Ce qui, par contre, a fait beaucoup de bruit, ce furent les menaces du président de l’Assemblée Nationale et vice-président du Parti, Diosdado Cabello contre les travailleurs de SIDOR (entreprise sidérurgique nationalisée par Chavez en 2008, NdT) et la disqualification de la critique, du débat et des propositions avancées par Marea Socialista (courant anticapitaliste interne au PSUV, NdT). La réponse des travailleurs de SIDOR fut forte, tout comme le fut la manifestation des travailleurs de l’automobile réalisée en défiant l’interdiction du gouvernement. On a ainsi pu constater l’identification de secteurs du peuple chaviste avec la vision et les propositions rendues publiques par Marea Socialista.
« Paix économique », conflits ouvriers et ajustement fiscal
Les « tables de paix économique » avec le patronat n’ont pas donné de résultats positifs pour le peuple qui vit de son travail. Les prix, de facto libéralisés, continuent à grimper à un rythme vertigineux. Le salaire minimum, après avoir été le plus élevé d’Amérique latine, s’est effondré au niveau de celui d’Haïti et, comparé avec les prix locaux, il représente à peine la moitié du panier alimentaire de base. La pénurie de produits essentiels continue à obliger les gens à faire de longues queues ou à acheter sur le marché noir, ce qui double ou triple les prix comparés à ceux du marché normal.
Le gouvernement fait pression sur les travailleurs pour qu’ils acceptent des avantages dérisoires dans les négociations pour les contrats collectifs. Les licenciements, les fermetures et les mises à pied ont commencé en tant que chantage pour faire changer les lois du travail et remettre en question les conquêtes obtenues sous Chavez.
Mais, outre le malaise croissant parmi le peuple travailleur, il s’est ouvert un processus de luttes qui traverse tout le pays. Les plus visibles, de par leur poids spécifique et leur caractère symbolique, sont celles des travailleurs de SIDOR et du secteur de l’automobile.
Les sidérurgistes menacés par Diosdado Cabello ont riposté avec détermination par une mobilisation massive et une réponse publique à ces menaces qui est devenue la nouvelle la plus discutée dans le pays à l’ouverture du Congrès du PSUV. Les travailleurs de l’automobile ont manifesté à Caracas et cela en dépit de l’interdiction expresse des autorités. Dans ces luttes commence à émerger une nouvelle génération de dirigeants syndicaux comme Christian Pereyra, dirigeant de Marea Socialista et président de la fédération qui regroupe les travailleurs du secteur automobile. Ceux-ci luttent pour un modèle syndical démocratique et combatif et rejettent l’attitude pro-patronale et suiviste vis-à-vis du gouvernement de la Centrale syndicale officielle.
D’autre part, l’annonce de l’augmentation du prix de l’essence, qui se répercutera sur les produits essentiels, est perçue comme une nouveau tour de vis à l’adaptation des salaires aux prix. Pour cette raison, Marea Socialista propose qu’avant d’ajuster le prix de l’essence (indubitablement en retard), on procède à un référendum contraignant, qu’on concrétise une véritable réforme fiscale qui fasse payer la crise à ceux qui l’ont provoquée, qu’on mette en œuvre un audit public avec participation citoyenne sur tous les dollars distribués par le gouvernement dans le cadre du contrôle du change et pour combattre et neutraliser le modèle d’accumulation maffieux de la bourgeoisie locale en complicité avec de hauts fonctionnaires corrompus.
Ce qui vient : l’émergence d’un chavisme critique et le rejet de l’austérité
Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions plus globales sur le Congrès du PSUV, tout comme pour prévoir la réponse aux prochaines mesures d’ajustement fiscal et monétaire. Cependant, au cours des mois de juin et juillet a émergé ce qui pourrait devenir un phénomène nouveau : le débat politique que le sommet de la nomenklatura étatique a tenté de fermer s’est à nouveau rouvert, ébranlant ainsi le mur du silence officiel. Et le combat en défense des conquêtes obtenues au cours des 15 années de Processus Bolivarien s’est dynamisé dans des luttes qui vont objectivement à l’encontre des mesures envisagées par le gouvernement.
L’impact du débat politique publiquement posé par Marea Socialista autour de l’agenda, de la méthodologie et de l’orientation qu’il aurait fallu débattre au Congrès du PSUV a dépassé les expectatives les plus optimistes. Avec sa Conférence Nationale Ouverte, Marea Socialista est parvenu à apparaître dans la grande presse nationale comme une référence du chavisme critique qui soutient l’héritage anti-impérialiste de Chavez. Etant un courant modeste, il a trouvé un grand écho parmi la base du peuple chaviste pour ses propositions. D’autre part, la réponse des travailleurs de SIDOR, de l’automobile et d’autres secteurs en lutte, fonctionne comme un exemple revitalisant et plein d’espoir pour une partie fondamentale des travailleurs qui sont paralysés par la confusion.
Il ne serait pas exagéré d’affirmer qu’une nouvelle période est sur le point de s’ouvrir, caractérisée par la croissance des luttes d’une classe travailleuse majoritairement chaviste, qui n’accepte pas les conséquences des politiques annoncées par son gouvernement. Et on pourrait affirmer aussi que s’ouvre un énorme espace pour la progression et la consolidation d’un chavisme critique qui opte pour la construction d’un instrument politique du processus bolivarien qui soit démocratique, participatif, protagonique et conséquemment anticapitaliste.
Carlos Carcione est membre de Marea Socialista