30 avril 2019
130.000 personnes ont manifesté le dimanche 28 avril.
Après la manifestation de masse du 28 avril, il faut une grève générale politique de 24h !
Rapport de Dikang, Socialist Action (CIO Hongkong)
Cette mobilisation contre les amendements apportés par le gouvernement à la loi d’extradition de Hong Kong a été lancée en 11 jours à peine. Elle est devenue une véritable manifestation de colère contre l’administration non élue de Carrie Lam (cheffe de l’exécutif de Hong Kong). Les nouvelles lois permettront aux résidents de Hong Kong et même aux étrangers transitant par l’aéroport d’être extradés vers la Chine, où 99 % des condamnations judiciaires sont fondées sur des « aveux » régulièrement extorqués par la torture et la coercition ; En Chine, les droits juridiques fondamentaux – comme de choisir soi-même son avocat – n’existent pas. Ces modifications auraient pour effet de légaliser l’enlèvement de dissidents politiques à Hong Kong par l’Etat chinois.
L’Article 23
Le Front des droits civiques, une coalition de groupes pro-démocratie qui a appelé avec succès à participer à cette marche, est une illustration de la manière dont la pression de masse s’est accumulée sur les différents partis et groupes pan-démocratiques pour « faire quelque chose ». Une manifestation précédente, le 31 mars, avait attiré environ 12.000 personnes. Les groupes pan-démocratiques de droite plus modérés – largement aux abonnés absents au cours des trois dernières années d’escalade de la répression étatique – étaient sceptiques quant à l’idée d’une nouvelle manifestation. Ils craignaient qu’elle ne soit « petite » et ne soit une « preuve de faiblesse ».
Au cours des trois décennies de lutte pour la démocratie à Hong Kong, ces soi-disant dirigeants n’ont jamais été les initiateurs de mouvements de masse pour les droits démocratiques. Ils ont plutôt été obligés de courir après les événements en craignant d’être mis de côté par la dynamique de celles-ci. Ce fut une fois de plus le cas.
Le pilier de l’establishment Regina Ip a comparé cette gigantesque manifestation à la marche historique du 1er juillet 2003, forte de 500.000 personnes. Elle fut à l’époque forcée de quitter son poste de ministre de la Sécurité suite à ce mouvement et son ‘‘article 23’’ concernant la sécurité nationale a été abandonné. Le gouvernement de Carrie Lam subit de plus en plus de pressions de la part de la dictature chinoise pour qu’il reprenne le flambeau et introduise l’article 23 dans un proche avenir, ce que Lam et Cie ont hésité à faire précisément parce que cela peut relancer la lutte de masse pour la démocratie. Le lendemain de la manifestation du 28 avril, Ip a déclaré que le gouvernement ne pouvait pas se permettre de reculer cette fois-ci, avertissant que cela « affecterait la gouvernance ».
Les commentaires d’Ip, repris par les ministres du gouvernement et la cheffe de l’exécutif Carrie Lam elle-même, démontrent que la classe dirigeante réalise – et craint – que la lutte actuelle dispose d’un potentiel similaire. 2003 a représenté une défaite historique pour l’establishment capitaliste pro-chinois de la ville et un revers pour la dictature chinoise. Celle-ci s’est vue contrainte de faire preuve de prudence dans sa gestion de Hong Kong les années qui ont suivi. Mais la bataille d’aujourd’hui s’inscrit dans un contexte différent, après trois années de répression politique sans précédent, de procès-spectacles et d’interdictions imposées aux partis politiques. Les enjeux sont plus élevés.
Le siège du Legco (le Conseil législatif de Hong Kong)
Comme nous l’ont déclaré d’innombrables manifestants, en particulier les jeunes présents en nombre, « manifester ne suffit pas ». Les orateurs de Socialist Action ont été applaudis à maintes reprises lorsqu’ils ont appelé à l’escalade de la lutte en soulignant que le gouvernement n’avait jusqu’à présent pas l’intention de battre en retraite, même avec 130.000 personnes dans les rues. Comme nous l’avons dit, le mouvement doit riposter avec une détermination similaire : nous ne reculerons pas ! Mais de quoi a-t-on besoin pour faire progresser la lutte ?
Nous disons oui à la proposition de « siège » – une occupation – face au Legco comme l’ont défendu les dirigeants de la mobilisation (ce qui reflète l’énorme pression exercée sur eux par les manifestants) : il doit commencer dès que possible. Mais même cela ne suffira pas. Pour faire échec à la loi sur l’extradition, obtenir la libération des prisonniers politiques, faire tomber le régime autoritaire de Lam et obtenir des droits démocratiques authentiques et complets, la lutte de Hong Kong doit se transformer en action de grève.
Si 1 000 écoliers ont pu le faire le 15 mars dernier dans le cadre de la grève mondiale pour le climat, imaginez quelle serait la réponse si les dirigeants de la manifestation appelaient – immédiatement, afin de ne pas gâcher l’élan – à une première journée de grève politique de tous les travailleurs et étudiants sur le territoire ! C’est un pas que la Révolution des parapluies de 2014 n’a malheureusement jamais aspiré à franchir et c’est l’une des principales raisons qui explique pourquoi ce mouvement s’est terminé dans la frustration et sans obtenir la moindre concession.
Il faut s’inspirer des révolutions actuelles en Algérie et au Soudan, où les masses ont chassé les dictateurs du pouvoir. Les grèves des travailleurs représentent quelque chose de tout à fait différent des manifestations de rue du passé, aussi importantes soient-elles, parce qu’elles touchent directement les profits des sociétés milliardaires et remettent en cause le contrôle des capitalistes sur l’économie.
Le gouvernement s’entête, même après la gigantesque manifestation du 28 avril. « Nous ne battrons pas en retraite », clame Carrie Lam. La même réponse, soutenue par une véritable organisation, doit être donnée par le mouvement démocratique – nous ne reculerons pas, nous irons de plus en plus loin jusqu’à ce que les politiques autoritaires de Lam et leurs auteurs soient complètement vaincus !
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