Édition du 12 novembre 2024

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Le Monde

Les ouragans et Davos

Le Forum économique de Davos, la Mecque du capitalisme, qu’aucun capitaliste ne suit les enseignements, se tient jusqu’au 27 janvier en Suisse. Pourtant, il s’y dit des choses importantes : ‘tention à l’augmentation des inégalités sociales et du chômage ; ’tention aux changements climatiques. Mais pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.

Les inégalités sociales

Pourtant les inégalités sociales augmentent partout dans la monde y compris en Chine. Le coefficient de Gini sert de base de référence. Voici ce que rapporte Le Devoir du 19-20 janvier 2013 en page C1, par l’Agence France-Presse :

« La valeur 0,4 est généralement acceptée comme un seuil d’alerte. Selon la CIA, cette limite est dépassé notamment aux États-Unis (0,45 en 2007), la Thaïlande (0,536 en 2010) ou encore l’Afrique du Sud (0,65 en 2005). La France avait un coefficient Gini de 0,327 en 2008, l’Allemagne de 0,27 en 2006 et le Japon de 0,376 en 2008, d’après la même source. Au Canada, il se situe à .396. »

Ces valeurs sont déjà des signes d’alarme clairs et cela avant la crise économique de 2008. Que dire des inégalités maintenant quand l’Espagne et la Grèce vivent avec le quart de leur population en chômage et le Portugal avec 15 % ? Voici des statistiques pour toute l’Europe.
« Pour Eurostat, le danger est plus prégnant dans les pays du Sud de l’Europe, mais il affecte l’ensemble du Vieux Continent. En 2011, près de 120 millions de personnes seraient en situation de privation ou menacées de pauvreté ou d’exclusion, soit 24,2 % de la population des 27 pays membres, contre 23,4 % en 2010 et 3,5 % en 2008. » (Le Devoir 3 janvier 2013 p.B3)

Nous pourrions trouver d’autres statistiques pour l’ensemble de la planète pour démontrer la pauvreté accrue depuis 2008. Mais l’important c’est de comprendre que Davos met le doigt sur ce qui est considéré comme une menace pour les capitalistes mais une infinie souffrance pour celles et ceux qui vivent cette pauvreté. Si la bourgeoisie s’en préoccupe tant c’est que des ébullitions sociales peuvent apparaître et déstabiliser politiquement une région. C’est en Tunisie le sort économique réservé aux jeunes qui a conduit au suicide, point de départ du printemps arabe.

Les changements climatiques

Quant aux changements climatiques, un rapport présenté à Davos pose un virage vert nécessaire et une vision économique claire. Il suffirait de presque rien comme dit la chanson…un simple 36 milliards de dollars..c’est peu considérant les morts et les dommages des séismes. Voici rapporté dans le Devoir du 22 janvier par Eric Desrosiers comment le chiffre de 36 milliards est sur la table :

« Les auteurs de l’étude arrivent à cette conclusion en faisant le total des investissements qui seront de toute façon nécessaires d’ici 2030 en matière notamment de véhicules et d’infrastructures de transport, de bâtiments et d’industries, d’énergie et d’eau, et en ajoutant-ou en soustrayant, dans le cas, par exemple, d’économie d’énergie-ce qu’il en coûterait pour que ces nouveaux équipements permettent d’atteindre l’objectif d’une augmentation moyenne des températures qui ne dépasse pas la cible des 2e C.

Ils arrivent à un coût supplémentaire d’environ 700 milliards par année. Se fiant à de nombreuses expériences, réalisées entre autres par la Banque mondiale, ils estiment que des investissements bien ciblés des pouvoirs publics de l’ordre de 130 milliards-sous forme de garanties de prêts, d’assurances et de mesure d’incitation-pourraient générer les 570 milliards restants de la part d’investisseurs privés. Comme l’effort financier des gouvernements en matière de lutte contre les changements climatiques s’élève déjà à 96 milliards par année, il ne manquerait que 36 milliards. »
Davos met le doigt sur la destruction de la planète si le pillage continue. Et tente de chiffrer les solutions. Mais ces chiffres sont absolument hallucinants et ne tiennent pas compte de l’état de pollution actuel de la planète.

« Ce « détail » mis à part, le World Economic and Social Survey 2011 campe bien le problème. Plus de 50% des émissions mondiales sont le fait de 7% à peine de la population, les 3,1 milliards de pauvres ne sont « responsables » que de 5 à 10% des gaz à effet de serre (p. 29). Par conséquent, le succès de la transition n’est possible que si « l’Européen moyen diminue sa consommation d’énergie de moitié environ et le résident des Etats-Unis des trois quarts environ » (p. XIV). Le rapport a l’honnêteté de reconnaître que de tels objectifs ne peuvent être atteints pas des « solutions simplistes » telles que « l’internalisation des externalités environnementales » ou les politiques volontariste de « big push » technologique. « Aucune de ces approches n’a le potentiel d’accélérer suffisamment le changement technologique aux échelles globales qui sont requises », lit-on (p. 29). (Daniel Tanuro Presse toi à gauche 4 décembre 12)

« Les engagements souscrits sont loin au-dessous des nécessités. Selon le GIEC, pour avoir une chance sur deux de ne pas dépasser 2,4°C de hausse, les pays développés devraient réduire leurs émissions de 25 à 40% d’ici 2020 (et de 80 à 95% d’ici 2050), par rapport à 1990. Or, les engagements pris par les rescapés de Kyoto équivalent au mieux à 18% de réduction » (Daniel Tanuro Presse toi à gauche 15 janvier 2013 )
« Vingt ans après l’adoption de la CCNUCC, l’incurie capitaliste déroule ses effets sous nos yeux : le réchauffement de la planète continue de s’accélérer, au point qu’on risque vraiment un emballement irréversible.

Depuis le début du 21e siècle, les émissions de gaz à effet de serre augmentent de 3 à 4% par an, contre 2% environ dans les années ’90. Cet accroissement s’explique notamment par l’explosion des transports et l’usage accru du charbon dans l’atelier chinois du monde, mais aussi en Inde, aux Etats-Unis et en Australie. Il est donc directement lié à la mondialisation néolibérale » (Daniel Tanuro Presse toi à gauche 4 décembre 12)

« Chaque fois que s’ouvre une conférence onusienne sur le climat, les médias nous répètent le même refrain : les gouvernements cherchent un accord pour que la hausse de température ne dépasse pas 2°C par rapport à la période préindustrielle. En vérité, il est plus que probable que ce but soit désormais hors d’atteinte. Si l’Union Européenne a fait mieux que l’objectif rikiki assigné par Kyoto, c’est en grande partie grâce à la récession économique, à l’importation d’agrocarburants, à l’achat massif de crédits de carbone (souvent bidon) et à la délocalisation de la production en Chine. Les Etats-Unis, on le sait, n’ont jamais ratifié Kyoto et leurs émissions actuelles dépassent de plus de 30% le niveau de 1990. Le Canada s’est retiré du Protocole et le Japon, ainsi que la Russie, n’en veulent plus. »(Daniel Tanuro Presse toi à gauche 4 décembre 12)

Ces différentes citations d’expertises scientifiques sont très claires, nous sommes dans l’irreversible. Des mesures drastiques à l’heure actuelle ne feraient qu’atténuer les effets dévastateurs. De plus, chiffrer les objectifs en termes de dollars masque les inégalités face à la pollution et les effets de serre. Finalement, faire confiance au secteur privé pour diminuer les effets des gaz de serre, c’est oublier qui sont les plus grands pollueurs de la planète. Davos veut tenter de se donner bonne bouche en se gargarisant en vert mais le gargarisme n’est pas plus fort que de l’eau.

Monsieur Obama dans son discours d’investiture a consacré combien de temps : 5 minutes…dix minutes… sur les 15 minutes totales aux changements climatiques ?

8 phrases seulement mais des blogueurs s’en moquaient en disant que c’était plus que sous son premier mandat. Voilà l’intérêt écologique de la première puissance mondiale. Monsieur Obama a clairement fait connaître ses couleurs : développer l’industrie des gaz de schiste pour devenir d’ici cinq ans autosuffisant en énergie fossile, assez en tout cas pour se passer du pétrole du Moyen-Orient. Pourtant, il est de plus en plus reconnu que les gaz de schiste sont aussi polluants que les centrales au charbon. Monsieur Obama devrait aussi en début de mandat accepter le tracé du pipeline entre l’Alberta et le Texas pour le pétrole des sables bitumineux. À noter que ce pipeline pourrait aussi connaître des prolongements vers l’est passant au Québec. Madame Marois s’en réjouira-t-elle ? Peut-être aura-t-elle quelques discussions lors de son passage à Davos ?

Conclusion

Davos permet au système capitaliste de faire bonne figure, de voir les difficultés prochaines mais les vraies décisions et enlignements économiques se prennent dans les rencontres de la Banque mondiale, du Fonds monétaire internationale, de l’Organisation mondiale du commerce et lors des sommets du G8 et du G 20. Et pour l’instant la bourgeoisie table sur le chômage massif pour faire pression sur les salaires et les avantages sociaux gagnés de longues luttes par les travailleuses et les travailleurs. C’est pourquoi le mesures néolibérales sont revenus à la mode malgré le fait que ce sont elles qui ont créées la crise financière de 2008. Quant aux désastres naturels, aux séismes, aux tsunamis et aux personnes décédées, le système s’en accommode très bien : le fait de tout rebâtir ne crée-t-il pas une demande de matériel et ne relance-t-il pas l’économie locale ? N’importe quoi pour des profits au lieu du mieux-être collectif.

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