Silvio Berlusconi a décidé de passer dans l’opposition dans le but principal de se distancier du gouvernement Monti au moment où ce dernier devient de plus en plus impopulaire à cause de l’introduction d’une taxation sur la résidence principale (l’IMU), des réductions salariales et de la chute de la consommation - qui est bien plus importante que ne le disent l’Institut National de Statistiques et d’autres organismes complaisants.
Ce tournant de Berlusconi est d’autant plus démagogique et hypocrite que l’IMU, conseillée par l’Union européenne, avait déjà été décidée par le gouvernement Berlusconi-Tremonti et que la baisse des salaires et la chute de l’emploi sont les conséquences des attaques des deux partis qui se succèdent au pouvoir depuis plusieurs années. Il est vrai aussi que ces mesures sont aujourd’hui fermement appliquées par Monti, par sa ministre Elsa Fornera et leurs associés grâce au soutien de 99% des médias et d’une indécente majorité parlementaire basée sur l’accord dit « ABC » - un accord conclu entre Alfano (PDL, Parti des Libertés, droite berlusconienne), Bersani (PD, Parti Démocratique) [1] et Casini (UDC, Union démocratique du centre) pour l’application des « réformes », NdT.
De son côté, La Lega Nord (extrême droite) dénonce depuis des mois au sein de l’opposition la taxation IMU et sa nature inégalitaire… tout faisant semblant de ne pas se souvenir qu’elle-même a voté pour le décret législatif qui l’introduisait en mars 2011, dans une ferveur de rhétorique fédéraliste.
A nouveau, comme cela s’est déjà passé il y a un an, ce sont finalement des manoeuvres internes à la classe dominante et parmi ses représentants politiques qui remettent en question le gouvernement, et non pas un important mouvement de masse en faveur des intérêts de la population.
Ce n’est pas un hasard si l’irresponsable Berlusconi se donne des airs de responsabilité en garantissant que le vote des élus du PDL permettra d’approuver à temps le Pacte de Stabilité européen. Belle manoeuvre : ils vont contribuer in extremis à lancer l’énième offensive d’austérité, mais en présentant ce soutien comme un geste altruiste, ou comme un sacrifice, tout en déchargeant complètement sur le PD la mission de la défendre avec conviction. Ce qui devrait faire perdre à ce dernier le peu de crédit qu’il lui reste après sa comédie des élections primaires. En même temps, Berlusconi réussira à empêcher l’adoption des très modestes normes qui avaient été proposées pour lutter contre la corruption et sur l’inéligibilité des condamnés, ce qui le concerne personnellement.
Que veut donc obtenir Monti avec sa démission, qu’il a annoncée immédiatement après avoir eu connaissance de la décision de Berlusconi, sans même attendre l’échéance des élections législatives de mars ou un vote formel de défiance au Parlement, ce qui aurait mis le PDL en difficulté et l’aurait forcé à « montrer ses cartes » ? La sortie de l’hémicycle des députés de droite a évité la chute du gouvernement mais il est évident qu’il ne s’agissait que d’un geste pour la galerie. Il n’est pas exclu que la précipitation de Monti sert surtout à consolider sa propre position au cas où il se présenterait aux élections, même indirectement. Monti pourrait éviter ainsi un bilan négatif de sa gestion en déchargeant toute la faute sur « ceux qui l’ont saboté ».
Mais des élections anticipées [2] pourraient permettre au PDL de relancer l’offensive autour de la convocation des élections générales dans lesquelles il fonde tous ses espoirs. Cela lui permettrait d’éviter qu’une partie importante de l’électorat (dans le Lazio [3], ajouté à la très importante Lombardie) confirme la fragmentation du centre-droit et n’accélère le phénomène de « sauve qui peut » déjà fort présent dans la classe politique actuellement face aux élections générales.
Monti qui, contrairement à ce que pensent et disent les dirigeants du PS, est viscéralement de droite, ne souhaite pas être obligé d’assumer la gageure de retourner au gouvernement (une « nécessité » qui pourrait pourtant se présenter face à un succès significatif du « Mouvement Cinq Etoiles » [4] de Beppe Grillo qui créerait ainsi une situation d’instabilité), mais plutôt prendre la tête d’une coalition au sein de laquelle le poids de la droite serait trop important.
Le parti de Beppe Grillo a devancé les événements en organisant la sélection de ses propres candidats par voie électronique - d’une manière pas plus démocratiques que les primaires du centre-gauche qui l’ont tellement ridiculisées - mais il peut attirer une bonne partie de l’électorat en apparaissant comme la grande nouveauté de ces élections. En tout les cas, il s’est prémuni des attaques du vieil establishment en préparant ses listes à l’avance tandis que le projet « On peut changer » [5] est encore très en retard. Surtout parce qu’il consacre plus de temps à discuter sur qui exclure et à qui il faut s’élargir plutôt que sur quels programmes et méthodes en partant d’un bilan des causes de tant d’échecs précédent.
La tentation est forte d’ignorer toutes ces manœuvres byzantines entre de vieux complices, imprégnées de mensonges incroyables : Berlusconi qui affirme qu’il serait temps de modifier la loi électorale après avoir saboté presque toutes les possibilités de la réformer en changeant de jeu tous les jours pendant des mois ; Monti qui déclare avoir démissionné parce qu’il a été offensé par la déloyauté et la critique sévère d’Angelino Alfano, premier secrétaire du PDL, comme si ce dernier n’était pas en fait une simple marionnette de Berlusconi [6]…
Mais cette farce n’est possible que parce que la gauche est absente, pas seulement au Parlement, mais aussi dans les luttes, qui se poursuivent mais restent fragmentées et ont de grandes difficultés à converger dans un mouvement d’ensemble. Et les grandes organisations syndicales, y compris la CGIL, n’ont aucune intention de développer les mobilisations pour défendre les intérêts des travailleurs, des pensionnés et des précaires.