Édition du 17 décembre 2024

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Asie/Proche-Orient

Palestine : « Tout est en place pour une offensive sioniste accentuée à Jérusalem »

Le 30 octobre 2014, une porte-parole de Mahmoud Abbas déclarait que la fermeture de l’accès à l’Esplanade des Mosquées était une « déclaration de guerre ». Benyamin Netanyahou, premier ministre d’Israël depuis mars 2009, n’a pas hésité à qualifier cette déclaration de « choquante » et stimulant quasiment le terrorisme. De fait, Mahmoud Abbas saisit la montée d’un soulèvement en Cisjordanie et doit manœuvrer. Pour rappel, le 28 septembre 2000, Ariel Sharon a décidé de se rendre sur les lieux de l’Esplanade des Mosquées. Sa visite se terminera par un bain de sang pour les Palestiniens et déclenchera la deuxième Intifada, autrement dit le soulèvement.

Le 26 octobre 2014, le gouvernement israélien confirmait que 600 logements seraient construits à Ramat Shlomo et 400 à Har Homa, des districts de Jérusalem-Est. A comparer avec la « reconstruction » fictive de Gaza !

L’édification supplémentaire de ces logements constitue une avancée additionnelle de la colonisation. Gideon Levy dans le quotidien Haaretz, en date du 23 octobre 2014, écrit : « Deux nations vivent dans le Pretoria d’Israël [Jérusalem]. C’est devenu la capitale israélienne de l’apartheid… Le soulèvement est en bonne voie. Quand la prochaine vague de terreur sortira des ruelles de Jérusalem-Est, les Israéliens vont dire qu’ils sont étonnés et furieux. Mais la vérité doit être dite : malgré l’incident choquant de mercredi [1], les Palestiniens sont en passe de devenir l’une des nations les plus tolérantes de l’histoire. Les arrestations massives, les colons violents, les privations, l’expulsion des terres, la dépossession – et ils restent silencieux, à l’exception de la récente protestation avec des pierres.

Il n’y a pas d’auto-illusion dont la ville ne souffre pas. La capitale n’est une capitale qu’à ses propres yeux ; la ville unifiée est l’une des plus divisées dans l’univers. La prétendue égalité est une plaisanterie et la justice est foulée aux pieds. Le libre accès aux lieux saints est pour les Juifs seulement (et oui, pour les musulmans âgés, de 50 ans). Et le droit au retour est réservé aux juifs. » Un constat exact que l’on voudrait voir repris dans la presse de « référence » en Europe.

D’ailleurs à propos des lancers de pierres par de jeunes Palestiniens, le gouvernement israélien vient de prendre des mesures extrêmes de répression. Ainsi, des jeunes lanceurs de pierres blessant une personne ou endommageant une voiture pourront, sur la base d’une modification d’articles du Code pénal que la Knesset doit encore approuver, subir des peines de prison de 10 à 20 ans. Aucune preuve ne doit être fournie pour le jet de pierre « normal ». Si l’intention (sic !) de blesser une personne est avérée, alors la peine peut monter à 20 ans. Les peines de prison pour ce geste de résistance assez symbolique face à des forces de police très militarisées étaient déjà susceptibles d’entraîner des peines de prison de 2 ans ! Depuis juillet 2014, le nombre d’arrestations s’approche de 1000.

Selon sa tactique habituelle, Netanyahou a annoncé, le 2 novembre 2014, que les juifs ne pourraient pas aller prier sur l’Esplanade des Mosquées. De suite, Mahmoud Abbas a salué cette déclaration ! Pourtant, au même moment, un député ultra de la Knesset, sous escorte policière et en réponse pratique au premier ministre, se rendait sur ces lieux. Tout est donc en place pour une offensive sioniste accentuée à Jérusalem.

Ainsi, au moment où les provocations – concertées – se multiplient à Jérusalem, à Hébron et ailleurs, dans le cadre de la politique coloniale de l’Etat sioniste, le gouvernement égyptien, sous la direction de l’ex-maréchal Abdel Fattah al-Sissi, construit une zone-tampon large de 500 mètres et longue de 10 kilomètres à sa frontière avec la bande de Gaza. Le contrôle des activités des Gazaouis sera strict et la sortie sur l’Egypte par la porte Rafah sera placée sous une surveillance militaire qui n’aura d’égal que celle d’Israël. Les milliers d’habitants du côté égyptien, dont les logements ont été détruits (comme ceux des Palestiniens par Israël à chaque prétexte), recevront l’équivalent de 45 dollars de dédommagement. Jusqu’à quand ?

Dans la foulée, le gouvernement de Netanyahou ouvre et ferme les deux entrées dans Gaza depuis Israël ; cela se produit à nouveau depuis le 1er novembre 2014. Gaza est « isolée du monde ». Haaretz, du 3 novembre 2014, titre un article ainsi : « L’Egypte et Israël serrent la corde autour du cou du Hamas. Avec Israël et l’Egypte fermant la frontière ainsi que stoppant des efforts de reconstruction de Gaza, le chemin vers de nouvelles violences pourrait être plus court qu’il n’apparaît ».

Les proclamations « triomphalistes » faites sur les 5,4 milliards de dollars promis à la fin de la « conférence sur la reconstruction », le 12 octobre 2014, sont aussi coupées de la réalité. La reconstruction sera placée sous étroite surveillance et sera un instrument de chantage politique et de manœuvres permanentes, mettant en question toutes les intentions d’élaboration d’une stratégie politique pour la résistance palestinienne, ce qui serait possible sans un climat d’effrayante intimidation contre la population palestinienne et de préoccupations pressantes et quotidiennes de survie qui rendent très difficile la jonction entre révolte et stratégie politique, avec différentes facettes.

La réédification tardera – elle qui nécessiterait au moins 8 à 10 ans selon les études les plus sérieuses – alors que la misère se fera tous les jours plus alarmante. L’objectif de Netanyahou et des cercles dominants sionistes est de faire émigrer le plus de Gazaouis disposant d’une qualification universitaire et professionnelle (les dernières données de Frontex le prouvent) et d’emprisonner les autres. Une politique d’entrepôt (à ciel ouvert) d’une population spoliée qui s’articule avec l’emprisonnement dans des prisons avec barreaux et toits, incarcération suite à des allégations arbitraires de résistance (ce qui est un droit face à l’occupation) et de terrorisme.

En outre, le gouvernement israélien vient aussi d’annoncer la mise au point d’un « Dôme d’acier » pour protéger son espace maritime, plus exactement pour s’assurer la protection de ressources à venir en pétrole et en gaz, car un affrontement s’annonce à ce propos dans cette région maritime. Difficile quand on accumule ces faits de soutenir, de manière étrangement sectionnée, une victoire politique du Hamas, d’un côté, et un désastre matériel, de l’autre. Cela relève soit du wishful thinking (prendre ses désirs pour la réalité, se bercer d’illusions), soit de la naïveté politique conjoncturelle, mais exprimée avec détermination.

Le texte que nous publions par ailleurs [2] traduit une opinion très minoritaire en Israël. Elle démontre, toutefois, une approche assez réaliste de la politique médiatique propre à un Etat et à un gouvernement qui ont besoin non seulement de la guerre pour bâtir, sans cesse, une unité nationale qui se désagrège sous les effets de la crise sociale, de la fragmentation des composantes de la population, mais qui doit aussi renforcer sa propagande, son travestissement de la réalité, pour mener à bien une extension de son contrôle territorial. Un complexe de domination qui annule la possibilité de l’option des deux Etats. Or, c’est cette option qui étaye toute la politique pro-sioniste des Etats de l’Union européenne. Il s’agit d’un objectif qui se profile sur un horizon qui s’éloigne chaque fois que des « négociations » sont en cours. Car ces négociations ne portent, pour l’essentiel, que sur la « sécurité à venir d’Israël ». Or, cette sécurité n’est jamais suffisante et garantie pour l’Etat sioniste. Dès lors, l’objectif de la prétendue négociation ne cesse de s’évanouir.

Notes

[1] Mercredi 22 octobre, une voiture a foncé sur des personnes attendant à un arrêt de tramway. Le gouvernement israélien parle d’une attaque terroriste. Il a accusé le conducteur, un Palestinien de Jérusalem-Est, d’être membre du Hamas ! L’homme a succombé à ses blessures, selon une porte-parole de l’hôpital Shaarei Tsedek de Jérusalem. (Rédaction A l’Encontre).

[2] Voir sur ESSF (article 33444), Israël : Les médias transformées « en un puissant outil pour façonner l’opinion publique ».

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