Et comme la plupart des électrices et des électeurs ne votent pas de manière rationnelle ni même de manière sentimentale, mais bien mus par un transfert libidinal destiné à satisfaire une certaine volonté de puissance (j’expliquais cela dans le billet Le vote libidinal), la population s’apprête au nom du changement à mettre au pouvoir un homme et un parti dont le but est de changer le moins possible le système néolibéral, mais bien au contraire de le renforcer.
Il ne faut pas voir de complotisme quand on parle de l’oligarchie. Contrairement à ce qu’on peut croire, les oligarques ne cachent pas du tout leurs intentions. Tous les jours, les chevaliers de l’industrie et les bonzes médiatiques nous assomment de leurs injonctions paradoxales : consommez le plus possible, faites des économies, investissez dans vos RÉER, payez le moins d’impôts possible, ne travaillez pas au noir, favorisez l’économie locale, achetez les produits que nous importons de Chine, virez au vert en achetant des Véhicules utilitaires sport hybrides, protégez l’environnement en achetant nos cochonneries et en appuyant les pétrolières, crachez sur les gouvernements, mais encouragez-les à nous financer, révoltez-vous contre les impôts des entreprises, qui sont pourtant beaucoup plus bas que ceux des particuliers, soyez de bonNEs citoyenNEs et militez pour la privatisation, etc.
Un autre problème important dans le cirque électoral, auquel il faut bien participer pour limiter les dégâts, c’est qu’il ne s’agit pas d’une élection, mais bien de 125 élections. Personne ne vote pour élire le Premier ministre. Ce sont les partis qui choisissent leur chef et qui nous imposent le Premier ministre, lequel nous impose ensuite son cabinet. Le vote de l’électrice-électeur ne porte donc que sur la candidate ou le candidat local.
Pourtant tout se déroule comme s’il s’agissait d’une élection présidentielle. Les médias braquent leurs projecteurs sur les chefs. D’ailleurs ils sont de plus en plus nombreux à parler de « l’élection » alors que ce sont « des élections ». Et le quidam qu’on interroge dans la rue soupèse les vertus des champions de chaque équipe, non le programme, encore moins la cohérence du discours et encore bien moins la vision systémique pourtant essentielle à une gouverne sérieuse au-delà du court terme.
Ne reste donc que le seul argument du changement, qui sera ressassé en long et en large. Monsieur Legault nous demande si nous voulons d’un homme d’affaires à la barre du navire ou plutôt d’un médecin. Mais le gros problème a toujours été que les médecins qui nous baladent sont d’abord et avant tout des hommes d’affaires. Donc, changement de personnel, peut-être, certainement pas changement de régime (que seul Québec Solidaire accepte un tant soit peu d’envisager). Le changement est une question trop abstraite. L’amélioration des conditions de vie est une chose un peu plus concrète, mais là encore, il faut savoir les conditions de qui on améliore : celles des oligarques du 1 % ou celles des gens d’en-bas qui les font vivre ?
LAGACÉ, Francis
Un message, un commentaire ?