Première constatation, le titre est plutôt trompeur. Loin d’élaborer des pistes constructives pour Québec solidaire, l’article s’épanche sur le déclin péquiste et laisse partout planer une odeur de « fusion » ou « d’entente de non-concurrence » souhaitée entre les deux partis sans jamais oser l’affirmer franchement (ici hypothétique « coalition », là « consensus », ici encore « rapprochement »).
Un manque d’appuis ?
Quand M. Charland fait référence à un manque d’appuis d’individus et d‘institutions « influents » pour Québec solidaire, il avance une fausseté troublante qui ne peut s’expliquer que par une définition bien sélective de l’adjectif « influent ». Pour un parti qui n’avait qu’une année d’existence, les appuis « d’individus influents » ont été étonnamment nombreux, et particulièrement en provenance des milieux de ce qu’il identifie - avec une justesse surannée - comme la « base traditionnelle » du PQ (groupes communautaires, intellectuels, professeurs, artistes, ...), base qu‘il souhaite - sans trop y croire - que le PQ reconquière.
Il suffit d’avoir suivi un tant soit peu la campagne de QS pour constituer une liste de noms allant de Richard Desjardins à Pierre Mouterde à France Castel à Laure Waridel à Luck Mervil... Il suffit d’avoir suivi un tant soit peu la campagne de QS pour noter la reconnaissance d’excellence de leur programme, soulignée par Greenpeace et par le FRAPRU, le FCPASQ et le RSIQ.
Une route longue et tortueuse ?
Si, comme il le soutient, la route sera « longue et tortueuse » pour Québec solidaire - justification à ses yeux d’un « rapprochement » avec les péquistes - ce n’est vrai que dans une optique de prise de pouvoir, de gouvernance. Les objectifs immédiats de QS sont tout autres, et c’est précisément sur ceux-ci qu’il faut se concentrer.
Le premier pas de géant est franchi : suite aux dernières élections, Québec solidaire est maintenant un parti politique connu de pratiquement toute la population. Et fort de plus de 145 000 voix, sans compter les « votes lâches » ayant répondu à l’appel de Boisclair, le parti peut difficilement être qualifié de marginal. Le prochain pas, c’est l’élection d’une députation. C’est réaliste et réalisable dès la prochaine élection - qui risque d‘arriver plus tôt que tard -, et c’est sur cet objectif que les militantEs doivent consacrer leurs énergies, par la propagande - au sens noble du terme - des idées solidaires, et par l’appui et la popularisation du mouvement pour la mise en place d’une proportionnelle, qui sera un outil inestimable dans l’atteinte de l’objectif.
Il importe de rappeler le contexte actuel avant de suggérer, comme le fait M. Charland, un rapprochement quelconque - rapprochement qui nécessite forcément négociations et concessions. Québec solidaire est un parti résolument à gauche, qui ne navigue pas dans les eaux troubles, et qui a une démarche souverainiste claire qui met le projet dans les mains du peuple. Ce parti n’a rien à gagner d’une « collaboration » - à défaut de forme plus précise de coopération définie par l’auteur - avec un PQ ambivalent, en crise identitaire, composé de moult fractions qui rament en sens inverse. Ce PQ est prêt à prostituer son programme au plus offrant et considère sérieusement mettre le projet souverainiste en veilleuse - son projet fondateur, faut-il le rappeler - pour gouverner une province. Ce PQ refuse la nationalisation de l’éolienne, veut prendre ses distances avec les syndicats et veut soulager le capital. L’heure n’est pas aux compromis pour Québec solidaire, l’heure n’est pas au travestissement des idées pour offrir la saveur du mois à la masse. L’heure est à la persuasion par l’explication et l’argumentation des positions solidaires. Lorsqu’on franchit avec succès la pénible étape de la naissance et de la reconnaissance, les conditions objectives n’appellent pas à un affadissement idéologique.
Ceci dit, c’est tout à fait le droit de M. Charland de souhaiter que son amour originel retrouve sa saveur d’antan - si tant est qu’il ait déjà eu cette saveur, la mémoire gustative ayant tendance à s’étioler au fil des ans. Lorsque ce chemin aura été parcouru, le débat sur les propositions évasives de son article gagnera en pertinence. Une route « longue et tortueuse », vous dites ?
Pétitions pour le vote proportionnel (des divergences importantes existent entre les deux mouvements, voir à ce sujet le récent article de David Litvak sur Presse-toi à gauche ! et les sites Web de ces mouvements pour vous faire une tête avant de signer l’une ou l’autre des pétitions) :
Pour plus d’informations sur la réforme du mode de scrutin :