Pour le Cabaret féministe du 4 mars 2023
Élisabeth Germain
Que fait une sorcière quand elle vieillit ?
Devient-elle nez crochu, verrue poilue, dents fourchues
Perd-elle les poils de son balai, est-elle rivée aux marais boueux ?
Sa voix chevrotante peut-elle encore émettre une parole fière ?
J’ai connu le temps de la puissance,
Mon corps de femme vibrant de désir et de plaisir,
Mon chapeau pointu fusant vers les étoiles,
Tous les secrets de la vie nourrissant la rivière de mes rêves
J’ai connu le temps de la souffrance,
Mes sœurs, mes pareilles, leur corps tourmentés par la haine et le feu
Moi-même repliée dans la douleur et la peur
Les enfants de mon ventre, mes enfants, lancés dans un monde en désordre
J’ai goûté la douceur du vent qui caresse, de la mer qui berce,
La musique des vagues et des forêts,
Connu l’ivresse des sommets sauvages
Et celle des foules en marche
J’ai dû faire mon chemin à travers des murailles de préjugés
Écarter les œillères déposées à ma naissance
J’ai souvent bifurqué, louvoyé, recommencé
Je me suis perdue hors des voies tranquilles, dans des aventures imprudentes
Je suis devenue multiple quand je vous ai rencontrées, reconnues
Vous, mes soeurcières, dit mon amie Typhaine,
Vos noms me sont chers, Paule, Monic, Nikole,
Djakabè, Pascale, Claire, Pierrette, Lorraine…
Certaines ont déposé leur balai,
Ultime sourire, un dernier envol
Mes vivantes et mes mortes, dites-moi
Comment fait une sorcière lorsqu’elle vieillit
Quels chemins, quelles voies d’eau ou d’étoile
Peut-elle emprunter, pour ne pas crever
Oh, vous mes chères vivantes,
Ne laissez pas les vieilles sorcières
Seules
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