le 20 décembre 2021 | Economy for All, Independent Media Institute
« C’est significatif », a déclaré Cédric de Leon, directeur du Labor Center de l’Université du Massachusetts à Amherst. « L’employeur et les travailleurs et les travailleuses savent que l’établissement d’une tête de pont dans l’une des plus grandes entreprises, une véritable marque emblématique sur le marché hôtelier américain, est une réalisation majeure. »
La direction de Starbucks a tenté de retarder le vote et a même placé de nouveaux et nouvelles employé.e.s dans les cafés pour diluer les votes favorables à la syndicalisation. Elle a aussi fait venir des gestionnaires de l’extérieur pour surveiller de près les travailleurs et les travailleuses et de les intimider. L’entreprise, qui a longtemps résisté à la syndicalisation, a fait venir à Buffalo son ancien directeur général, Howard Schultz, pour décourager les travailleurs et les travailleuses de se syndiquer, allant jusqu’à fermer les cafés le samedi de sa visite afin de forcer les employé.e.s à écouter son discours.
Vu ses efforts pour empêcher une poignée de cafés de se syndiquer, il n’est pas surprenant qu’il ait fallu 50 ans après la fondation de l’entreprise pour qu’un seul de ses cafés opte pour la syndicalisation. Et il n’est pas étonnant que les commentateurs et commentatrices soient étonné.e.s par cet événement potentiellement révolutionnaire.
Dans son discours, Schultz, le principal actionnaire de Starbucks, a évoqué l’assurance maladie et les contributions aux frais de scolarité que l’entreprise donne comme arguments contre la nécessité d’un syndicat. Pourtant il y a de forts arguments en faveur de la syndicalisation. Une étude des conditions des milliers d’employé.e.s de Starbucks dans les aéroports a révélé un écart racial de rémunération, les travailleurs et les travailleuses noir.e.s gagnant 1,85 $ de moins par heure que leurs homologues blancs et blanches. Près d’un travailleur, une travailleuse sur cinq a déclaré ne pas avoir assez d’argent pour couvrir les besoins de nourriture. Et en 2020, au milieu de la mobilisation nationale pour la justice raciale, Starbucks a interdit la portée par ses employé.e.s d’épinglettes ou de vêtements en soutien de Black Lives Matter. L’entreprise a fait marche arrière après un tollé public.
Comme Amazon et Walmart, Starbucks a souvent exercé des représailles contre les travailleurs et les travailleuses qui promeuvent la syndicalisation. Ainsi, le barista de Starbucks en Floride, Gabriel Ocasio Mejias, a été licencié pour avoir tenté de convaincre ses collègues d’adhérer à Unite Here.
La pandémie a été particulièrement dure, parce que les commandes en ligne ont fortement augmenté. Un chef de quart à New York, qui a souhaité rester anonyme, a déclaré au Guardian : « La compagnie veut des robots qui se déplacent vite. Nous ne sommes pour elle que de petits drones qui pompe le maximum de latte en une demi-heure. »
Révolte des « partenaires »
Lorsqu’on lui a demandé de répondre à la plainte de ce chef de quart, un porte-parole de Starbucks a répondu : « Nos 200 000 partenaires à travers les États-Unis sont les meilleures personnes du secteur. Leur expérience est essentielle pour nous aider à faire de Starbucks un lieu de travail significatif et inspirant. Nous offrons à tous les partenaires à temps partiel et à temps plein un programme d’avantages sociaux de classe mondiale, ainsi qu’un soutien soutenu pendant la pandémie, leur permettant de prendre soin d’eux-mêmes et d’elles-mêmes et de leurs familles. »
En fait, l’entreprise qualifie ses employé.e.s de « partenaires », comme si ce terme suffit à éclipser le manque de pouvoir des travailleurs et des travailleuses. Mais le terme a l’inconvénient de rappeler aux travailleurs et aux travailleuses qu’ils et elles n’ont rien qui ressemble au pouvoir d’un.e partenaire.
L’une des employées Starbucks à Buffalo qui a voté en faveur de la syndicalisation, Michelle Eisen, a déclaré dans un communiqué : « Cette victoire est la première étape pour changer ce que signifie être un.e partenaire chez Starbucks, et, plus largement, ce que cela signifie de travailler dans le secteur des services. Avec un syndicat, nous avons maintenant la possibilité de négocier un contrat qui forcera Starbucks à devenir l’entreprise qu’elle peut être, qui nous donne une vraie voix sur notre lieu de travail. » Et c’est cela précisément qui fait peur à Starbucks.
Déjà, les employé.e.s de deux cafés à Boston, voyant le succès du café Buffalo, ont signé des demandes d’élections syndicales. Ces travailleurs et travailleuses ont publié une déclaration qui dit : « Nous considérons qu’il ne peut y avoir de véritable partenariat sans partage du pouvoir et sans responsabilité. »
Les travailleurs et les travaileuses d’un café à Mesa en Arizona ont également été inspiré.e.s par la victoire à Buffalo et ont déposé une pétition pour la tenue d’une élection syndicale. L’un des travailleurs a déclaré au journal Arizona Republic : « Nos yeux étaient rivés sur Buffalo. »
Un porte-parole de Starbucks a déclaré à propos de l’activité en faveur de la syndicalisation à Mesa : « Nous ne devrions pas avoir un tiers entre nous lorsqu’il s’agit de travailler ensemble pour créer la meilleure expérience de travail que nos partenaires puissent avoir. » Mais un travailleur de Starbucks à Buffalo qui sert de liaison syndicale pour les travailleurs et les travailleuses de Mesa a répliqué : « Notre syndicat va être composé de baristas et de chefs d’équipe qui travaillent pour Starbucks. Depuis quand cela est-il un tiers ? ».
Le grand public semble également de plus en plus favorable aux efforts de syndicalisation. Un sondage Gallup en septembre a révélé le soutien public le plus fort aux syndicats depuis 1965 : 68% des répondant.e.s se sont dit favorables au droit à la négociation collective. Le soutien de la communauté est un facteur important dans le succès des campagnes de syndicalisation.
La question maintenant est à savoir si la direction de Starbucks négociera un contrat de bonne foi. Terri Gerstein dans l’American Prospect a averti que « même à Buffalo, la bataille est loin d’être terminée. Il y a trop de façons pour les employeur.e.s d’essayer de détruire un syndicat, même après une élection ». Le sénateur du Vermont Bernie Sanders, qui avait déclaré sa solidarité avec les travailleurs et les travailleuses de Buffalo, a exigé, après l’annonce du vote, que « [l]’entreprise doit cesser de dépenser de l’argent sur la lutte contre le syndicat et négocier de bonne foi un contrat équitable maintenant. »
Un message, un commentaire ?