Il mettait aussi l’accent sur la passion de l’égalité qui forme une des principales caractéristiques de l’esprit démocratique. Celle de l’égalité des chances au départ.
Les thèses de Marx sont trop connues pour qu’il soit nécessaire de les résumer ici en détails. On sait que, pour lui, l’histoire de l’humanité est avant tout celle des classes dominantes depuis l’apparition des premières sociétés hiérarchisées, les sociétés de classes où les classes dominantes font passer leur intérêts particuliers, économiques et politiques pour l’intérêt général. Il en résulte donc le phénomène de la lutte des classes qui se traduit par de fréquentes tensions révélatrices de la nature d’une société entre groupes dominants et groupes dominés.
Ce mouvement de l’histoire en continuelle transformation représente pour Marx la dynamique profonde de la marche des affaires humaines. Les classes dominants du moment définissent, du moins dans une certaine mesure, la culture et le code de comportement de la majorité des gens.
Tels sont, très sommairement résumés, les éléments essentiels de l’analyse sociologiques de ces deux philosophes.
Que peut-on en déduire si on applique leur grille d’analyse à l’actuelle société américaine ? Laquelle serait la plus pertinente ?
Le droit de vote aujourd’hui universel et le libéralisme généralisé, deux caractéristiques de la culture politique américaine donnent de prime abords raison à Tocqueville. La République américaine est bien le berceau de la démocratie moderne, tout comme d’ailleurs celle de la chasse aux sorcières, c’est-à-dire de l’acharnement d’une majorité contre des dissident-e-s. L’égalité est quand même très valorisée, du moins si vous n’êtes par noir-e-s ou amérindien-e-s.
Par ailleurs, une simple observation empirique permet de constater que la société américaine connaît un division en classes antagonistes et que les inégalités économiques y sont très marquées. Le droit de vote est restreint car les incapacités électorales se multiplient.
Beaucoup de citoyens et de citoyennes désabusé-e-s ne se retrouvent plus chez les Démocrates ni chez les Républicains, s’abstiennent de participer à ce qui leur apparaît comme un lieu de dupes, les directions des deux formations étant pour l’essentiel acquises au rétrolibéralisme, dans sa version mondialiste et cosmopolite ou protectionniste à l’exception de Bernie Sanders, la ‘bête noire’ de l’establisment démocrate, que ce dernier est parvenu à écarter avec soulagement.
Les institutions constitutionnelles et politiques américaines demeurent démocratiques, mais la société l’est de moins en moins, ce qui ne peut que favoriser la consolidation du pouvoir d’une ploutocratie toujours plus implacable.
C’est ainsi que la classe politique des États-Unis peur gouverner dans l’appui d’une majorité d’électeurs et d’électrices, un taux élevé d’abstention et les incapacités électorales. Par ailleurs, on remarque un élitisme qui s’affiche sans complexe, étant donné la convergence des membres du grand capital d’une part, et la couche supérieure de la classe politique d’autre part.
Si aux dernières présidentielles, la candidate Hillary Clinton a récolté plus de votes que Donald Trump, celui-ci a quand même accédé au ‘trône’ de la Maison Blanche grâce à un taux élevé d’abstention et à un système électoral aussi désuet qu’injuste.
Alors Tocqueville ou Marx ? Un peu des deux. Si les institutions américaines restent démocratiques, le creusement des écarts sociaux menacent à la fois au quotidien et plus globalement cette démocratie formelle.
En tout état de cause, l’évolution récente de la société américaine tendrait à confirmer certaines thèses de Marx plutôt que certaines de celles de Tocqueville.
Toutes choses étant par ailleurs très relatives
Jean François Delisle
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