Le cours « Éthique et culture religieuse », Ou le degré zéro de la laïcité !
L’école laïque, un creuset de l’universalisme concret
L’école laïque permet la formation de classes « hétérogènes » avec des élèves d’origines ethniques, religieuses et aussi sociales variées. C’est une école obligatoire et gratuite. C’est pour chaque élève une chance extraordinaire. Elle stimule la curiosité bienveillante à l’égard de l’autre afin d’enseigner l’essentiel : la conscience du devenir de toute chose et de tout être et la richesse de la diversité. L’école laïque enseigne aux jeunes à poser des questions et à discuter les réponses sans lui fournir des réponses toutes faites et des certitudes indiscutables. L’école laïque doit donc favoriser donc une conscience rationnelle débarrassée de toute révélation et de tous les discours fermés et dogmatiques. Cela ne signifie pas qu’elle ne forme pas à la culture religieuse, mais elle le fait dans le cadre du développement d’une conscience critique et laisse ouvert le choix de croire ou de refuser de croire, choix qui est un choix privé. Elle est le contraire de l’école confessionnelle qui est une école communautaire, porteuse de la tradition à transmettre et d’une conception du monde à perpétuer.
Ce cours est une propédeutique au développement d’une conscience religieuse
Par le cours Éthique et culture religieuse , les politiciens au pouvoir et leurs intellectuel-le-s se permettent d’hiérarchiser les options spirituelles, de décerner un privilège au catholicisme et au protestantisme et d’infantiliser le peuple québécois en valorisant certaine façon de conduire sa vie et sa spiritualité. Le cours Éthique et culture religieuse ne s’inscrit pas une approche laïque, mais se veut une propédeutique au développement d’une conscience religieuse. Il prétend que l’étude de la culture religieuse constitue la seule ouverture au sens profond de la vie humaine. Les auteur-e-s de ce cours font ainsi une profession de foi antilaïque et discriminatoire. lI suffit de lire attentivement ce cours et surmonter l’ennui créé par son langage tarabiscoté marqué par la logique des compétences pour comprendre qu’il masque sous la présentation prétendument objective de la culture religieuse l’objectif « d’aider les élèves » à construire un jugement de valeur positif et bienveillant non pour une religion déterminée bien sûr, mais de la posture religieuse comme telle. Qu’importe la croyance, ce qui est beau, émouvant, normal, en somme, serait de croire en des puissances surnaturelles. C’est précisément l’objectif de ce cours : revamper les croyances religieuses sous couvert d’ouverture à la tolérance comme si les religions dans l’histoire avaient été des écoles de tolérance et non, trop souvent malheureusement le vivier fertile de fanatismes de toutes sortes et de massacres récurrents.
Ce cours n’est pas philosophiquement neutre. Il privilégie les convictions religieuses au détriment d’autres convictions, au lieu de respecter toutes les croyances, toutes les convictions. Et pourtant, une approche laïque refuse que la croyance religieuse soit mieux traitée que la conviction athée et réciproquement. Ainsi, ce cours rejette l’égale dignité des croyances religieuses et des savoirs profanes (philosophiques et scientifiques) dans la culture à transmettre. Il glorifie l’expérience religieuse, mais il ne laisse aucune place significative à l’agnosticisme, à l’athéisme, à l’humanisme séculier et à leurs fondements. Cet unilatéralisme va tellement loin que le mot athée ne sera pas mentionné dans les manuels préparés pour le cours d’Éthique et de culture religieuse car il a été défini comme un mot tabou par les responsables ministériels. Le Mouvement laïque québécois résume ainsi son analyse à ce projet : « Non seulement ce cours glorifie les religions et tombe ainsi dans le révisionnisme historique, mais chaque occasion où une vision naturaliste ou scientifique de la vie aurait pu être abordée est ratée. »
Cherchez dans ce cours un regard critique sur le discours religieux qui véhicule la soumission des pensées à l’autorité, des hommes à leurs maîtres, des femmes au pouvoir masculin. Tout ce qui appelle à la réflexion critique à l’égard du discours religieux véhiculé par les églises, des injonctions et des interdits qu’il multiplie, des ségrégations et des violences qu’il justifie est gommé dans une approche relativiste et consensuelle.
Alors qu’on va présenter tout au long du curriculum des jeunes les différents mythes créationnistes comme une culture religieuse, on permettra au hasard d’un cours de biologie au niveau secondaire de présenter l’évolutionnisme de Darwin et de ses successeurs. Soutenir ce cours, c’est faire le choix de donner un cours de culture religieuse pendant 11 ans au mépris d’autres enseignements plus nécessaire encore pour faire prendre conscience aux jeunes du monde dans lequel nous vivons et la nécessité vitale de le transformer pour assurer l’avenir de l’humanité.
Conserver la mainmise du religieux sur la formation morale
Pourquoi ne pas avoir séparé l’enseignement morale de la culture religieuse ? Cela n’a-t-il pas été demandé depuis années par les laïques agissant dans l’école québécoise ? Cela a été demandé, mais les responsables de ce programme voulaient réaffirmer que la culture religieuse était le meilleur fondement de l’éthique.
Inculture religieuse et inculture laïque
L’inculture religieuse des jeunes au Québec est manifeste. Elle est à déplorer comme toute autre inculture. La connaissance du passé religieux de l’humanité et de sa réalité présente n’a évidemment pas à être exclue des programmes scolaires en histoire, en géographie, dans la littérature et les arts. L’inculture religieuse peut rendre opaque à bien des œuvres littéraires ou artistiques.
Mais, elle est loin d’être la seule inculture aujourd’hui manifeste dans une vaste partie de la jeunesse scolarisée. On ne voit pas au nom de quoi l’inculture scientifique, historique ou artistique mériterait moins d’attention du Ministère de l’Éducation des loisirs et des sports (MELS). Seule la culture religieuse mériterait une place dans le curriculum qui ira de première année du primaire jusqu’à la fin de secondaire. Et pourquoi ne pas parler aussi de l’histoire des sciences, de l’histoire de l’art. Sous le prétexte d’enseignement de la culture religieuse, on veut transmettre à l’école publique, les valeurs religieuses et préparer les enfants à considérer que « le croire » comme un fait normal, naturel, ce qui est tout à fait infondé. Pourquoi la culture religieuse est-elle devenue tout à coup plus importante que la culture scientifique, la culture philosophique, la culture artistique, la culture musicale ou encore l’éducation à l’économie ? Est-ce que seule la culture religieuse permet de comprendre la société québécoise actuelle ?
Il est certainement intéressant de connaître la vie des grands prophètes de l’humanité, les rites de différentes religions, mais combien de jeunes à l’issue de leur scolarité disposent de points de repère solides concernant l’histoire des résistances individuelles et des luttes collectives menées pour la liberté de pensée, d’expression et d’organisation par des hommes et des femmes qui tout autant que les fondateurs de religion ont leur place dans la mémoire scolaire actuelle. Combien d’élèves ont entendu parler des figures historiques féminines de la rébellion contre la domination masculine et contre la dévalorisation religieuse des femmes ?
Réserver parmi toutes les incultures, une importance particulière et des moyens privilégies à la seule « inculture religieuse »n’est pas justifié. L’inculture dans le champ de civisme et de l’esprit critique est autrement dangereuse pour la société. Laisser une population soumise à une dose d’irrationnel en constante augmentation qui prépare l’acceptation des arguments politiques les moins fondés peut avoir des conséquences autrement plus catastrophiques que l’ignorance de l’histoire des religions.
Si le Québec veut avancer dans la voie de l’émancipation, cela ne se fera pas par la valorisation de ses racines religieuses, mais par la défense de la liberté de conscience, par la promotion de l’égalité des sexes et en le préparant à refuser toute oppression. Clouer un peuple à des identités collectives religieuses, c’est le détourner de la lutte contre l’oppression sous toutes ses formes, vecteur de l’émancipation.