochtones et leur territoire.
◦ i. De refuser de se fier aux mécanismes du marché qui donnent aux entreprises la main haute sur la lutte aux changements climatiques qui on fait la preuve de leur inefficacité dans la lutte au GES et de rejeter les fausses solutions comme la bourse du carbone ou la taxe carbone).
Québec solidaire doit favoriser la convergence, l’unification et la démocratisation du mouvement de lutte contre les changements climatiques
De nombreux plans de transition sont proposés. Pour favoriser l’unité dans la lutte, ils devraient être l’objet de débats ouverts et démocratiques qui permettraient de construire un large consensus sur les chemins de cette transition. Ces débats devraient aussi porter sur un plan d’action partagé pointant les luttes concrètes auxquelles donner la priorité et définissant des stratégies précises permettant d’arracher des victoires à partir des mobilisations de la population. L’élaboration démocratique et collective d’un tel plan de transition et d’action par le bas (ou les scientifiques et les experts pourraient apporter leurs conseils) pourrait unifier et élargir le mouvement.
Le mouvement de lutte contre les changements climatiques n’a pas à se placer dans une position d’attente face aux gouvernements en place d’Ottawa ou de Québec. S’il veut s’unifier, il doit définir ses objectifs et ses moyens d’action sur une base autonome et démocratique. Si le mouvement global d’urgence climatique doit passer par un processus de transformation sociale, il faut donc que ce soit un mouvement qui cherche à faire converger les luttes environnementales avec les luttes syndicales féministes, antiracistes, décoloniales et autochtones. C’est pourquoi nous devons proposer que des États généraux soient appelés par les différentes organisations. Ce sont ces plans de transition et d’action tirés d’une véritable démarche démocratique et de masse que le mouvement doit construire dans ses délibérations. Et ce défi exige de ne pas se laisser leurrer par la rhétorique verte avec laquelle le gouvernement Legault cherche à jeter de la poudre aux yeux !
Proposition 4
• Québec solidaire favorise la convergence, l’unité et la démocratisation du mouvement de lutte aux changements climatiques et propose la perspective d’États généraux dans les groupes environnementaux pour mesurer l’écho d’une telle perspective.
Stimuler la démocratie interne dans Québec solidaire.
La campagne Ultimatum 2020, lancée au Conseil national de mars 2019, a soulevé plusieurs remarques et critiques au sein de Québec solidaire. Notons que cette campagne, dont le principe a été adopté au CN de novembre 2018, a été lancée sans aucune discussion préalable au sein du parti et qu’aucun débat n’a eu lieu sur son application tant nationale que régionale ou locale. Tout aussi grave, aucune discussion n’a été menée sur le rapport entre cette campagne et la mobilisation sociale massive sur les questions environnementales qui agitent présentement le Québec.
Cette centralisation de la stratégie pose un sérieux risque de subordination de l‘aile militante du parti au bureau national ou du parti de la rue à celui des urnes. L’action politique semble être réduite à la seule préparation électorale. Peu de réflexion a été accordée au travail d’enracinement politique dans les quartiers, les régions, les milieux de travail ou les mouvements sociaux.
Proposition 5
• Québec solidaire favorisera la participation la plus large de ses membres et sympathisant-e-s dans la campagne 20/20 et approfondira pour ce faire le caractère démocratique de la campagne :
◦ a. en impliquant davantage les membres dans l’élaboration de la stratégie de la campagne Ultimatum 2020 et en faisant de la campagne un sujet de discussions et débats au prochain congrès du parti.
◦ b. en valorisant le rôle des réseaux militants, entre autres, sur la question écologique en stimulant la formation de tels réseaux aux niveaux régional et local.
◦ c. en stimulant l’appropriation du plan de transition avant les prochaines élections débouchant sur son adoption collective et démocratique tout en en favorisant sa bonification et mise à jour.
◦ d. en invitant des représentant-e-s des mouvements écologistes et autres mouvements sociaux à participer à ces discussions.
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