Par Lionel Mesnard, le 1er septembre 2017
Nicolas Maduro ou le madurisme s’avère un pouvoir par décret et ostentation, une pensée magique, le triste spectacle d’un nouveau potentat staliniste dans la Caraïbe provoque en France des controverses d’un intérêt mineur et les bonnes sources d’informations ne sont pas si nombreuses.
L’économie vénézuélienne est sous la coupe de l’inflation, il est prévu entre 650 et 1700% pour l’année 2017 (selon les sources) et la dette de 100 milliards de dollars pourrait ouvrir la porte au Fonds Monétaire International, rien de très prometteur si ce n’est un nouveau remède qui frapperait de nouveau les plus faibles comme en 1989. Pareillement l’outil productif va au plus mal et nombres de diplômés ont quitté le pays depuis longtemps. Si les classes les plus aisées avaient pour partie sous Chavez mis les voiles vers la Floride ou Saint-Domingue, le phénomène s’est accentué à d’autres strates ou franges de la société, il était déjà question de plus d’un million de Vénézuéliens à l’étranger en 2013. Selon Carlos Navarro, syndicaliste vénézuélien de l’ASI (1) les classes moyennes ont disparu, lui-même enseignant au cours du change, il touche 6 euros par mois pour 15 heures de cours par semaine à l’université en 2017. Le Produit Intérieur Brut ou PIB, depuis 2014 est chaque année à la baisse et pour la seule année 2016 il est question d’une chute de 8 à 10%, en trois ans plus de 15% du PIB est parti en fumée.
Avec la crise alimentaire et inévitablement sanitaire, il a été ces derniers mois constaté des migrations importantes vers la Colombie. Quand le pays se dépeuple de ceux qui dérangent le pouvoir en place, l’on retrouve les mêmes files (las colas) que connurent les pays de l’Est européen sous l’empire soviétique, et une partie de la population est confrontée à des disettes, ou bien se voit dans l’impossibilité d’accéder à 80% des biens de consommation courants, dont les médicaments, les hôpitaux publics servant de mouroir. L’état sanitaire des hôpitaux psychiatriques et des prisons servent d’écho à une situation plus qu’alarmante, mais cela échappe, ou passe pour inaperçu, sauf au regard photographique d’une Vénézuélienne (site de Mederith Kohut). Par ailleurs, toute aide d’ONG, parce qu’étrangère, est sous le fait d’être suspectée d’ingérence dans les affaires intérieures, et servirait selon les autorités à ternir l’image du pays.ace aux urgences sanitaires tout soutien été rejeté par le gouvernement et il est impossible d’acheminer par ce biais une aide alimentaire et surtout en produits pharmaceutiques.
L’héritage chaviste parti en fumée, le madurisme son acte de décès
Le chavisme est bien mort, tout comme ce qui est devenu un mythe, son héritier utilise son image tout en l’enterrant à gros coup de pelleteuse, tout ce qui avait permis de redistribuer la rente pétrolière s’est effondré. Le peuple vénézuélien, lui, végète et survit comme il peut. Et la constitution qu’Hugo Chavez Frias avait fait adopter par 70% des votants a été détournée au profit d’un petit groupe d’individus gravitant dans les hautes sphères au gré des coups de sang de celui gouvernant isolé dans sa bulle ou tour d’argent. Depuis quelques mois, lieu par excellence de l’accueil du Peuple, le Palais présidentiel de Miraflorès à Caracas est devenu une véritable forteresse, les accès se comptant au compte-goutte. Mais on y danse, et s’amuse entre parades et actions répressives des milices ou gardes nationales.
A l’échelle de notre monde, Maduro rejoint les grands fadas du moment, tout n’est que discours, gesticulation. A l’épreuve des faits, beaucoup de moulinets, de bras s’agitant, le mot peuple à toutes les sauces, quitte à appliquer des méthodes dignes des pires caudillos, le nouveau phare du « marxisme-léninisme » tropical fait sombrer un pays qui n’en avait pas besoin dans le chaos et la terreur. Triste sort d’une révolution ayant tous les traits d’une gabegie, le petit plus ou l’enfer est certainement les connexions avec le monde des narcotrafics, encore faudrait-il pouvoir faire justice, plus de 20.000 dossiers de corruption ayant été l’objet d’une absence de procédure, selon Madame Ortega Diaz.
Il existe au sujet des narcotrafics une impressionnante propagande d’état renvoyant le bébé au voisin colombien, toutes responsabilités internes évacuées et pourtant, il apparaît que beaucoup de Vénézuéliens ont plus que des soupçons, et que la justice puisse agir. Le Venezuela au moins depuis les années 2000 est devenue une plaque tournante de la coca raffinée et sert entre autres à faire passer les cargaisons par la Caraïbe en direction de la Floride ou via l’Afrique pour l’Europe. Des circuits qui ne font pas de doutes, ils sont connus des spécialistes, l’ennui dans un système mafieux à cette échelle et concernant plusieurs pays andins, et il est presque impossible de suivre un monde par excellence secret ou souterrain. Qui dans chaque pays concerné utilise tous les moyens pour soudoyer les élites locales, tout en s’appuyant sur des groupes paramilitaires ou à l’intérieur de l’appareil d’état sur les forces armées et les polices, voire services secrets sous Uribe-Velez (l’ex. DAS dissoute sous la présidence Juan Manuel Santos).
Au moins 10% du produit national brut ou PNB vénézuélien ou colombien passant en perte et fracas en raison de connexions mafieuses ne se limitant pas aux seules drogues et touchant à toute nature de trafic, dont le pétrole moins cher au Venezuela. Pour les journalistes enquêtant sur de tels sujets, je ne retiendrais que les investigateurs Mexicains tombant comme des mouches, reprenant la palme des tués ou des journalistes Colombiens assassinés par des sicaires, des années 1990 et 2000. S’il n’est pas simple d’établir une responsabilité, dans la situation difficile de la société vénézuélienne, penser que l’appareil étatique n’est pas concerné relève d’un aveuglement certain. Toutefois sans des preuves matérielles et loin d’avoir une justice efficiente et impartiale, il y a de quoi attendre des organismes internationaux des missions d’information et il serait consternant de ne pas diligenter une commission d’enquête internationale. Mais encore le gouvernement Maduro bloque toute présence des organismes internationaux et même l’ONU, le 30 août, un premier rapport met l’accent sur une situation de plus en plus violente du 1er avril au 31 juillet. (2) Et la CES ou Confédération européenne des syndicats a été saisie sur les répressions syndicales et atteintes aux droits humains.
Le cas de Madame Luisa Ortega, magistrate et chaviste ?
Luisa Ortega Diaz était la Procureure générale de la république bolivarienne du Venezuela jusqu’à sa destitution par la nouvelle assemblée dite Constituante, le 5 août 2017. Elle était à ce poste depuis 2008, l’année de la prise de ses fonctions et reconduite en 2014 par l’actuel président, Nicolas Maduro. Suivant attentivement ce qui se passe au Venezuela depuis plusieurs mois (et quelques années au compteur avant 2013), là où il fallait, il y a encore huit mois constater une absence d’information, ou selon des canaux locaux, l’emballement médiatique est de retour. Pour le meilleur, rien de moins sûr, mais pour en faire un objet de propagande, l’on se bouscule au balcon… Certaines parodies partisanes très révélatrices de l’incompétence et de la mauvaise foi.
Le phénomène n’a rien de très nouveau, faut-il pouvoir trier et éviter les déchets nombreux. Toutefois la violence au Venezuela fait des journalistes des cibles, ou l’objet de menaces et d’attaques physiques des forces de l’ordre, comme il était constatable, lors de la journée du dimanche 30 juillet sur différentes antennes de télévisions. 49 médias depuis janvier 2017 ont été interdits. Certes d’oppositions ou étrangers et principalement dans les quartiers les plus huppés de la capitale, cependant une violence palpable, et aussi le fait de petits groupes agitateurs cagoulés et loin de faire masse, que l’on nomme sous le nom de « Garimbas ». Une agitation servant au gouvernement de Maduro pour serrer un peu plus les boulons et répandre son terrorisme d’état.
Luisa Ortega en ce mois d’août a fui en Colombie se sentant menacée, elle et sa famille, mais aussi des proches ou des juristes ont pris la poudre d’escampette, dont son conjoint, German Ferrer député (3), jusqu’à peu membre du Parti Socialiste Unitaire du Venezuela (Psuv) et ancien du Parti Communiste (Pcv). Il avait été en 2004 et 2005 un des membres du cabinet de la présidence de la république et a été un des fondateurs du Psuv en 2006, réélu en 2015 à l’Assemblée nationale ou douze années de mandats. Il se voit actuellement poursuivi par une affaire touchant aux hydrocarbures de l’Orénoque (partie Amazonienne du Venezuela) sorte de contre-feu politique au nouveau scandale du siècle. Face aux accusations portées par Luisa Ortega sur le scandale touchant directement Maduro et des ministres dans l’affaire Odebrecht, un entrepreneur brésilien, ce dernier aurait payé pour ses ouvrages 300 milliards de dollars à Maduro et son entourage. Dont un cent millions seraient arrivés dans les poches de Diosdado Cabello, un des hommes forts du régime, parce que militaire et ancien du MBR-200 (Mouvement bolivarien révolutionnaire à l’origine d’un des deux coups d’état de l’année 1992).
Hors de l’accusation portée contre German Ferrer, cette région devrait connaître quelques gros grabuges, 10% du territoire amazonien du pays être livré à un méga projet dans la récupération des bitumes lourds ou pétroles et extrêmement polluants, pour petite parenthèse (4). En raison de l’état de l’outil productif et de la situation générale, ce projet reste en l’état difficilement réalisable vue la situation économique et politique, mais demeurera et autant le faire savoir !
Quand le dogmatisme est aveugle, il n’y a pas grand-chose à faire, sauf à remarquer le relativisme qui ferait du Venezuela une citadelle assiégée. Ce nouvel échec du capitalisme d’état, au nom du socialisme, permet aux derniers stalinistes de se transformer en victimes, à quelques vieux gauchos de l’encrier d’asseoir leurs certitudes. La vieille ritournelle du complot et son corollaire paranoïaque agit à merveille, le couple CIA/Etats-Unis suffit à lui seul à hystériser et trouver les parallèles historiques sans fondements. Il faut bien s’amuser à se faire peur, car le sort de la population vénézuélienne est le cadet de leurs soucis, tant que les dogmes et les certitudes sont là, même le doute n’a pas lieu.
Au Venezuela, il ne peut être que constaté une situation bloquée sur fond de tensions internes et externes, me poussant une nouvelle fois à écrire. Comme tout pays, le Venezuela n’échappe pas aux mécanismes d’une tension internationale pour partie inédite. Et va au rythme d’une crise sans précédent dans ses frontières, où la plupart des biens les plus essentiels ont disparu des surfaces commerciales ou alimentaires, privées, ou d’états comme les Mercal ou magasins impulsés par Chavez pour les plus démunis vers 2005, ou la population ne pouvant se payer les produits du marché courant.
En 2017, les combines ou les trafics, et le rationnement mettent en prise des millions de vénézuéliens qui n’ont pas demandé à être privés de médicaments usuels et vitaux, ou de ce qui compose leurs rations quotidiennes ou repas, où l’on constate une chute inquiétante des besoins caloriques par habitants. Se voir ainsi réduites à la portion la plus congrue et condamnées à la disette, les carences alimentaires progressant à grands pas dans une certaine indifférence. Une situation sanitaire et humanitaire qui devrait alerter les opinions publiques mondiales et procéder d’une assistance d’urgence. La mobilisation et l’organisation de la solidarité un objectif premier.
Non pas que le politique soit dérisoire, quoique pas vraiment à la hauteur des enjeux, s’il existe de nombreux problèmes afférant aux droits de l’Homme, l’exigence serait d’éviter les fausses querelles et de favoriser aussi bien une issue politique, c’est-à-dire démocratique, qu’humaine, et celle-ci ne peut attendre. Si une personne m’avait raconté, il y a peu d’années, que la Colombie serait confrontée à des vagues migrantes venant du Venezuela, j’aurais probablement souri sur une telle improbabilité. L’objet de ce présent article n’étant pas de remettre en cause l’élection de Nicolas Maduro de 2013. Mais de s’interroger sur comment en quelques années, les oppositions les plus virulentes ont pu revenir aux anciennes méthodes de déstabilisation connues déjà en 2003 lors la grève générale ? Dans les heurts intervenus ces derniers mois, les deux camps ont subi des attaques et il ne peut que provoquer des tentations de guerre civile, même si tout donne à croire que Maduro a repris le dessus, il n’y a pas besoin de chercher à Washington des têtes brûlés, avec des millions d’armes en circulation, tous les ingrédients demeurent.
Juste après la tentative de coup d’état du 11 au 13 avril 2002, ce mouvement d’inspiration patronal avait abouti à une paralysie économique du pays et fut l’objet de vives tensions entre pro et anti-chaviste dans la population. Cependant il faut distinguer les présidences du défunt Chavez, de son suivant et héritier, les hic sont pour bonne part dans une constitution taillée pour l’ancien président. Certes, comme il est possible de le lire pour accuser Hugo Chavez de tous les crimes de la terre et du ciel ; sauf que la méthode de Maduro n’est pas vraiment conforme à son idéal démocratique. Même s’il est possible de reconnaître une dérive autocratique à partir de 2007, Chavez n’était pas sorti des clous des droits de l’Homme, et a toujours su négocier en coulisse, et même reconnaître ses erreurs en public et accepter la défaite, quand il proposa une vision socialiste des institutions en 2009. Un souci d’équilibre, de nuance, qui poussent d’autres à écrire l’histoire d’un fantôme ou d’un fantasme (fantôme en espagnol).
Comme Bolivar son mentor, Chavez a labouré la mer, comme l’écrivit Marquez, et le peuple vénézuélien se voit aujourd’hui dépourvu dans un pays en pleine errance et toujours avec les plus grandes réserves de pétrole du monde. Source à l’origine de la désintégration de son propre système agricole au début du vingtième siècle. Une agriculture plus que défaillante, depuis des décennies et qui aurait pu répondre aux besoins internes actuels, si l’enjeu agricole et alimentaire n’avait pas été un échec de tous les pouvoirs depuis des lustres. Un système mono productif et une rente financière aux aléas des crises ou chutes des prix depuis les années 1980, dont la responsabilité est surtout dans un système d’imposition, où la plus valu est très faiblement taxée, comme quoi le « socialisme » vénézuélien est à cet égard bien plus ouvert à la donne capitalistique que nombre de nations européennes pour ses taux d’imposition. Et le système de contrôle des changes favorisa un marché noir de la monnaie nationale et une des sources des difficultés nombreuses et pour certaines jamais résolues.
Le fil et les mécanismes de la parano ?
Il est préférable d’éviter les équivalences ou comparaisons entre l’Europe et l’Amérique du Sud, les disparités nord-sud n’ont pas pour autant été éliminées et les niveaux de vie restent assez lointains, en dehors d’une minorité aisée et peu représentative des forces vives. Le Venezuela vit au rythme du temps des vaches maigres et je crains que les volontés populaires affichées ne soient qu’un spectacle de pantomime, l’expression de peur cachée ou provoquée. Quand il fait faim, les paroxysmes et concurrences pour la survie sont aussi un moyen d’asseoir un pouvoir sous l’emprise de la peur. Chacun sauvant sa peau comme il peut…
Le stratagème d’attaques extérieures, la CIA comme au temps de Nixon, c’est assez improbable, mais ça marche chez les orthodoxes et dogmatiques. Le Venezuela sous la forme d’un nouveau Chili et Maduro dans le costume d’Allende en 1973 rassure les vieux dinosaures d’un autres temps. Une vieille armée de réserve marxisante qu’il n’y a pas lieu de soutenir, tout comme les messages apocalyptiques de la Maison-Blanche et le tout sur un discours paranoïaque pour souder les troupes depuis le fortin de Miraflorès. En matière de spectacle, ils sont forts ces Américains du sud et du nord, et la question est de savoir, qui pourrait faire entendre un peu raison à Nicolas Maduro et ses sbires ? Tout en échappant au scénario du nouvel oncle Sam à la mèche délirante ?
La Chine finance beaucoup, et a condamné toute idée d’intervention étrangère, la Russie, fournisseur du gros de l’armement mettra sa patte si besoin était et a déjà annoncé qu’il n’était pas question d’interventions étrangères à caractère militaires. La France avait elle aussi condamné par son nouvel ambassadeur M. Romain Nadal sis à Caracas toutes formes d’intrusion dans les affaires politiques nationales et visait les États-Unis. Avec ou sans soutien, l’opposition la plus revancharde est capable de tous les scénarios pour pousser aux affrontements. C’est en interne que la situation a quelque chose d’inextricable et qui laisse douter quant à une issue pacifique et un retour de la démocratie.
Le terme d’impasse pourrait être utilisé, mais plutôt que de choisir cette voie barrée ou propre aux discours propagandistes des deux bords, de la MUD (ou Table de l’Unité Démocratique) ou du madurisme ambiant, la question serait de sortir d’une situation du tout venant, où les premiers à payer la note sont les Vénézuéliens. Le terme de blocage est plus en adéquation, faisant écho face à une situation politique plus que tendue depuis plusieurs mois et années. Notamment depuis que, Nicolas Maduro en toute violation d’au moins un article de la constitution de la cinquième république dite bolivarienne appela à l’élection d’une nouvelle assemblée, qualifiée de Constituante. Il aurait fallu l’accord des deux tiers de l’Assemblée pour y recourir. Une constituante comme tour de passe-passe, sachant qu’il n’y a pas de bicamérisme (ou pas de Sénat) et que l’objectif était de se débarrasser au nom du chavisme de ce qui aurait dû constituer un gouvernement de coexistence ou de cohabitation en France, une particularité difficile à comprendre et des plus contradictoire pour un observateur étranger.
Une constituante aurait pu siéger, si elle n’avait pas eu pour but d’éliminer les forces d’oppositions majoritaires depuis 2015, ayant donné lieu à de multiples ambassades dont celle du Vatican et tentatives de dialogue relevant d’une mission impossible. Tant les antagonismes se sont creusés et depuis règne une chape de plomb. Devant cette décision, à part la Bolivie et le Nicaragua, et Cuba, qui sait l’Equateur sans l’affirmer, toutes les nations sud et centroaméricaines n’ont pas reconnu le scrutin du 30 juillet, pas plus qu’il n’y avait à valider le référendum des opposants du MUD, tout aussi anti-constitutionnel et sans validation possible au regard du droit international. Pour un pays qui s’est coupé de la plus haute juridiction politique en la matière, l’Organisation des Etats Américains et ses de ses tribunaux en charge des droits de l’Homme (la CIDH Cour interaméricaine des Droits Humains) n’a pas aidé à chercher des conciliations et permet au Venezuela d’échapper à tout contrôle. Le Mercosur a lui aussi pris ses distances et n’a pas reconnu la nouvelle assemblée.
Juste après la crise liée au renouvellement des billets de banque en décembre 2016. En raison de l’effondrement de la monnaie, le président Maduro avait procédé à de nombreux réajustements politiques, un peu comme un jeu de chaise musicale, un nouveau vice-président en janvier, des attributions allant changer au fil des semaines jusqu’à l’élection pas très licite de la nouvelle Assemblée Constituante composée de 545 membres élus, le 30 juillet.
Sur le plan social, la mise en place d’un carnet de rationnement semble la solution requise pour les autorités maduristes. Plus 15 millions de Vénézuéliens disposent depuis peu d’une carte de crédit, sous forme d’une pièce administrative ou pour voter et en âge de le pouvoir. Une campagne de « Carnetizacion » a été organisée, un néologisme pour désigner une carte de rationnement nouveau genre, ou le droit à des allocations en un seul guichet dans un dédale de mission, venue à l’origine suppléer les manques et ratés des services publics de la IV° république. La carte plastique miracle a donné lieu à des inscriptions et mise en fiche dont les données peuvent avoir quelques incidences dans la partition politique qui s’est engagée. De toute façon, même le fournisseur britannique du vote électronique a lui aussi émis de fortes réserves quant au nombre de votants pour la Constituante et possibilités de malversations au regard d’un produit manufacturé à l’origine par son entreprise et 41% ne fait pas une majorité comparable à celle de 1999.
Un vrai bourbier politique qui favorise les positions les plus extrêmes. Trouver les chemins d’une concorde demanderait des concessions de toute part. Pour sortir le Venezuela de son marasme faut-il pouvoir disposer d’un accord visant d’abord à remplir les pharmacies et les ventres. Quels pays pourraient concourir à cette épineuse problématique ? L’attitude, prudente et réservée du Quai d’Orsay peut laisser la porte ouverte à une diplomatie, le seul sas de décompression existant, et nous ne manquons pas en France d’aliments et médicaments, il serait envisageable de le faire en échange d’hydrocarbures, et disposons en ce domaine quelques intérêts sur place. Faute d’argent ou de papier-monnaie à environ 1000% et des brouettes d’inflation passées et malgré les augmentations pour rattraper la différence est un phénomène se mordant la queue, et Maduro a refusé jusqu’à présent toute aide humanitaire ou envoie de cargos d’ONG avec des provisions d’urgence. Maintenant reste à savoir si la France et aussi l’Europe Unie vont participer à des négociations et comment d’ici du vieux continent, il est possible d’apporter toutes les aides utiles à la population, quitte à se servir du troc.
Rien n’est jamais inextricable, et ce défi n’est pas impossible. Je pourrais avoir le sentiment de revenir au temps où il fallait être dans le camp de l’Ouest ou de l’Est, je n’ai jamais appartenu à cette vision réductrice des choses et une victime sous un régime dit de gauche ou de droite reste une victime. De plus la complexité vénézuélienne demande à rester mesurée, le poids de l’armée et pas des révoltes de seconde main est une des clefs du problème, et les rivalités internes à tous les camps. Et ce sont toujours les civils qui paient les pots cassés au sens large. Le madurisme a suppléé le chavisme, ce n’est pas le premier mouvement révolutionnaire qui s’effondre, pour l’instant sous une forme d’opéra du crépuscule staliniste aux airs de salsa. Les donneurs de leçon ne seront pas les payeurs et les réalités sont effrayantes, de quoi se sentir responsable et pas dupes des endoctrinements, ou choix de trouver ici en France des boucs émissaires.
C’est tout bonnement une considération internationaliste, et pas un objet alibi que j’ai tenté de dépeindre aux prises avec une actualité redondante, qui n’a fait qu’enfler en cette période estivale. Au lieu de rajouter des polémiques inutiles, il est question de trouver des solutions et ne pas pousser une région du monde à plus d’embrasement. La seule responsabilité politique est dans les mains de la présidence de la République française et de ses homologues continentaux. A titre individuel et à huit mille kilomètres de distance, nous ne pouvons pas faire grand-chose, ni véritable moyen de faire entendre la voix d’un apaisement. Pour de multiples raisons et au-delà d’une vieille union entre nos pays respectifs, le temps des responsabilités historiques n’est pas venu, l’agir est au présent et ne se conjugue pas à l’imparfait.
Une histoire douloureuse et ignorée
Cela fait des années que le Venezuela est l’objet de campagnes de presse aux airs de fausses nouvelles, amalgames et manipulations à la clef, donc rien de très nouveau sous le soleil de Caracas. Qui plus est depuis la France, les connaisseurs ne se bousculent pas au portillon, pas beaucoup de gens à citer pouvant expliquer la situation de manière équilibrée, ou bien sortir du pour ou contre, cette approche classique et binaire sur le régime en place. Le Venezuela comme tout pays dans le monde a sa part de complexité et une histoire ignorée de relations avec la France datant l’émergence des nouvelles républiques latino-américaines au début du XIX° siècle.
La démocratie n’est apparue qu’après une période de transition de vingt ans en janvier 1957 avec le pacte de Punto Fijo et un système politique bipartisan, excepté deux années de 1945 à 1947 qui avait été un préambule et une brève expérience avec à sa tête des intellectuels progressistes, suivirent dix années d’une nouvelle dictature militaire. L’organisation démocratique de ses institutions débuta véritablement avec la IV° république avec le président Romulo Bétancourt. De 1945 à 1975, le sort des Vénézuéliens toutes classes confondues évolua au rythme d’une économie florissante, une meilleure redistribution des richesses et une monnaie le Bolivar, qui n’avait pas besoin de s’appeler fort, représentait à l’époque une monnaie refuge, comme le franc Suisse. Les années phares de cette redistribution de la manne pétrolière n’ont duré véritablement que les premières années accompagnées d’une loi sur les grandes propriétés foncières visant à mettre fin à la domination des grandes propriétés agricoles (le Latifundisme), et s’avérer être un échec complet et ne changeant pas la donne. Toutefois se mit en place tout un réseau scolaire public qui faisait défaut depuis toujours, à l’exemple du ministre de l’économie, en 1957, il était le seul diplômé en ce domaine du pays et encore, après avoir suivi un cursus aux Etats-Unis.
Je n’entrerai pas dans les détails sur l’histoire du pétrole, simplement pour remarquer qu’avant de devenir un des plus gros producteurs de la planète en hydrocarbures, le Venezuela était un producteur de produits agricoles, dont une forte production de cacao et l’un des meilleurs du monde pour les amateurs. Il faut aussi tenir compte d’un facteur non négligeable, la démographie qui en un siècle va passer de trois à trente millions d’habitants. Ceci pour une surface ou un territoire de presque deux fois la taille de la France ; environ 910.000 km2 hors réclamations sur les frontières et les Guyanes (anciennement britanniques). 93% des Vénézuéliens sont des citadins, et l’agriculture reste une grosse épine dans le pied d’un pays devenu exportateur de presque tout, jusqu’aux eaux en bouteille sous la marque Coca-cola… A part de rares produits andins comme le fromage, cette nation qui devrait en la matière être autonome comme ses voisins brésiliens ou colombiens, le Venezuela souffre d’un manque chronique de productions locales et rien n’a pu inverser cette réalité, pareillement que sous Bétancourt, sous Chavez les réformes ont plutôt échoué et en raison de la situation actuelle, la question est de savoir comment aider et soutenir des projets favorisant la sortie des mondes carbonés ?
J’ai tenté de défendre ce point de vue sans grande réussite depuis plusieurs années, le climat actuel et les commentaires d’une presse avide de sensations et sous les coups de mentons de nos tribuns nationaux. Pourtant en France nous disposons de la technicité et des outils pour former même en terre tropicale des agriculteurs et ingénieurs, et nous pourrions y jouer un rôle novateur et fait de collaborations à envisager avec une nation pas si lointaine… Un avis qui grandirait un débat cynique, fait d’invectives et du mépris total pour une population en danger. Si rien n’était fait par voie diplomatique, les secousses à venir bien plus dévastatrices et le Venezuela est sur « la voie d’une dictature » comme a pu le préciser Madame Luisa Ortega. Les nuances ont leur importance et plus vite les Vénézuéliens retourneront aux urnes, plus loin le spectre d’une dictature se profilera et rien ne dit que Nicolas Maduro en serait la figure de proue. Dans son vocabulaire, l’ancienne Procureure générale et même si de nombreux magistrats vénézuéliens ont dû prendre la fuite ou l’exil, avant de lâcher les grands mots, il serait préférable de penser aux répercutions en interne. Chaque mot compte et l’exercice fait appel au calme et de ne pas tout confondre.
N’étant ni partisan du nouveau Président français, ni de son opposant officiel, M. Mélenchon, tout débat entre ces deux hommes est le bienvenu ! Mais beaucoup repose en des échanges qu’un citoyen sans grands moyens autres que d’écrire sur un pays que j’aime, je n’ai pas envie à huit mille kilomètres de relever toutes les souffrances, trop nombreuses et injustifiables, et plutôt que de jouer les Cassandre, j’appelle à un peu de clairvoyance à de ne pas faire du Venezuela un ring de nos envolées et parfois délires paranoïaques, comme une probable invasion étasunienne.
Conclusion
De la farine de blé, de maïs, du lait, des produits carnés, …, plus toute la pharmacopée possible à faire suivre demanderait de gros navires et une saisine de l’ONU, pour au plus vite rendre leur dignité à tout un peuple. Qui à ce rythme se prend une fois de plus une crise économique et sociale, insupportable. Plus des factions ou milices armées au service d’une terreur mettant sous coupe réglée une population qui n’en a pas besoin et a suffisamment souffert.
Pour finir, n’ayant pas le temps de traduire un texte en espagnol d’une cinquantaine de pages d’Edgardo Lander, sociologue (5), vous pouvez cependant consulter son analyse sur les années Chavez et les questions actuelles, depuis la mise en oeuvre d’une Constituante maduriste ne respectant pas les propres clauses de la Cinquième République bolivarienne. Je vous renvoie à d’autres sources (en espagnol et en anglais) et informations complémentaires.
Notes et informations complémentaires :
(1) Carlos Navarro du syndicat ASI Venezuela était présent en juin à Paris et l’invité de la CFDT pour témoigner de la situation. Ci-dessous l’audio de la Conférence en présence du secrétaire général, Laurent Berger, et d’autres intervenants comme Mme Garrigos pour Amnistie International, et questions du public (durée :1h50).
Table ronde sur la situation au Venezuela avec Carlos Navarro président de l’ASI
(2) Lire après en complément sur cette même page la communication de l’ONU à Genève du 30 août 2017 et son rapport alarmant sur les droits humains.
(3) Germán Ferrer, el guerrillero perseguido por la revolución chavista (le guerriero poursuivi par la révolution chaviste), journal El tiempo, août 2017. Il est dressé un portrait biographique de cet ancien militant révolutionnaire pro-cubain. Il a été notamment incarcéré à Caracas dans l’ancienne prison militaire de San Carlos dans les années 1970.
(4) Projet miniers et luttes sur l’Orénoque, partie amazonienne du Venezuela, ce document en espanol est une contribution pour l’annulation du décret concernant l’Arco Minero del Orinoco : à lire ici !
(5) Le Venezuela, l’expérience bolivarienne en lutte pour transcender le capitalisme, par Edgardo Lander, août 2017, et à lire sur cette même page son article en français sur l’Assemblée Constituante.
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