Édition du 17 décembre 2024

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Féminisme

Les jeunes du Québec méritent une éducation à la sexualité positive, inclusive et anti-oppressive

L’éducation à la sexualité est depuis longtemps l’un des maillons faibles de l’éducation des jeunes Québécois.es. Après la réforme Marois au tournant des années 2000 et le succès limité de l’approche de l’éducation à la sexualité par compétences, suite à plusieurs années de séances organisées ad hoc par certaines écoles, la rentrée scolaire 2018 a vu l’arrivée de nouveaux contenus obligatoires en éducation à la sexualité. Le gouvernement Legault propose ainsi d’accorder annuellement 15 heures à ces enseignements pour les élèves du secondaire, mais n’offre pour autant ni ressource conséquente (on attribue moins de 5 dollars par élève par année à l’éducation à la sexualité), ni plage-horaire spécifique (les contenus doivent être réalisés à travers d’autres cours/matières), ni formation aux enseignant.es à qui incomberaient ces responsabilités supplémentaires.

L’éducation à la sexualité mérite pourtant qu’on y accorde beaucoup plus d’attention et de ressources. Éduquer « à la sexualité », c’est enseigner à nos jeunes qu’elles et ils sont les seul.es maitres de leur corps, peuvent dire non (ou oui !) et choisir les modalités de leurs rapprochements affectifs et physiques. C’est leur apprendre qu’il y a plusieurs types de familles où des enfants peuvent s’épanouir. C’est leur faire comprendre qu’elles et ils n’ont à être hétérosexuel.les et à se conformer aux stéréotypes de genre que si cela convient à ce qu’elles et ils ressentent en leur for intérieur. Enseigner aux jeunes à réfléchir de manière critique et libérée face à l’ensemble des normes qui pèsent sur la construction de leur identité et leur sexualité fait incontestablement partie du rôle que doit jouer l’école.

C’est pourquoi nous demandons au gouvernement de retourner à la table de travail. Sur le plan du contenu, nous demandons une éducation à la sexualité positive, inclusive et anti-oppressive. Positive, parce que même si la sexualité peut comporter des risques (grossesse non désirée, ITSS, violence), elle ne s’y résume pas – alors que c’est ce que laisse encore trop souvent entendre les 15 heures dédiées à ces contenus. Inclusive, parce qu’elle se déroule encore sans nécessairement tenir compte de la multiplicité des manières dont on peut s’identifier, dont on peut vivre son orientation romantique/sexuelle, dont on peut choisir (ou pas) d’entrer en relation affective et/ou sexuelle avec autrui. Anti-oppressive, parce qu’elle ne devrait pas être l’occasion de faire la morale aux jeunes, mais bien de les accompagner dans leurs questionnements, même (et surtout) quand ceux-ci les amènent à regarder de façon critique les normes dominantes.

Sur le plan structurel, il est nécessaire de prévoir, au minimum, des mécanismes d’évaluation nous permettant de nous assurer que les contenus en éducation à la sexualité sont implantés avec une certaine uniformité dans tous les établissements, et que deux élèves, l’un.e assis.e dans une classe de Baie-Comeau et l’autre, de Montréal, puissent se prévaloir des mêmes apprentissages. Par conséquent, ces contenus devraient s’inscrire dans une matière formelle, parce que des contenus obligatoires non évalués ne sont, en réalité, que des contenus non obligatoires. La formation des enseignant.es doit impérativement être repensée. Il n’est pas normal que le genre, la sexualité et les orientations romantiques/sexuelles ne soient pas systématiquement abordés dans le cadre du baccalauréat en éducation. L’éducation à la sexualité est trop importante pour fluctuer au gré des niveaux d’aise des adultes qui en sont responsables.

Le Québec mérite mieux. Nos jeunes méritent mieux.

Cosignataires de ce texte

Gabrielle Richard, auteure de Hétéro, l’école ? et chercheure associée à l’UQAM et à l’Université de Paris-Est Créteil

Julie Robillard, co-coordonnatrice, Fédération du Québec pour le planning des naissances (FQPN)

La Coalition pour l’éducation à la sexualité, incluant la Centrale des syndicats du Québec et la Fédération autonome de l’enseignement

Alhassane Balde, chargé de cours en éducation et formation spécialisées, UQAM

Estelle Carde, professeure en sociologie, Université de Montréal

Line Chamberland, titulaire de la Chaire de recherche sur l’homophobie, UQAM

Marianne Chbat, chargée de cours en travail social, UQO

Isabel Côté, professeure agrégée en travail social, UQO

Stéphanie Demers, professeure en sciences de l’éducation, UQO

Julie Descheneaux, doctorante en sexologie, UQAM

Michel Dorais, professeur titulaire à l’École de travail social et de criminologie, Université Laval

Patrick Doucet, professeur de psychologie, Cégep Marie-Victorin

Pascale Dufour, professeure titulaire en science politique, Université de Montréal

Catherine Flynn, professeure en sciences humaines et sociales, UQAC

Baptiste Godrie, professeur associé en sociologie, Université de Montréal

Kévin Lavoie, professeur à l’École de travail social et de criminologie, Université Laval

Sylvie Lévesque, professeure en sexologie, UQAM

Marie-Paule Martel-Reny, chargée de cours en sciences de l’éducation, Université de Montréal

Joanne Otis, professeure en sexologie, UQAM

Alexis Poirier-Saumure, doctorant en communication, Université Concordia

Annie Pullen Sansfaçon, professeure titulaire en travail social, Université de Montréal et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les enfants transgenres et leurs familles

Joëlle Rouleau, professeure adjointe en histoire de l’art et études cinématographiques, Université de Montréal

Marilou St-Pierre, stagiaire postdoctorale, Université d’Ottawa Alternative pour elles

Michelle De Champlain, CAVAC Abitibi-Témiscamingue

Chantal Lalonde, Maison d’hébergement Le Nid

Joanie Poliquin, Centre d’aide et de prévention des agressions sexuelles en Abitibi Ouest.

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