La réponse des autorités a consisté à remplir la ville de centaines de policiers provenant de dizaines de localités voisines – portant des tenues antiémeute et munis d’armes d’assaut, de chiens d’attaque ainsi que de véhicules militarisés – pour « contrôler les foules » [1]. Les manifestant·e·s affirment que le « maintien de l’ordre » est bien la dernière chose que les flics ont à l’esprit : ces envahisseurs agissent d’une manière délibérément provocatrice et agressive, ce qui conduit à une escalade de la violence après plusieurs nuits de protestations.
Mercredi 13 août, aux aurores, peu après que les protestations de la nuit se sont dispersées, la police tira et blessa gravement un autre jeune homme de Ferguson. La police déclare qu’ils ont été conduits sur les lieux parce qu’on leur avait signalé la présence d’hommes portant des « masques de skieur » et maniant des fusils. Toutefois, lorsqu’ils arrivèrent sur place, la victime, qui n’a pas été nommée, braqua un pistolet, les « forçant » à tirer.
Mais la plupart des habitant·e·s de Ferguson – ainsi que des millions de leurs semblables à travers le pays – ne peuvent s’empêcher d’êtres sceptiques à propos des affirmations faites par la police à ce sujet.
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La présence policière massive à Ferguson, qui ressemble plus à une armée d’occupation qu’à quoi que ce soit d’autre, est responsable des tensions et de la violence dans la localité car ils ont réprimé brutalement les manifestant·e·s durant quatre jours et quatre nuits, en faisant y compris usage de gaz lacrymogènes et de balles en bois et en caoutchouc.
Steve Walsh était un passant innocent. Mardi 12 août, alors qu’il rentrait chez lui pour retrouver son fils de deux mois et la mère de l’enfant, il se retrouva pris au milieu d’une attaque policière contre les manifestant·e·s. Ainsi que l’a déclaré Walsh au quotidien britannique The Guardian, il a été atteint à la nuque par un projectile en bois qui lui laissa « une blessure sanglante de la taille d’une pièce de monnaie à l’arrière de son oreille gauche » [2]. Walsh ajouta : « Je me suis presque évanoui. Le sang commença à couler. »
Les images prises à Ferguson dans la nuit de mercredi montrent un immense nuage de fumée ou de gaz au-dessus de différentes parties de la ville [3]. Une autre témoigne de l’utilisation par la police de ce qui est considéré comme une sorte d’engin incendiaire car on le voit exploser dans la rue, répandant une pluie massive d’étincelles alentours [4].
Un auteur du site Jezebel.com [5] décrit ce que l’on voit sur la page en continu diffusée sur le site internet de la radio KARG Argus intitulée I Am Mike Brown [6] : « Les spectateurs observent la police alors qu’elle tire des balles en caoutchouc sur la foule de citoyens désarmés. Nous voyions comment la police s’approchait d’un groupe de manifestant·e·s pacifiques. La page I Am Mike Brown rapporte que la police demandait qu’ils ne filment pas. Le reporter en donne la raison : “Ils ne veulent pas de témoins.” »
Il n’y a là rien d’étonnant. Au milieu de la violence policière, de nombreux manifestant·e·s répondent par une action symbolique qui fait écho de manière émouvante à la façon dont Michael Brown a été tué : levant les mains en l’air, interpellant la police : « Haut les mains. Ne tirez pas ! » D’autres marches de protestation arborent des panneaux qui dressent un parallèle avec l’affirmation d’une dignité humaine élémentaire qui s’était manifestée lors de la lutte pour les droits civils à seulement quelques heures de voiture plus au sud de Ferguson : à Memphis, dans le Tennessee : « I am a man », « I am a woman. » [Au cours de l’hiver et du printemps 1968, une grève des travailleurs de la voirie se déroula dans cette ville ; Martin Luther King, à la recherche d’un nouveau souffle pour sa « Poor People Campaign », se rendit sur les lieux. C’est là qu’il fut assassiné le 4 avril – à ce sujet, voir sur ce site : La lutte inachevée de Martin Luther King.]
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La police de Ferguson émit une déclaration destinée à ceux qui souhaitent faire des veillées ou manifester, leur « demandant de le faire uniquement durant les heures de jour, d’une manière organisée et respectueuse. Nous demandons en outre que tous ceux qui veulent manifester ou se rassembler de se disperser bien avant la soirée de telle sorte que la sécurité des participant·e·s ainsi que celle de notre communauté soient garanties. »
Le fait que la police fasse la leçon aux habitant·e·s de Ferguson – ou, d’ailleurs, de qui que ce soit – au sujet de la « sécurité » après avoir abattu un adolescent désarmé et après avoir traité les manifestant·e·s comme des animaux relève du plus haut degré de l’hypocrisie. Les flics de Ferguson et les autorités municipales qui publièrent leurs ordres ne méritent le « respect » de personne, ainsi que leurs pratiques au cours de la semaine écoulée ne cessent de le montrer.
La police n’a toujours pas révélé le nom de l’agent de police qui a abattu Michael Brown afin d’éviter des « menaces » à son encontre [7]ce vendredi, 15 août, la police a révélé l’identité de l’agent en question, suspendu depuis le 9 août ; la police maintient toutefois sa version des faits – voir Le Monde]. Elle a toutefois été très enthousiaste à partager avec les médias les clichés anthropométriques et les noms des personnes arrêtées au cours de la semaine sur la charge de « pillage » [8]. [9]
C’est là une illustration du racisme qui se love au cœur de l’irruption de colère à Ferguson : la vie d’un jeune Noir désarmé a été volée par un agent de police blanc dont l’identité est protégée alors que les Noirs qui ont prétendument commis des crimes non violents tels que des cambriolages ont vu leurs noms traînés dans la boue aux informations du soir.
Malgré la violence de la police, des manifestant·e·s ont contesté nuit après nuit contre cette double morale. C’est le cas de Jammell Sapann, un jeune manifestant hurlant à la police qui dispersait une manifestation : « Tous mes amis ont été tués. J’en ai marre ! » [10]
Jeudi matin, on a rapporté qu’Antonio French, un conseiller municipal de Saint-Louis qui critiquait la police de Ferguson et qui a participé aux manifestations, au cours desquels, à plusieurs reprises, il a filmé la police, a été arrêté. Aucune raison n’a été donnée pour justifier cette arrestation à l’heure où cet article est rédigé. Il ne fait toutefois aucun doute que l’on tente de le punir pour avoir critiqué la police.
La crainte des flics face à des voix indépendantes comme celle de French est bien compréhensible : ils ont pratiqué divers abus afin de s’assurer que leur récit favori sur les événements est le seul sortant de Ferguson. Un journaliste écrit qu’au « cours des derniers jours, les reporters ont été empêchés d’entrer dans la ville. Les journalistes qui sont toutefois parvenus à y venir ont été accueillis par des gaz lacrymogènes et menacés par les policiers, au même titre que les habitants de Ferguson. » [11]
[12]
[13]
Pour ajouter à ce « couvercle » posé pour empêcher que les informations sortent de la ville, le 12 août l’Administration fédérale de l’aviation a déclaré une « zone d’exclusion aérienne » pour les appareils volant à basse altitude au-dessus de la zone après que l’on eut rapporté que l’on avait tiré sur un hélicoptère de la police. Ce que cela signifie en réalité, c’est que les hélicoptères des télévisions ne pourront pas faire des prises de vue des affrontements entre la police et les manifestant·e·s.
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Dans certains cas, des journalistes se sont vu refuser l’accès des conférences de presse. Sur Twitter, le prix Pulitzer de journalisme Trymaine Lee – qui est Noir – indique que le 12 août « on m’a dit de m’en aller, de retourner à mon logement » [14]. Le jour suivant, deux journalistes, l’un du Washington Post, l’autre du Huffington Post, qui mettaient en question les tactiques agressives de la police et filmaient les policiers, ce qui est un acte protégé par la Constitution, furent immédiatement arrêtés [15].
Mais si l’on écoute Jon Belmar, le chef de la police du comté de Saint-Louis, la police a agi en faisant preuve de retenue [jeudi 14 août au soir, le chef de la police a été remplacé par le gouverneur de l’Etat ; c’est un Afro-Américain, Ron Johnson, de la police routière, un Noir originaire de Ferguson, qui a pris le relais ; le but est de diminuer les tensions et d’effacer les images de véhicules blindés et de policiers lourdement armés faisant face à des manifestants bras levés, ce qui se traduit par un style différent : Ron Johnson s’est mis dans le cortège de tête d’une manifestation en hommage à Mike Brown].
Jon Belmar, selon le St. Louis Post-Dispatch, a dit de ces agents de police : « Maintenir une telle retenue c’est, franchement, remarquable. » [16]
[…] La police ne commente pas l’affirmation de Dorian Johnson selon laquelle les policiers refusèrent d’enregistrer sa déclaration. Freeman Bosley, l’avocat de Johnson et ancien maire de Saint-Louis, indique avoir contacté la police pour proposer un entretien avec son client : la personne qui se trouvait aux côtés de Michael Brown lorsqu’il a été abattu.
L’avocat a déclaré à la chaîne MSNBC que la police « n’a même pas voulu lui parler. Ils ne veulent pas connaître les faits. Ce qu’ils veulent, c’est justifier ce qui s’est produit […]. Ce qu’ils essaient de faire, c’est justifier ce qui s’est passé au lieu de tenter de souligner les torts. Quelque chose de mal s’est passé et c’est de cela qu’il s’agit. »
Dorian Johnson a déclaré à MSNBC qu’il comprenait l’indignation que ressentaient les manifestant·e·s vis-à-vis de la police : « Il y a deux foules. Une composée de personnes plus âgées qui veut que justice soit rendue, mais qui est en colère. Puis il y a une foule plus jeune qui veut la vengeance, mais il y a là aussi de la colère. Que pouvez-vous attendre d’autre lorsque quelque chose se passe sans cesse et que cela blesse la communauté alors que personne ne s’élève contre cela ou fait quelque chose à ce sujet. Je sens leur colère, je sens leur dégoût. » [17]
Mais, selon le chef de la police de la ville de Ferguson, Thomas Jackson, les « troubles » ont été causés par des « agitateurs extérieurs. »
Ce dernier déclara sur le programme Hannity de Fox News [18] : « Il y a de nombreux agitateurs extérieurs qui sont à l’origine de la violence. Nous avons eu plusieurs protestations très pacifiques : ils sont fâchés, ils posent des questions qui exigent des réponses. Je comprends cela. J’ai reçu le message. Mais la communauté a désormais intensifié ses exigences une fois que cette violence s’est produite. Nos dirigeants de la communauté, le clergé, certains activistes, sont allés plus loin et ont dit “assez c’est assez !” »
Cette tactique – dresser les « bons » manifestant·e·s contre les mauvais ainsi qu’affirmer que la violence et les destructions de propriété sont le fait « d’agitateurs extérieurs » – est une méthode policière et étatique éprouvée. Au cours du mouvement des droits civiques, les plaintes contre les « agitateurs extérieurs » et les « foules avides de violence » faisaient partie d’une tentative de diviser pour mieux régner. C’est ce qu’explique bien Keeanga-Yamahtta Taylor dans un article du SocialistWorker.org au sujet des rébellions urbaines des années 1960 [19] :
« Les rébellions sont perçues comme le cousin rétif et désobéissant du mouvement pacifique et non-violent pour les droits civiques du Sud. Ainsi, alors que le mouvement des droits civiques est loué de toutes parts pour son insistance stratégique sur la non-violence, les émeutes sont universellement condamnées en raison de la violence qu’elles contiennent. En outre, elles sont aussi considérées comme ayant provoqué la désaffection des alliés et partisans blancs et sont largement vues comme étant à l’origine des “politiques de retour de flamme” des Blancs. [Voir la note explicative en fin d’article : *]
Un éditorial du New York Times, écrit seulement quelques semaines après les émeutes de Detroit en 1967, file cet argument : « Les émeutes, au lieu de contribuer au développement d’exigences en faveur du progrès social et d’effacer la pauvreté, ont eu largement un effet inverse et ont augmenté les crises en raison du recours aux forces policières et aux lois pénales. »
Cette perspective ne semble pourtant pas correspondre avec plusieurs sondages réalisés 10 jours plus tard qui démontrent un soutien massif pour l’extension des programmes sociaux destinés à atténuer les privations matérielles que beaucoup voyaient comme la source de la spirale de violence. Dans un sondage incluant autant des Afro-Américains que des Blancs, de fortes majorités soutenaient les programmes contre la pauvreté. Ainsi que le résumait un titre de une du Washington Post : “Les races sont favorables à l’abolition des ghettos ainsi qu’à la nécessité d’un programme de type WPA” [Works Projects Administration, fait référence à la principale agence mise en place dans le cadre du New Deal qui employa des millions de chômeurs à diverses tâches « d’intérêt public » – construction ou restauration d’écoles, d’édifices publics, aménagements des routes, etc.]. Quelque 69% des Américains soutenaient des efforts de l’Etat fédéral en vue de créer des programmes d’emploi et 65% étaient convaincus de la nécessité d’abattre les ghettos. Un autre 60% soutenait un programme fédéral visant à “éliminer les rats” et 57% soutenaient un programme de camps d’été destiné aux jeunes Noirs. »
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Le fait que Ferguson était une poudrière de colère près d’exploser n’est pas de la responsabilité « d’agitateurs extérieurs » ni de sa population à majorité afro-américaine. C’est le système raciste qui en est responsable et, en particulier, les sentinelles de ce système : la police, responsable de l’assassinat de Michael Brown.
Ferguson est une communauté au sein de laquelle le sceau du racisme et des inégalités est imprimé sur chaque aspect de la vie, des emplois en passant par le logement et le « profilage » racial. La localité était réputée dans le passé comme un havre dans lequel les Noirs qui cherchaient à quitter la pauvreté et la violence de Saint-Louis – et qui ne pouvaient vivre dans des quartiers plus aisés en raison des pratiques de discrimination au logement telles que le redling. Mais alors que les Noirs déménageaient à Ferguson, les Blancs fuyaient. Un éditorial du New York Times rapporte [20] :
San Francisco, le 14 août 2014
« En 1980 la ville comprenait 85% de Blancs et 14% de Noirs ; en 2010, la proportion était de 29% de Blancs et 69% de Noirs. Les Noirs, toutefois, n’obtinrent pas plus de pouvoir politique alors que sa population croissait. Le maire et le chef de la police sont Blancs tout comme le sont cinq des six membres du conseil municipal. L’administration de l’école est composée de six Blancs et d’un Latino. Comme l’explique Colin Gordon [professeur à l’Université de l’Iowa], nombre d’habitant·e·s noirs, qui ne disposent pas des ressources leur permettant d’acquérir une propriété, déménagent d’un appartement à un autre […]
Les disparités sont encore plus évidentes au sein du département de police de Ferguson, qui ne compte que trois Noirs sur 53 agents de police. Si on croit les statistiques réalisées par le procureur général de l’Etat, les forces de l’ordre largement blanches arrêtent les habitant·e·s noirs dans une proportion bien au-delà de ce qu’ils représentent dans la population. Les Noirs représentent 86% des personnes stoppées lors de contrôles routiers et 93% des personnes arrêtées dans ce cadre. »
Les habitant·e·s se sont exprimés avec passion pour mettre un visage humain à ces statistiques. Ainsi que la mère de Michael Brown, Leslie McSpadden, l’a déclaré, entre deux sanglots, au journaliste de la CNN Don Lemon [21] : « Le seul fait que mon fils est un Noir de 6 pieds 4 pouces [plus d’un mètre 90] descendant les rues de la ville ne signifie pas qu’il ait le profil de quelqu’un qui ne descend pas simplement la rue. »
Le père, Michael Brown Sr., dit lors de la même interview : « Il n’a pas été rendu justice à mon fils et nous ne sommes pas en paix. S’il ne reçoit pas justice, nous ne pouvons rester en paix. »
C’est pourquoi il est aussi méprisable de souiller les gens de Ferguson en prétendant qu’ils se sont lancés dans des « pillages » et des « émeutes » sans retenue depuis la mort de Michael Brown.
Le plus grand dommage à la propriété a été fait à un commerce de proximité QuikTip qui a été brûlé puis tagué de graffitis contre la police. Il est apparu que la foule a probablement retourné sa colère contre le magasin après que le mot s’est répandu que c’est une personne du magasin qui a appelé la police pour faire état d’un cas de vol à l’étalage, ce qui était le prétexte de l’agent de police pour arrêter Michael Brown. Un Walmart et un local de prêts rapides ont été une autre cible des manifestant·e·s. Ce sont là des symboles de la pauvreté et de l’exploitation dans un quartier pauvre.
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Jay Nixon, le gouverneur du Missouri, réalisant sans doute que la réponse brutale des flics n’a fait qu’enflammer la situation, a annoncé jeudi qu’il allait retirer la police du comté de Saint-Louis de Ferguson.
Il sera difficile pour la police et les politiciens de faire pire que ce qu’ils ont déjà fait pour exaspérer les habitant·e·s de Ferguson. Mais aussi « différente » que puisse être la tonalité de la répression policière, la colère des manifestations ne changera pas. C’est une réaction amère aux injustices qui se trouvent au cœur de la mort non seulement de Michael Brown, mais aussi de celle de John Crawford, un jeune Noir de 22 ans abattu et tué par un policier au Walmart de Beavercreek (Ohio) parce qu’il portait un pistolet jouet [22] ; celle d’Ezell Ford, un Noir de 25 ans abattu et tué par la police alors qu’il était allongé sur le trottoir, obéissant à leurs ordres, à South Los Angeles [23] ; de celle d’Eric Garner, un Noir de 43 ans qui a été étranglé à mort par un policier sur un trottoir de Staten Island à New York [24] ; de celle de Dante Parker, un Noir de 36 ans qui a reçu des décharges de Teaser jusqu’à ce qu’il meure à Victorville (Californie) [25].
Ce ne sont là que les exemples les plus récents de vies de Noirs volées par un assassinat policier. Au-delà de ces assassinats, un nombre inconnu de personnes – hommes et femmes – dont les vies ont été bouleversées par un système d’injustice, raciste en son cœur.
Quelle a été la réponse du premier président noir des Etats-Unis devant cette épidémie de vies volées ? Un silence quasi total.
Le président a exprimé ses condoléances au sujet de l’assassinat de Michael Brown, le qualifiant de « déchirant ». Mais, alors que dans la nuit de mercredi l’on tirait des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc contre les manifestant·e·s et que la police antiémeute parcourait en tous sens les rues de Ferguson, Eric Schultz, l’adjoint du secrétaire à la presse de la Maison-Blanche, tweeta depuis Martha’s Vineyard – où le président passe ses vacances : « Réunion entre amis ce soir, dans peu de temps. Alerte de coup de vent. Du bon temps pour tous ».
L’échec d’Obama de fournir une initiative politique substantielle quelconque sur la question brûlante du combat contre le racisme tient au fait qu’il se consacre au maintien du système qui le produit. Au lieu de cela, nous devons nous pencher sur l’exemple de ceux qui combattent le racisme et qui se battent pour que justice soit rendue pour Michael Brown – ainsi que tous les autres « Michael Brown » du pays dont nous ne connaissons pas encore les noms.
Faisons comme ces étudiants de première année introduits mercredi à l’université noire historique, celle de Howard, qui se sont sentis en devoir de rendre hommage à Michael Brown ainsi qu’aux manifestations qui se déroulent à Ferguson. En solidarité, des centaines se rassemblèrent pour une photo puissante : les mains en l’air, le visage défiant [25]. (Article publié le 15 août 2014, sur le site SocialistWorker.org ; traduction A l’Encontre)
Note de l’éditeur d’À l’encontre
[*] L’auteure fait référence à deux aspects particuliers du mouvement des droits civiques et de la lutte des Noirs contre le racisme institutionnalisé, hérité de l’esclavage, aux Etats-Unis au cours de la seconde moitié des années 1950 jusqu’au début des années 1970. Les tactiques particulières, dites non-violentes, associées à Martin Luther King et à son SCLC (Southern Christian Leadership Conference) puis, avec une évolution sur cette question, le SNCC (Student Non-violent – puis National –Coordinating Committee) consistait à faire abolir des discriminations légalisées, qu’il s’agisse de la ségrégation dans les lieux publics ou des transports publics ainsi qu’à mettre fin à l’exclusion, par différents moyens, des Noirs des listes électorales et de certains droits démocratiques. C’est ainsi que ce mouvement prit de l’ampleur à partir du boycott des autobus de Montgomery, qui dura une année, en 1955-56 pour culminer dans les grandes lois des droits civiques de 1964 et 1965.
Les émeutes urbaines commencèrent à éclater dans les villes du Nord l’été suivant. L’appréciation dominante était que la ségrégation raciale était propre aux Etats du Sud, archaïsme de la réaction raciste du début du XXe siècle, alors que le Nord y échappait. Pourtant, les inégalités sociales et raciales y étaient (et le sont toujours) profondes, en particulier en matière de logement, d’éducation et d’emploi. Les stratégies et tactiques de luttes ne pouvaient s’affronter à un arsenal raciste légalisé qu’il s’agissait d’abolir, car le mouvement faisait face à des pratiques discriminatoires « insidieuses », marquées dans l’espace, dans les politiques d’embauche, etc. C’est l’un des dilemmes stratégiques que Martin Luther King tenta de résoudre en déplaçant son action à Chicago en 1966, puis en lançant, avec beaucoup de difficulté, sa Poor People Campaign, peu avant son assassinat.
Il est impossible de résumer dans une note informative ces questions centrales, au-delà de ces indications, en particulier les débats stratégiques différents, l’influence des idées et l’évolution de Malcolm X, ainsi que l’évolution du contexte international avec la guerre impérialiste américaine contre le Vietnam. (Réd. A l’Encontre)