Édition du 12 novembre 2024

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Ottawa fait fi du verdict de génocide de la Cour internationale de justice contre Israël et coupe les fonds d’aide aux réfugiés.es palestiniens.nes

On peut tenir pour plausible que bien des pouvoirs occidentaux soient complices du génocide des Palestiniens.nes

Owen Schalk, Canadian Dimension, 30 janvier 2024
Traduction et organisation du texte, Alexandra Cyr

Le 26 janvier courant, la Cour internationale de justice, (CIJ) a émis un jugement contre Israël dans la cause défendue par l’Afrique du sud. Ce jugement a été bien accueilli par l’Afrique du sud, les dirigeants.es palestiniens.nes, la diaspora et les militants.es solidaires. Le tribunal ordonne ainsi à Israël de « prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission d’actes génocidaires » de permettre à l’aide humanitaire de pénétrer dans l’enclave ou la famine a été installée. Il ordonne aussi à Israël d’empêcher ses troupes de violer la convention de Genève de 1948 sur les génocides « avec application immédiate ».

Dans l’ensemble la CIJ reconnait que les Palestiniens.nes sont un groupe national à protéger de maux irréparables, donc la Contention de Genève s’y applique. Elle établit aussi qu’il y a des risques plausibles que l’armée israélienne commette un génocide à Gaza.

Les représentants.es israéliens.nes ont demandé au tribunal de tout simplement rejeter la cause, arguant que l’Afrique du sud ne pouvait légitimement porter plainte contre Israël devant le plus haut tribunal du monde. Mais la CIJ a pris le parti de l’Afrique du sud en émettant des obligations provisoires contre le génocide à Israël et en poursuivant la démarche judiciaire il lui a infligé un choc magistral alors que sa crédibilité s’altère sur la scène mondiale.

(…)

Même s’il n’a pas imposé de cessez-le-feu, les mesures provisoires ordonnées en exigent un. Essentiellement, il en impose un dans les faits. Après le jugement, le Ministre des affaires étrangères sud-africain, M. Naledi Pandor a déclaré : « Je pense que l’exécution des obligations, imposera un cessez-le-feu. Sans cela, on ne se sera pas conformé au jugement ».

Il faut noter que dans des cas semblables de génocide, celui de la Bosnie en 1990 et du Myanmar en 2019, la CIJ, n’a pas directement demandé de cessez-le-feu.

Ce jugement fait mentir le discours dominant des médias des représentants.es des gouvernements occidentaux à l’effet qu’Israël a le droit de se défendre contre le terrorisme et que ses interventions à Gaza quoique excessives, sont malgré tout justifiées. Autrement dit, la majorité mondiale rejette l’analyse occidentale de la guerre israélienne à Gaza.

Qu’est-ce qui va suivre ? À moins que les États-Unis n’exercent une pression suffisante pour qu’Israël cesse sa campagne militaire génocidaire contre les Palestiniens.nes, il ne va rien se passer. Le jugement de la CIJ a force de loi, mais jamais Israël n’a permis à une loi internationale de modérer sa violence que ce soit en regard des massacres de civils.es ou de l’expansion des colonies illégales. Et les institutions internationales, dominées quelles sont par les pouvoirs occidentaux, spécialement par les États-Unis, ne se sont pas non plus montrées très intéressées à tenir Israël responsable.

Mais, le présent jugement marque une victoire historique pour les Palestiniens.nes comme un rejet de la propagande israélienne et occidentale sur la scène mondiale.

De son côté, Isarël a répondu au tribunal avec sa position belliqueuse typique. Son Ministre de la défense, M. Yoav Gallant, a traité le tribunal « d’antisémite » et « qu’Israël n’avait pas de leçon de morale à recevoir ». Ce ministre avait déjà qualifié les Palestiniens.nes « d’animaux humains ». Cela a été cité durant la défense de la cause devant le tribunal.

Par ailleurs, les pays occidentaux ont poursuivi leur soutien inconditionnel à Israël malgré qu’aux yeux de la CIJ plusieurs d’entre eux sont susceptibles d’être complices du génocide des Palestiniens.nes.

La réaction des États-Unis était prévisible. Le gouvernement américain rejette la cause sans discussion sur ses mérites. Le porte-parole du Département d’État déclare que le tribunal « n’a pas prouvé qu’il y avait génocide (….) dans son jugement », ce qui est faux. À cette étape des procédures, la CIJ doit décider si l’Afrique du sud a présenté une cause plausible à l’effet qu’Israël commettait un génocide. La vaste majorité des juges l’ont fait. La cause se poursuit même s’il faudra des années pour avoir un verdict final.

Lors d’une entrevue, l’analyste géopolitique Owen Jones a estimé que la réponse de Washington au jugement, équivalait «  à dire qu’un accusé en procès pour meurtre n’a pas été trouvé coupable le premier jour du procès ».

La réponse canadienne est semblable, sans colonne vertébrale.

Avant le jugement, J. Trudeau avait parlé de la cause sud-africaine de génocide avec dédain. Devant les journalistes il a déclaré : « Nous soutenons de tout cœur la CIJ et ses procédures mais cela ne veut pas dire que nous soutenons la prémisse que l’Afrique du sud a fait valoir devant la Cour ».

Le 26 janvier, quand la CIJ a statué qu’il était plausible qu’Israël commette un génocide à Gaza, la Ministre des affaires étrangères canadienne, Mme Mélanie Joly, a réitéré que le Canada soutenait Israël. Sa déclaration reprend les mots du Premier ministre et proclame que le Canada « soutien le droit d’Israël d’exister et de se défendre ». Elle demande au Hamas de libérer les otages capturés.es le 7 octobre mais ne demande pas à Israël de cesser ses bombardements sur les civils.es, les écoles, les hôpitaux, les refuges des Nations Unies, ou ses assassinats ciblés de journalistes, d’artistes ni les incitations au génocide de ses leaders.

Au moment d’écrire ces lignes, on rapporte le décès de 26,000 Palestiniens.nes à Gaza et de presque 65,000 blessés.es. Les Gazaouis souffrent du manque crucial de nourriture, d’eau potable, de médicaments et 85% des habitants.es de l’enclave ont été déplacés.es sur le territoire. Selon l’ONU, 60% des infrastructures y sont endommagées ou détruites.

Tout en parlant simplement de « préoccupation » à propos de la « crise humanitaire », à Gaza, Mme Joly emploie un langage acide pour parler de l’attaque du Hamas : « Rien ne peut justifier les attaques brutales du 7 octobre dont les terribles pertes de vie, les actes haineux de violence perpétrés durant ces attaques, incluant les violences sexuelles. (…) Le Hamas doit libérer tous les otages, cesser d’utiliser les civils.es comme boucliers humains et déposer les armes ».

Pendant ce temps, la réponse israélienne ne s’est pas limitée aux paroles. Peu après le verdict, il a publié une déclaration qui accuse des membres de l’Organisation de secours aux réfugiés.es palestiniens.nes (UNRWA), d’avoir participé aux attaques du 7 octobre.

On peut raisonnablement penser que ces accusations, obtenues lors de « confessions » durant les interrogatoires, aient été extraites par la torture. Mais cela a suffi aux donateurs de l’agence, dont les États-Unis et le Canada, de cesser leur financement.

L’UNRWA a été fondée en 1949 pour aider les réfugiés.es palestiniens.nes dépossédés.es par la Nakba. Depuis ce temps, elle a servi à la survie de millions de ces réfugiés.es. En ce moment, l’agence aide presque 6 millions de réfugiés.es principalement à Gaza et en Jordanie dans 58 camps. Elle maintient aussi 706 écoles, 140 installations sanitaires, pourvoit à l’alimentation et distribue des fonds à 1million 800 mille personnes.

L’analyste Mouin Rabani souligne : « Ce que je comprends c’est qu’Israël a calculé le moment d’émission de cette accusation contre 12 membres du personnel de l’UNRWA d’avoir participé personnellement aux attaques palestiniennes contre Israël, le 7 octobre. (Il semble) que le calendrier de publication de ces accusations coïncide avec le verdict de la CIJ dans une tentative de faire distraction  ».

Selon M. Rabbani l’UNRWA a « spectaculairement mal géré cet enjeu ». En agissant immédiatement, elle pouvait donner l’impression de valider ces accusations. Cela a donné aux occidentaux qui soutiennent Israël ce qu’il fallait de justifications pour suspendre leur financement à l’agence onusienne.

Israël tente de décrédibiliser l’UNRWA depuis longtemps. Une ancienne haut fonctionnaire du ministère des affaires étrangères israélien, Mme Noga Arbell avait ouvertement appelé à sa fermeture. Tôt en janvier dernier, Mme Arbell a déclaré devant la Knessett : «  Il sera impossible de gagner la guerre si nous ne détruisons pas l’UNRWA. Cette destruction devrait commencer immédiatement  ».

Par ailleurs, l’UNRWA a déclaré que si les fonds ne sont pas de retour, elle devra mettre fin à tous ses services fin février ; une perspective catastrophique pour les réfugiés.es palestiniens.nes. Mais il ne semble pas que cela émeuve le Canada plus qu’il ne le faut. La famine régnait déjà à Gaza avant les coupures de fonds. Des millions de Gazaouis vivent le couteau sur la gorge, incapables de subsister au milieu d’inimaginables conditions, sous les bombardements, avec la faim et des brutalités génocidaires.

Hier, Mme Heather McPherson, députée NPD a demandé à la Chambre des communes : «  Pourquoi les libéraux canadiens abandonnent-ils les Palestiniens.nes au moment où leurs besoins n’ont jamais été aussi grands  » ?

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