La véritable question, c’est de savoir si l’on veut voter Royal et risquer Sarkozy ou voter Bayrou et battre Sarkozy. Un scrutin Condorcet permettrait de résoudre ces dilemmes pour les électeurs, et ce, en un seul tour.
Le mode de scrutin en vigueur dans les élections présidentielles françaises est un scrutin uninominal à deux tours. Un seul candidat doit être sélectionnée après deux tours de scrutin. Le premier tour permet de ne retenir que les deux candidats qui ont obtenu le plus de voix au premier tour. Ce scrutin a quelques défauts qu’illustre à merveille la présente élection présidentielle en France. Un autre scrutin dit préférentiel de type Condorcet, permettrait de résoudre les dilemmes qui se posent aux électeurs.
Les scrutins Condorcet permettent de déterminer le candidat qui battrait les autres dans tous les duels possibles opposant deux candidats. Dans ce cas-ci, même si Royal est battue par Sarkozy au second tour, comme le laisse penser les sondages, cela ne veut pas dire pour autant que les votants de gauche préfèrent Sarkozy à Bayrou. Les sondages indiquent plutôt que Sarkozy perdrait face à Bayrou au second tour. François Bayrou, qui gagnerait ses duels face à Royal et Sarkozy, est donc incontestablement le « meneur Condorcet » dans la course présidentielle française.
Comme tous les scrutins uninominaux, le système à deux tours en vigueur en France force parfois les votants à faire le choix entre le vote de cœur et le vote stratégique. Les votants français, s’ils jugent que Royal est battue d’avance, devraient donc, raisonnablement, voter Bayrou. En revanche, s’ils jugent que risquer Royal vaut bien endurer Bayrou, ils devraient voter Royal. Aussi, s’ils considèrent que le risque Sarkozy est trop grand pour la France, ils devraient voter Bayrou dès le premier tour. Le problème, en fait, c’est que les votants aient à faire ce choix.
Dans un scrutin Condorcet, les votants ne voteraient qu’une seule fois, en exprimant cependant leurs préférences pour l’ensemble des candidats, indiquant leur premier, deuxième, troisième et xième choix. Le décompte des votes se fait alors en opposant chacun des candidats deux par deux sur l’ensemble des bulletins de vote. Le candidat qui remporte tous ses « duels » est le gagnant Condorcet. Dans ce cas d’espèce, les sondages donnent Royal battue par Sarkozy. Mais Sarkozy et Royal sont battus par Bayrou. Sous l’empire d’un scrutin Condorcet, François Bayrou serait donc présentement en tête dans la course présidentielle française.
Ce système, j’ose le dire, est plus légitime. C’est à mon avis le système que devrait adopter la République, non seulement pour honorer le révolutionnaire français qui est l’inventeur du système, le marquis de Condorcet, mais aussi, surtout, finalement parce que ce système est plus juste. La volonté des électeurs français, dans ce cas-ci, ce n’est pas Sarkozy, mais bien Bayrou, avec Sarkozy deuxième et Royal en troisième.
Il serait donc conséquent pour Bayrou, s’il croit véritablement que le centrisme est une voie légitime et parfois nécessaire, de modifier l’article 7 de son projet de Constitution pour une VIème République en indiquant, cohérence l’oblige, que « Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés lors d’un unique scrutin préférentiel de type Condorcet. »
Notons que le scrutin de type Condorcet, bien qu’il n’est pas « dualiste » comme le scrutin uninominal à deux tours, n’est pas un scrutin « centriste », c’est plutôt un scrutin qui permette la voie centriste si telle est la volonté des électeurs. En effet, dans ce cas-ci, une majorité d’électeurs préfèrent Bayrou face aux deux autres candidats. L’on peut donc dire que Condorcet, lui, voterait Bayrou !
David Litvak