Dans ce texte, il y a bien entendu une introduction (406a-407a). Vient ensuite une remarque de portée générale sur la qualité des exhortations de Socrate (407a-408b) au sujet du juste, de la justice et de la vertu. Aux yeux de Clitophon, ces exhortations ne débouchent sur rien de véritablement concret (408b-410d). Socrate se fait critiquer parce qu’il ne sait pas enseigner comment devenir juste ni comment produire la justice. Clitophon soulève alors les interrogations suivantes : qu’est-ce que la justice (408b-409d) ? Qui la produit (409d-410a) ? Le dialogue se clôt autour d’une nouvelle question que Clitophon adresse à Socrate concernant son savoir sur la vertu et la justice et au sujet de sa capacité à pouvoir partager ce savoir (410a-d).
Mais que représente au fond cet écrit, si ce n’est que l’expression d’une frustration pour n’importe quelle personne qui aspire à connaître le seule et unique définition valable de la justice. Pourtant, Platon saura fournir suffisamment d’explications sur cette notion, en songeant uniquement à sa République, alors que Socrate se révèle être le personnage principal qui défendit sa définition de la justice devant celle de Thrasymaque, le sophiste, qui y apparaît aussi, tout comme Clitophon, ayant un rôle de figurant. À noter les deux premières syllabes du nom de ce dernier : Clito, possible de rapprocher au titan Clitos qui signifie « célèbre » (Graves, 1967, p. 1 142). Est-ce donc dire que Clitophon est celui qui deviendra célèbre pour avoir critiqué Socrate ? Celui qui a osé remettre en cause sa connaissance de la justice ? Celui qui a mis en doute sa capacité d’enseigner au point d’attirer peut-être l’attention des autorités sur sa mauvaise influence auprès de la jeunesse athénienne ? Ou encore, est-ce celui et le seul qui a osé revenir sur la thèse de Thrasymaque, un possible mentor, afin de la défendre ? Impossible de répondre en toute honnêteté à ces interrogations ici. Nul doute, l’intention semble être de riposter à Socrate, sous la forme d’une critique possible de retrouver encore de nos jours au sujet de la philosophie, c’est-à-dire sur son défaut de n’être jamais suffisamment concrète aux dires des consciences pratiques, bien que pourtant la réalité demeure souvent une chose construite à partir de l’imagination humaine, qui mérite d’ailleurs d’être orientée afin de minimiser ses largesses aux nombreux effets pervers. D’où l’utilité de la sagesse et, conséquemment, de l’enseignement de Socrate.
Guylain Bernier
Yvan Perrier
3 août 2022
yvan_perrier@hotmail.com
Références
Brisson, Luc (Dir.). 2020. Platon oeuvres complètes. Paris : Flammarion, p. 187-193.
Dixsaut, Monique. 1998. « Platon ». Dans Dictionnaire des philosophes. Paris : Encyclopaedia Universalis/Albin Michel.
Graves, Robert. 1967. Les Mythes grecs. Paris : Fayard, 1 185 p.
Sans auteur. 2014. Écrits attribués à Platon. Traduction et présentation par Luc Brisson. Paris : GF Flammarion, p. 85-99.
[1] Dans Sans auteur. 2014. Écrits attribués à Platon. Traduction et présentation par Luc Brisson, le titre se lit comme suit : « Clitophon ou le Protreptique ; genre éthique ». Par « protreptique » il faut entendre : qui exhorte, qui encourage ou qui incite à…
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