Le mois dernier, après que l’Uruguay eut annoncé le retrait ses troupes de la Mission de stabilisation des Nations-Unis (MINUSTAH) d’Haïti, M. Moïse Jean-Charles s’en est pris aux différents pays qu’il considère comme responsables de l’affaiblissement de la souveraineté haïtienne. Le très populaire sénateur, représentant du nord de l’ile, a récemment déclaré à Haïti Liberté : « Le Brésil, l’Argentine et l’Uruguay ne sont pas de vrais occupants du pays. Les vraies forces derrière l’occupation militaire d’Haïti, (sous l’administration des Nations-Unies), les pouvoirs qui jouent ce rôle ce sont les États-Unis, la France et le Canada. Ils fomenté le coup d’état du 29 février 2004 qui a déposé le Président J.B.Aristide. C’est là qu’ils ont commencé à s’attaquer à la souveraineté du pays ».
Les propos de ce sénateur peuvent sembler un peu farfelus à la vaste majorité des CanandienNEs. Quand les médias d’ici parlent d’Haïti, c’est pour mettre l’accent sur les projets d’aide canadienne. Mais voilà que ce très populaire élu haïtien dit à la presse et au public partout en Amérique latine que le Canada a contribué à renverser le gouvernement élu de son pays et qu’il continue à en affaiblir la souveraineté.
L’opinion de M. Jean-Charles n’est pas unique en Haïti. Depuis le renversement du gouvernement Aristide, Haïti progrès et Haïti Liberté ont décrit le Canada de « force occupante », de « supporter du coup », ou encore d’« impérialiste » des centaines de fois. La presse hebdomadaire de la gauche haïtienne a décrit dans le détail la planification de ce coup d’état : la déstabilisation du gouvernement élu, le développement d’une force policière haïtienne répressive, l’invocation de raisons politiques pour justifier des arrestations et des meurtres, la militarisation de la distribution de l’aide humanitaire à la suite du tremblement de terre de 2010, la pression pour que Fanmi Lavalas, le parti le plus populaire du pays soit exclut de participation aux élections.
Alors que tous ces éléments d’information ont été copieusement rapportés dans les médias haïtiens, dans des livres de langue anglaise, dans des reportages et dans les médias de gauche, les organes de presse dominants canadiens ont très rarement critiqué le rôle de notre pays dans celui-là. Par exemple, durant les dernières élections municipales à Montréal, les journaux n’ont pas soulevé le rôle qu’a joué le candidat qui menait, M. Denis Coderre, dans l’affaiblissement de la démocratie haïtienne et dans la justification de la répression qui s’y passait. Un seul article, celui de Dru Oja Jay dans Montréal Media Co-op,en a fait état. Personne d’autre n’a mentionné que M. Coderre à cause de son ancien poste de ministre du gouvernement Martin, avait agit comme son représentant en Haïti. Est-ce que les médias dominants vont également ignorer le dixième anniversaire du coup ? Probablement s’il n’y a pas de pressions pour qu’il en soit autrement, même si cette date est lourde de symboles politiques.
Haïti continue d’être occupé par les forces des Nations-Unies amenées là par l’invasion militaire des Américains, des Français et des Canadiens dans le but de renverser le Président Aristide. En plus cette force a ignoré les besoins de la population et introduit le choléra qui a fait jusqu’à maintenant 8,500 mortEs et presque 700,000 blesséEs.
Politiquement, le parti Fanmi Lavalas, que le Canada a contribué à renverser, est toujours interdit de participation aux élections. Cela joue directement en faveur de la classe politique notoirement corrompue à laquelle appartient l’actuel président, Michel Martelly. Il est peu probable que son élection fut honnête et il fait face à des protestataires qui demandent sa démission. Selon le sénateur Jean-Charles, « Il est clair que M.Martelly, n’a ni la légitimité ni la crédibilité pour diriger le pays ». Il a fait cette déclaration à Haïti Liberté après qu’une foule de 10,000 à 50,000 personnes eut manifesté dans les rues de Port-au-Prince. Il a ajouté : « Nous demandons aux Américains, aux Français et aux Canadiens de venir chercher leur homme perdu ; il ne peut plus diriger le pays ».
Il est prévu que le 28 février prochain, des centaines de milliers de personnes descendront dans les rues des villes haïtiennes pour exprimer leur rejet du renversement du gouvernement Aristide fomenté par les États-Unis, la France et le Canada. Est-ce qu’il y a un seul journal d’ici, nous dira à nous canadienNEs ce que notre gouvernement a fait aux cours des dernières décennies pour affaiblir la souveraineté et la démocratie en Haïti.