Édition du 18 juin 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Référendum sur l’indépendance de l’Écosse

Pourquoi les socialistes doivent soutenir l’indépendance !

NdT : Colin Fox est porte-parole du Parti Socialiste Ecossais (Scottish Socialist Party, SSP), une organisation de la gauche radicale écossais qui, depuis sa création, se bat pour une« Ecosse indépendante et socialiste ».

Colin Fox (SSP)

Après un match où son équipe avait connu une défaite humiliante, Tommy Docherty – lelégendaire patron de Manchester United – avait soupiré : « nous avons perdu 4 à zéro. Etencore, nous avons eu de la chance de faire 0 ! »

C’est un sentiment que peuvent comprendre les Conservateurs en Ecosse : ils y sont tellementdétestés qu’ils n’ont qu’un seul député sur 56 et qu’ils peuvent s’estimer heureux d‘en avoirobtenu un ! Et aussi incroyable que cela puisse paraître, leurs partenaires de la coalitiongouvernementale sont encore plus méprisés qu’eux. Les Libéraux Démocrates ne détiennentaucune circonscription électorale et l’an dernier, lors des élections locales, ils ont mendié lapossibilité de se joindre aux Conservateurs haïs, à Westminster.Tout cela constitue un vrai dilemme pour le Parti travailliste. En tant qu’animateurs de lacampagne pour le « Non » à l’indépendance, ils se retrouvent en coalition avec lesConservateurs et les Libéraux – Démocrates. L’ancien député Charlie Gordon, qui a perdu sonsiège en faveur du SNP, a bien résumé le malaise qui se répand parmi les troupes d’EdMiliband, dans un tweet récent : « Les milliardaires conservateurs et les militants
travaillistes, ‘mieux ensemble’ !!* ?? ».

Voilà quelle est l’opposition politique au mouvement jaillissant en faveur de l’indépendanceet qui vient encore de manifester à Edinburgh. C’est la première fois que les partisans del’indépendance ont pu se rassembler depuis le lancement en Juin dernier de la campagne« Oui à l’Ecosse ! ». Une bien belle journée ! Le Premier Ministre, Alex Salmond estintervenu au nom du SNP, Patrick Harvie pour les Verts et moi-même pour le SSP. Nos troispartis, fondateurs en 2005 de la Campagne pour l’Indépendance de l’Ecosse, ont été rejoints
par des milliers de gens venus de toute l’Ecosse, notamment des représentants desassociations culturelles et civiques.

Il faut noter que les termes de ce débat ont considérablement changé depuis les années 90. Les« unionistes » acceptent maintenant de considérer l’Ecosse comme une nation qui possède undroit inaliénable à l’autodétermination. Ils acceptent aussi l’idée que l’Ecosse est parfaitementcapable de gérer ses propres affaires et concèdent même que ce serait une nation parmi lesplus riches du monde. Cela n’a pas toujours été le cas. Mais ils insistent sur le fait que nousserions encore plus riches en tant que partie prenante du Royaume-Uni. Je vais revenir sur lapertinence de cette affirmation. Mais, d’abord, il est important que les partisans du socialismereconnaissent que soutenir l’autodétermination ne fait pas de vous un nationaliste. Lénine, parexemple, soutenait le droit des peuples à l’autodétermination ; de même que RosaLuxembourg, John Mac Lean ou James Connolly. Et personne connaissant leurs oeuvres ne songerait à les traiter de nationalistes !

La bataille pour l’indépendance n’est pas séparable de la lutte de classes : elle en fait partie.Et, pour le Parti socialiste écossais (SSP), l’indépendance signifie que les Ecossais selibéreront du noeud coulant néo-libéral que leur ont passé autour du cou les spéculateursfinanciers qui dominent aujourd’hui l’économie mondiale. Le SSP considère l’Indépendancecomme une étape vers une société plus juste, pas une fin en soi. Nous luttons pour une Ecosseindépendante et socialiste, une république démocratique moderne. Et cette perspectiverencontre un soutien croissant, au fur et à mesure où le débat se développe.

Pour le Parti socialiste écossais, il n’y a aucun doute : si les revenus, les impôts, les taxes quisont perçus en Ecosse et qui, généralement, sont transférés à la Trésorerie du Royaume-Unirestaient ici, alors l’Ecosse serait plus riche. Mais, bien sûr, nous affirmons également que lesclasses populaires ne s’en porteraient mieux que pour autant que nous combattions pour lepartage de cette richesse. Il n’y aura aucune avancée automatique avec l’indépendance. Seulela classe ouvrière elle-même peut améliorer son niveau de vie collectif. Et il faut vraimentl’améliorer, parce que l’Ecosse subit les pires conditions sociales du Royaume-Uni. Avec225.000 personnes officiellement au chômage et plus de 800.000 travailleurs à temps partiel,à durée déterminée, ou précaires qui gagnent le minimum national (6.08 Livres sterling) oumême moins, il y a beaucoup à faire ! Un habitant sur trois souffre du froid à cause du prix dufuel : le niveau et la qualité de vie dépendent du thermomètre. Aujourd’hui, en Ecosse, loin dese rétrécir, les inégalités obscènes s’accroissent, alors que nous supportons la pire récessionéconomique depuis 80 ans.

On a beaucoup critiqué la focalisation du débat sur des questions de procédure : y aurait-il uneseule question ou deux sur le bulletin de vote ? Quel Parlement possédait-il le pouvoir légalde convoquer le référendum ? Quelles instances contrôleraient-elles les opérations de vote ?Mais ces questions ont été réglées et, maintenant, le débat se concentre sur une questionnettement plus substantielle : est-ce que l’indépendance améliorerait ou non le sort de laclasse ouvrière ?

La coalition « Mieux Ensemble ! » prétend que l’Ecosse bénéficie de reversements de la partde l’Union. La vérité est que le capitalisme britannique tire en arrière la classe ouvrièred’Ecosse. Il lui refuse toute opportunité de développement et impose d’énormes réductionsdans les budgets affectés aux services publics. Aussi bien, le militarisme britannique – lebudget militaire britannique est le cinquième plus élevé du monde – nous couvre tous dehonte, avec l’occupation de l’Afghanistan, l’invasion de Irak ou le bombardement de la Libye.Tout cela pose de plus en plus ouvertement la question d’une Ecosse progressiste. Faut-il alorsplacer tous ses espoirs dans un nouveau gouvernement travailliste inutile ? Ou faire le choixde l’indépendance ? Ed Miliband nous promet plus de coupes budgétaires, plus de dépensesmilitaires, plus de baisses d’impôts pour les riches, plus de pression fiscale sur les travailleurs,plus de privatisations et plus d’attaques contre les libertés publiques. On a déjà eu tout pleinde cela !

Une Ecosse sociale et démocratique se distinguerait par des décisions complètement différentes : l’abolition des forfaits médicaux, la gratuité des soins aux personnes âgées, lagratuité de l’enseignement universitaire, la gratuité des transports pour les seniors. Cesperspectives marqueraient l’engagement de l’Ecosse en faveur du collectivisme et son rejet del’austérité, des coupes budgétaires et, par-dessus tout, son rejet des Conservateurs !Le mouvement pour l’indépendance constitue une occasion fantastique de transformer l’Ecosse et de fournir au pays les bases politiques dont il a besoin. Le moyen de gagner ceréférendum, c’est de mettre en avant un programme de transformation et d’offrir une visionalternative pour l’Ecosse, opposée en tous points au modèle néo-libéral, capitaliste et militariste aujourd’hui hégémonique.

Traduction : François Coustal

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