Édition du 19 novembre 2024

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Arts culture et société

Platon : Clitophon ou Exhortation ; genre éthique[1] (Texte 38)

Texte attribué à Platon dans une critique sévère de Socrate

Dans ce court dialogue attribué à Platon, Socrate est peu présent. Il ne fait qu’amorcer la discussion. Chose rarissime, Socrate se retrouve dans cet écrit non pas louangé mais sévèrement critiqué pour son enseignement. Il y a deux personnages principaux ici : Socrate et Clitophon. Un troisième acteur est mentionné par Clitophon vers la toute fin du dialogue : Thrasymaque.

Dans ce texte, il y a bien entendu une introduction (406a-407a). Vient ensuite une remarque de portée générale sur la qualité des exhortations de Socrate (407a-408b) au sujet du juste, de la justice et de la vertu. Aux yeux de Clitophon, ces exhortations ne débouchent sur rien de véritablement concret (408b-410d). Socrate se fait critiquer parce qu’il ne sait pas enseigner comment devenir juste ni comment produire la justice. Clitophon soulève alors les interrogations suivantes : qu’est-ce que la justice (408b-409d) ? Qui la produit (409d-410a) ? Le dialogue se clôt autour d’une nouvelle question que Clitophon adresse à Socrate concernant son savoir sur la vertu et la justice et au sujet de sa capacité à pouvoir partager ce savoir (410a-d).

Mais que représente au fond cet écrit, si ce n’est que l’expression d’une frustration pour n’importe quelle personne qui aspire à connaître le seule et unique définition valable de la justice. Pourtant, Platon saura fournir suffisamment d’explications sur cette notion, en songeant uniquement à sa République, alors que Socrate se révèle être le personnage principal qui défendit sa définition de la justice devant celle de Thrasymaque, le sophiste, qui y apparaît aussi, tout comme Clitophon, ayant un rôle de figurant. À noter les deux premières syllabes du nom de ce dernier : Clito, possible de rapprocher au titan Clitos qui signifie « célèbre » (Graves, 1967, p. 1 142). Est-ce donc dire que Clitophon est celui qui deviendra célèbre pour avoir critiqué Socrate ? Celui qui a osé remettre en cause sa connaissance de la justice ? Celui qui a mis en doute sa capacité d’enseigner au point d’attirer peut-être l’attention des autorités sur sa mauvaise influence auprès de la jeunesse athénienne ? Ou encore, est-ce celui et le seul qui a osé revenir sur la thèse de Thrasymaque, un possible mentor, afin de la défendre ? Impossible de répondre en toute honnêteté à ces interrogations ici. Nul doute, l’intention semble être de riposter à Socrate, sous la forme d’une critique possible de retrouver encore de nos jours au sujet de la philosophie, c’est-à-dire sur son défaut de n’être jamais suffisamment concrète aux dires des consciences pratiques, bien que pourtant la réalité demeure souvent une chose construite à partir de l’imagination humaine, qui mérite d’ailleurs d’être orientée afin de minimiser ses largesses aux nombreux effets pervers. D’où l’utilité de la sagesse et, conséquemment, de l’enseignement de Socrate.

Guylain Bernier

Yvan Perrier

3 août 2022

yvan_perrier@hotmail.com

Références

Brisson, Luc (Dir.). 2020. Platon oeuvres complètes. Paris : Flammarion, p. 187-193.

Dixsaut, Monique. 1998. « Platon ». Dans Dictionnaire des philosophes. Paris : Encyclopaedia Universalis/Albin Michel.

Graves, Robert. 1967. Les Mythes grecs. Paris : Fayard, 1 185 p.

Sans auteur. 2014. Écrits attribués à Platon. Traduction et présentation par Luc Brisson. Paris : GF Flammarion, p. 85-99.

[1] Dans Sans auteur. 2014. Écrits attribués à Platon. Traduction et présentation par Luc Brisson, le titre se lit comme suit : « Clitophon ou le Protreptique ; genre éthique ». Par « protreptique » il faut entendre : qui exhorte, qui encourage ou qui incite à…

Yvan Perrier

Yvan Perrier est professeur de science politique depuis 1979. Il détient une maîtrise en science politique de l’Université Laval (Québec), un diplôme d’études approfondies (DEA) en sociologie politique de l’École des hautes études en sciences sociales (Paris) et un doctorat (Ph. D.) en science politique de l’Université du Québec à Montréal. Il est professeur au département des Sciences sociales du Cégep du Vieux Montréal (depuis 1990). Il a été chargé de cours en Relations industrielles à l’Université du Québec en Outaouais (de 2008 à 2016). Il a également été chercheur-associé au Centre de recherche en droit public à l’Université de Montréal.
Il est l’auteur de textes portant sur les sujets suivants : la question des jeunes ; la méthodologie du travail intellectuel et les méthodes de recherche en sciences sociales ; les Codes d’éthique dans les établissements de santé et de services sociaux ; la laïcité et la constitution canadienne ; les rapports collectifs de travail dans les secteurs public et parapublic au Québec ; l’État ; l’effectivité du droit et l’État de droit ; la constitutionnalisation de la liberté d’association ; l’historiographie ; la société moderne et finalement les arts (les arts visuels, le cinéma et la littérature).
Vous pouvez m’écrire à l’adresse suivante : yvan_perrier@hotmail.com

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