Édition du 12 novembre 2024

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Environnement

Pointe d’Argentenay de l’Île d’Orléans Un joyau à sauver

Le 4 avril dernier, un regroupement de citoyens de l’île d’Orléans tentait une ultime démarche auprès de la ministre de la Culture et des Communications (MCC), Mme Nathalie Roy, en vue d’être entendu par le Conseil du patrimoine culturel du Québec. Dans cette missive, ces citoyens demandaient avec insistance qu’une audience publique soit tenue afin de faire valoir que le projet de village récréotouristique développé par la compagnie Huttopia à la Pointe d’Argentenay - extrême est de Saint-François de l’île d’Orléans - est en complète contradiction avec la nature même du milieu où il est prévu qu’il soit implanté et qu’il met en péril tout développement ultérieur qui irait dans le sens de sa conservation et de sa mise en valeur.

Soulignons que la partie la plus à l’est de la Pointe d’Argentenay est occupée par une forêt en grande partie intouchée depuis l’établissement des premiers colons et qu’elle était, bien avant leur arrivée, utilisée comme site saisonnier de pêche par les Premières Nations. C’est aujourd’hui un écosystème forestier d’une exceptionnelle valeur en raison de sa biodiversité, de sa richesse naturelle et de son intégrité. C’est du moins l’avis de Conservation de la Nature Canada, propriétaire d’une partie de cette forêt, qui précise également qu’elle « abrite, entre autres, de vieux chênes rouges et des hêtres à grandes feuilles [et qu’on] y retrouve aussi plusieurs espèces en situation précaire, dont le noyer cendré, une espèce en voie de disparition au Canada, ainsi que deux espèces floristiques vulnérables … ». Et c’est précisément dans cette forêt unique que devrait être érigée une installation touristique commerciale d’envergure !

Le grand intérêt du lieu tient aussi au fait de l’existence d’un système parcellaire unique conservé intact depuis les premières occupations coloniales. La présence à cet endroit d’une maison de ferme traditionnelle, qu’on sait maintenant avoir été celle de la famille Sanschagrin, n’est pas non plus sans attirer l’attention. René Sanschagrin, le dernier cultivateur occupant, aurait été au coeur d’un courant artistique régionaliste en permettant que se rencontrent chez lui, à de nombreuses reprises, des artistes, écrivains, sociologues et ethnologues tels Horatio Walker, William Brymner, Maurice Cullen, Edmond Dyonnet, Léon Gérin, Marius Barbeau et bien d’autres.

Nous ne pouvons pas non plus passer sous silence la présence probable en ces lieux d’artéfacts témoignant du passage des Premières Nations. Partant, l’exigence d’une extrême circonspection s’impose vis-à-vis de toute intrusion.

Est-il nécessaire de rappeler que l’île d’Orléans est un site patrimonial reconnu pour ses valeurs historique, paysagère, architecturale, emblématique, identitaire et archéologique ? C’est en ces termes que le Répertoire du patrimoine culturel du Québec décrit ce territoire. Apprendre qu’un projet touristique de cette ampleur soit envisagé dans un milieu naturel inestimable, en zone agricole et, de surcroit, dans un site patrimonial, a de quoi dérouter ! Apprendre que la municipalité et la MRC ont donné leur accord sans avoir consulté la population ne fait qu’ajouter à l’indignation.
C’est dans ce contexte, qui appelle à une grande prudence en ce qui concerne tout type de développement dans cet endroit mythique qu’est la Pointe d’Argentenay, que les signataires, inquiets de l’opacité entourant jusqu’ici le traitement du dossier par le MCC, exigent que la Ministre mette en branle rapidement le processus de consultation publique prévu à la Loi et que tous les groupes interpelés par le projet y soient invités.

Signataires

Gilles Gallichan, historien ; Yves Laframboise, ethno-historien ; Michel Lessard, historien ; Jean Rompré, historien ; Anne-Yvonne Jouan, historienne de l’art ; Louise Mercier, ex-présidente d’Action patrimoine ; Philippe Pallafray, sculpteur ; Louise Filion, professeure associée au Département de géographie (U.L.) ; Réginald Auger, professeur titulaire en archéologie (U.L.), Serge Payette, professeur chercheur au Département de biologie (U.L.) ; Pierre Morisset, Ph.D., biologiste ; Austin Reed, biologiste ; Sandrine Louchart, les AmiEs de la terre de Québec ; Pierre-Paul Sénéchal, Giram ; Caroline Roberge, avocate en aménagement du territoire ; Arthur J. Plumpton, consultant en restauration et réhabilitation de l’architecture agricole du patrimoine ; Michel Gauthier, Prix Coup de Coeur de l’Île 2017 ; Marie Dumais et Alain Choquette, respectivement réalisatrice et animateur de la série Passion Maisons de 2005 à 2011 (Historia) ; Bernard Dagenais, professeur au Département d’information et de communication (U.L.) ; Nadine Girardville, David Rosentzveig, Danielle Chartrain, Nathalie Lemelin, Valérie Lemelin, Francine Paré, Patrice Poubelle, Pauline Bruneau, Marie-Andrée Hamel, Patrick Lachance et Normand Gagnon.

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