À Québec, encore 47 % des matières résiduelles sont acheminées vers l’incinérateur de la ville (donnée 2013). La quasi-totalité des matières organiques et des boues d’épuration y sont incinérées, ainsi que de nombreuses matières recyclables jetées à la poubelle. En effet, près de 40 % des immeubles de plus de 12 logements n’ont pas de bac de recyclage dans la ville de Québec. Québec fait piètre figure devant sa voisine Lévis, où seulement 8% des immeubles de plus de 6 logements n’ont pas de bacs bleus (données 2015).
Chaque année, plus de 250 000 tonnes de déchets sont donc transportés vers l’incinérateur de Québec. Cette opération permet de réduire de 90 % le volume des déchets, dont les cendres sont ensuite transportées et enfouies sur la Côte de Beaupré. Or, l’incinération des déchets rejette dans l’air des milliers de tonnes de gaz à effet de serre, ainsi que des molécules très dommageables pour la santé et l’environnement (https://villezerodechet.org/impacts) telles que de l’arsenic, du mercure, des dioxines et des furanes, de l’oxyde d’azote et des gaz à effet de serre. Bien que plusieurs dizaines de millions de dollars aient été investis au cours des dernières années pour moderniser l’incinérateur vieux de 44 ans, des dépassements des normes environnementales surviennent encore. En juin 2017, un échantillonnage des fumées a révélé un taux d’arsenic 176 fois supérieur à la limite recommandée par les lignes directrices du Conseil canadien des ministres de l’Environnement (CCME). L’échantillonnage d’octobre 2017 indiquait quant à lui un dépassement de 65 fois la norme environnementale pour les dioxines et les furanes (molécules reconnues cancérigènes).
L’incinérateur est devenu une béquille indispensable pour la Ville. Sans cette béquille, son lieu d’enfouissement se remplirait en 7 ans plutôt que 35 ans. L’incinérateur lance donc un écran de fumée sur le réel problème : la quantité astronomique de matières résiduelles aboutissant aux ordures.
Le Collectif Objectif Zéro déchet, composé de plusieurs citoyens engagés de la Ville de Québec, lance donc le « Mouvement pour une ville zéro déchet », dont la quête est de convaincre la Ville d’adopter un politique zéro déchet, comme plusieurs autres villes canadiennes et nord-américaines l’ont déjà fait. Une telle politique doit mettre en pratique les 4 R :
1. Repenser notre consommation et notre gestion des matières ;
2. Réduire les déchets à la source ;
3. Réutiliser les matières ;
4. Recycler et valoriser les matières.
Plutôt que de voir les matières résiduelles comme des déchets dont il faut se débarrasser, la Ville doit repenser son mode de gestion. L’incinération détruit irrémédiablement, à grands coûts, des matières qui auraient pu être retransformées en biens consommables. Cela représente un gaspillage important de ressources.
Fort des appuis d’organisations communautaires et écologistes, ce nouveau mouvement demande à la Ville de Québec de devenir un leader environnemental en définissant une stratégie claire et un calendrier ambitieux pour réduire la quantité de matières résiduelles traitées et éliminées. Le collectif invite parallèlement la population à emboîter le pas en signant une déclaration d’appui. (http://www.villezerodechet.org/declaration)
Le thème de la valorisation des matières organiques doit être amené dans les plus brefs délais sur la place publique. Bien qu’elle ait commencé à se pencher sur la question il y a plus de 10 ans, la Ville ne compte implanter la collecte des résidus alimentaires que d’ici 2022. Or, la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles demandait aux municipalités de recycler 60 % de leurs matières organiques en 2015, et prévoit les bannir de l’élimination en 2020. Plusieurs municipalités telles que Sherbrooke, Lévis et Drummondville rencontreront les objectifs du gouvernement. La Ville de Québec doit donc sans tarder faire de la valorisation des matières organiques une priorité. Pour ce faire, la Ville doit commencer dès maintenant à informer la population et doit revoir à la baisse les délais qu’elle s’est fixée. Les initiatives de compostage domestique ou communautaire doivent également être encouragées.
Il est aussi primordial de sensibiliser et d’informer davantage la population sur les différentes avenues pour les matières qui ne devraient pas se retrouver aux ordures, telles que les biens usagés et les résidus domestiques dangereux. La Ville doit d’ailleurs faciliter l’accès aux différents points de dépôt et en augmenter le nombre.
La mise en place d’une politique zéro déchet passe également par des mesures de réduction à la source telles que bannir certains objets jetables, cesser la distribution systématique de publicités papier dans les boites postales, et encourager la fabrication d’emballages facilement recyclables. Les institutions, commerces et industries doivent d’ailleurs être mieux encadrés par la Ville pour assurer une meilleure gestion de leurs matières résiduelles.
L’adoption d’une politique zéro déchet par la Ville de Québec enverra un message clair à la population : l’élimination des matières résiduelles n’est pas soutenable à long terme, puisque les ressources planétaires ne sont pas infinies. Il est temps de revoir collectivement notre façon de les gérer.
Sources :
Comité de vigilance de l’incinérateur de la ville de Québec (2016). Documents d’intérêts.
CMQ (2016). Plan métropolitain de gestion des matières résiduelles de la CMQ 2016-2021.
MDDEP (2011). Politique québécoise de gestion des matières résiduelles, Plan d’action 2011-2015.
Jean-Nicolas Blanchet (2015). Le recyclage aux ordures. Le Journal de Québec.
Ville de Québec (2017). Cahier spécial Matières résiduelles, une gestion proactive.
Site web de la Ville de Québec, Résidus alimentaires et Valorisation des matières organiques.
L’incinérateur de Québec, l’échec de la Ville
Les faits parlent d’eux-mêmes :
L’incinération des déchets est dommageable pour les populations avoisinantes :
• Dans la région de Québec, 26 % des résidus domestiques dangereux (RDD) sont jetés aux ordures puis incinérés (1).
• L’incinération des déchets est une technique couteuse.
• Les habitantEs de la Ville de Québec récupèrent moins de matières résiduelles que la moyenne québécoise.
Impacts sur la santé et l’environnement
L’incinération des déchets rejette notamment dans l’air :
• des dioxines et des furanes (molécules persistantes provoquant plusieurs types de cancer et affaiblissant le système immunitaire) ;
• des métaux lourds comme le mercure et le cadmium (pouvant causer le retard de développement du cerveau des bébés, des troubles du système nerveux et de l’insuffisance rénale) ;
• de l’arsenic (élément affectant le système vasculaire et la peau, et contribuant au développement de certains cancers) ;
• des oxydes d’azote (NOx) (gaz à effet de serre 298 fois plus puissant que le CO2, irritant les voies respiratoires, contribuant au smog et aux pluies acides) ;
• du dioxyde de carbone (CO2) (gaz à effet de serre contribuant aux changements climatiques). De plus, les dioxines, furanes et métaux lourds se déposent au sol2,3.
Coûts élevés ?
L’incinération constitue la voie la plus coûteuse si on tient compte des coûts engendrés par l’extraction des ressources, leur transport, leur transformation et leur élimination (4).
Plus de 70 millions $ ont été dépensés dans les 10 dernières années pour mettre à niveau l’incinérateur (5). De plus, d’autres dépenses sont à venir comme l’ajout de brûleurs et l’achat de gaz naturel.
Faible performance de la ville
Malgré les dépenses mentionnées, des dépassements de normes de rejets ont été mesurés en 2016 dans les fumées de l’incinérateur (2). Seulement 53 % de l’ensemble des matières produites sur le territoire de la Ville de Québec sont recyclées et valorisées (alors que la moyenne québécoise est de 62,5 %) (1).
En 2004, la CMQ6 prévoyait trouver une alternative à l’incinération d’ici 2024, grâce à une réduction progressive de la quantité de déchets collectés. N’ayant pas respecté ses engagements, la Ville prévoit prolonger la durée de vie de l’incinérateur (7). L’incinération détruit irrémédiablement des matières potentiellement recyclables, ce qui freine l’innovation et empêche la création d’emplois.
Les solutions ? Adopter une politique Zéro déchet visant à réduire considérablement la quantité de déchets éliminés (comme les villes de Toronto, Edmonton et San Francisco).
Pour y parvenir :
• Sensibiliser davantage la population afin d’augmenter le taux de récupération, notamment par l’entremise de publicités et d’une patrouille verte.
• Réduire le camionnage de la collecte, déployer des écocentres de proximité/éphémères et prioriser le compostage domestique/collectif.
• Mesurer, chez la population avoisinante de l’incinérateur, le taux de contamination par les métaux lourds, dioxines et furanes.
• Viser la fermeture de l’incinérateur de Québec, ce qui améliorera la qualité de vie des habitants de la Ville de Québec, particulièrement ceux de Limoilou.
Informez-vous
Sources
1. CMQ (2016). Plan métropolitain de gestion des matières résiduelles de la CMQ
2016-2021.
2. Ville de Québec (2016). INCINÉRATEUR - Reprise des échantillonnages 2016.
Dioxines, furanes et mercure.
3. Santé Canada.
4. AmiEs de la Terre de Québec (2004). La fermeture de l’incinérateur : une vision
d’avenir pour la Communauté métropolitaine de Québec (CMQ) .
5. CVI. Bilan travaux immobilisation incinérateur, janvier 2005 à mars 2015 (dans
Présentations et rapports)
6. CMQ (2004). Plan de gestion des matières résiduelles de Québec Rive-Nord.
7. CMQ (2014). Plan de gestion des matières résiduelles 2004-2009.
Un message, un commentaire ?