Édition du 1er avril 2025

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Europe

J. D. Vance, l’arrogant vice-président qui gêne de Washington au Groenland

Éconduit au Groenland et pris en faute sur Signal, le vice-président de Donald Trump enchaîne les moments embarrassants, souligne “The Observer”. S’il avait plus de décence, il envisagerait de démissionner, juge ce titre britannique de gauche.

Tiré de Courrier international. Éditorial du médias britannique The Observer sur le site de The Guardian.

Le vice-président américain, J. D. Vance, dont on commence à connaître la brusquerie, vient de se ridiculiser publiquement, et ce n’est pas une première. Il a fallu qu’il se rende au Groenland [le 28 mars], au mépris des dirigeants du territoire arctique et du gouvernement danois, qui martelaient qu’il n’était pas invité et qu’il n’était pas le bienvenu. Vance a ainsi été cantonné à la visite d’une base militaire perdue dans l’immensité glacée, où il n’a pu s’exprimer que devant des Américains. Il entendait se rendre sur d’autres sites du territoire danois et parler aux Groenlandais, mais ses projets ont été annulés – les Groenlandais, eux, ne voulaient pas lui parler.

Une hostilité parfaitement compréhensible étant donné les déclarations provocatrices, irrespectueuses et répétées du patron de Vance, Donald Trump, sur la volonté des États-Unis d’annexer le Groenland, si nécessaire par la force et en toute illégalité. Le Groenland est un territoire semi-autonome qui fait partie du royaume du Danemark. Les élections qui s’y sont tenues mi-mars ont montré que les Groenlandais dans leur grande majorité sont favorables à un approfondissement de l’autonomie ou à l’indépendance – ils n’ont aucune envie d’être américains.

Digne de Poutine

De ce projet digne de Poutine, puisqu’il s’agit de s’emparer d’un territoire souverain, Vance a tenté une piètre justification et clamé que le Danemark avait manqué à ses obligations en ne protégeant pas le Groenland des menaces chinoise et russe – ce dont il n’a pas avancé la moindre preuve. Le vice-président américain n’a pas non plus expliqué pourquoi, si de tels dangers existent bien, les États-Unis, membres de l’Otan aux côtés du Danemark, n’honorent pas l’obligation qui leur revient d’accroître “leur capacité […] collective de résistance à une attaque armée” [article 3 du traité de l’Atlantique Nord] en vertu de l’accord américano-danois de 1951 sur la défense du Groenland.

On a beaucoup entendu Trump, aussi, pérorer sur l’importance du Groenland pour la “paix dans le monde”. Il est vrai que l’Arctique est la cible d’une compétition internationale accrue, notamment en raison du changement climatique qui rend la région plus accessible. Mais dans un autre écho à ce que vit l’Ukraine, Trump cherche surtout, manifestement, à mettre la main sur les richesses minières inexploitées du Groenland. Comme à Gaza ou au Panama, sa préoccupation principale n’est ni la sécurité ni la justice, mais des intérêts géopolitiques, financiers et commerciaux. Avec ses intentions insultantes de faire du Canada le 51e État des États-Unis, Trump affiche aussi une autre volonté : relancer son pays dans un expansionnisme territorial agressif d’un autre temps.

Au Groenland, Vance avait certes préféré le bonnet de laine au casque colonial, mais il portait ses menées impérialistes en étendard. Malgré l’accueil glacial qui lui a été réservé, sans doute était-il content de pouvoir s’échapper de Washington, où lui et son compagnon de voyage arctique, le conseiller à la sécurité nationale Mike Waltz, étaient sous le feu des critiques après une autre énormité : l’affaire des fuites du groupe de discussion Signal. Un journaliste de premier plan s’était retrouvé inclus par erreur dans une boucle où Vance, Waltz et d’autres hauts responsables échangeaient en temps réel sur les bombardements menés contre les rebelles houthistes au Yémen.

“Immense hypocrisie”

Cette faille de sécurité est, en soi, gravissime. Mais le contenu de ces discussions, publiées in extenso, a aussi révélé des remarques insultantes, de la part de Vance et du ministre de la Défense, Pete Hegseth, à l’égard des alliés européens. Ces propos stupides et humiliants sont une illustration spectaculaire et particulièrement néfaste de la rapide détérioration des liens transatlantiques depuis le retour de Trump à la Maison-Blanche.

Comme le séjour indésirable de Vance au Groenland, les réactions officielles au scandale de la fuite Signal en disent long sur la nature profonde du gouvernement Trump. Le premier et vil élan du président a consisté à nier toute responsabilité, à minimiser la gravité des faits, à dénigrer le journaliste et même à clamer que toute l’affaire n’était qu’un canular. De leur côté, Waltz, Vance et Hegseth font preuve d’une immense hypocrisie en se refusant à ne serait-ce qu’envisager la démission, après une bourde qui aurait valu à tout responsable de moins haut rang d’être viré sans ménagement.

Les deux épisodes sont révélateurs d’un orgueil, d’une arrogance, d’une incompétence et d’une irresponsabilité proprement sidérants – et sont pour le monde autant d’avertissements qui font froid dans le dos.

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The Observer est un journal hebdomadaire britannique publié tous les dimanches, et adoptant sur la plupart des sujets une ligne éditoriale réformiste et social-démocrate. Sa publication sœur est le quotidien The Guardian.

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