Édition du 18 juin 2024

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Europe

Grande-Bretagne : pas mon roi !

6 mai 2023. Une date historique pour les plus fervents monarchistes. Un nouveau souverain a uni son destin à celui de ses sujets.

Un pour tous et tous pour un ! A la vie comme à la mort. Les Britanniques ont voulu célébrer leur nouveau monarque comme il se doit et lui d’ailleurs n’a pas lésiné sur les moyens. Pourquoi se priver quand les contribuables britanniques peuvent et doivent contribuer (qu’ils le veuillent ou non) au faste et aux pompes royales, des célébrations d’un autre temps, une cérémonie d’il y a 1000 ans. Il faut en mettre plein les yeux au monde entier !

Le 6 mai 1923 restera à jamais gravé dans les annales britanniques comme le jour où Charles III a été couronné, succédant ainsi à sa mère, la regrettée reine Elizabeth II ou Lilibet pour les plus intimes.

Il était normal pour la photographe que je suis de saisir mon appareil photo pour capturer ce moment historique (et soyons francs, un moment assez burlesque) car je suis loin, bien loin d’être royaliste. Juste curieuse. Tout comme les badauds qui traînent dans les rues en quête de sensations fortes ou de spectacles divertissants. Curieuse d’observer l’extase du peuple britannique face à son nouveau souverain où les plus jeunes et les moins jeunes étaient présents pour une journée qui s’annonçait joviale, bien que pluvieuse, et qui leur fit oublier leurs propres soucis et effacer la crise économique qui ravage les plus démunis, qui eux même étaient prêts à oublier leur propre faim pour régaler leurs yeux fatigués de ce faste royal historique. Pour la majorité des Brits, assis face à leur télévision, Londres était bien loin. Eux, les oubliés, enterrés dans ces régions au centre et au nord de l’Angleterre où vivent les populations les plus pauvres ( hé oui, tristement, certaines villes au Royaume-Uni sont encore dignes des romans de Charles Dickens où des petits Oliver Twist ne mangent toujours pas à leur faim jusqu’à ce jour) et où leurs pères ne peuvent que rêver de jours meilleurs, leur drapeau du « Union Jack » dans une main et une canette de bière dans l’autre, trinquant à la santé de Charles III (ou Charlie pour les plus intimes) quand leur propre santé laisse à désirer.

Cependant, durant ce culte royal, des anti-monarchistes et républicains ont aussi exprimé leur désaccord. In a very British way bien sûr. L’éternel tact anglais qui veut que, même dans les moments où on est très en colère, on le fasse avec diplomatie et doigté…Ah, où sont les Français pour allumer le feu de la rébellion quand on a besoin d’eux ? L’institution royale au Royaume-Uni le sait, et Charles III dans son carrosse doré n’eut pas vraiment à se soucier. Que ces gueux républicains aillent au Diable ! Après tout n’est- il pas le Serviteur de Dieu sur terre et le chef suprême de l’Eglise anglicane ? Pendant ce temps le gouvernement pouvait se satisfaire d’avoir renforcé, une semaine avant le couronnement, leurs lois contre les manifestations, afin de veiller à ce que le couronnement se passe en douceur and sans heurts, aussi minimes soient-ils, de la part des manifestants anti-monarchistes.

Quelle n’a pas été notre surprise de voir que malheureusement, au lieu d’accueillir ces manifestations pacifiques comme un exercice fondamental de la liberté d’expression, les autorités ont adopté une approche plutôt sévère. Non seulement elles ont confisqué les étendards jaunes brandis par les manifestants, mais elles ont également procédé à l’arrestation des leaders du mouvement. Tous de jaunes vêtus, ils étaient bien inoffensifs ces manifestants, mais non, on a voulu les faire taire. Peut-être que tout simplement le jaune dérangeait… Le jaune n’est-il pas aussi une couleur joviale, tout comme les couronnes colorées en papier arborées par les monarchistes ? Ben non, les monarchistes eurent le droit d’assouvir leur délire royal mais pas les manifestant anti-monarchistes ? Quelle injustice au pays de Shakespeare et de Churchill !

La question fondamentale qui se soulève par cette répression est celle de la liberté d’expression au Royaume-Uni. Un pays qui se dit progressiste et démocratique devrait protéger et encourager le droit des citoyens à exprimer leurs opinions, même si elles vont à l’encontre des institutions établies. En confisquant les symboles des manifestants et en arrêtant leurs leaders, les autorités ont aussi soulevé des doutes quant à leur engagement envers les principes démocratiques fondamentaux.

Mais aux oubliettes les principes démocratiques le temps d’un couronnement. Charlie se chargera d’apaiser les quelques britanniques en colère avec des jours fériés en bonus, tout en chuchotant à l’oreille de son fils William (Willie pour les intimes) « quand ton tour viendra il faudra sauvegarder par tous les moyens notre monarchie » tout comme sa mère Lilibet lui avait longuement chuchoté, durant ses 70 ans de règne. Ce n’est pas tombé dans les oreilles d’un sourd, aussi larges soient-elles…

Samira Oulaillah

photos Samira Oulaillah

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