11 février 2024 | tiré du site d’Élucid
https://elucid.media/environnement/penuries-capitalisme-mondialise-vecteur-petrole-electricite-minerais-sobriete-renaud-duterme
Laurent Ottavi (Élucid) : De récents événements comme la crise Covid, la guerre en Ukraine ou encore le blocage du canal de Suez par un porte-conteneur, ont à la fois créé et révélé les grandes fragilités de la mondialisation. Pouvez-vous en donner des exemples et en évaluer la portée ?
Renaud Duterme : Jusqu’ici, les vulnérabilités de notre temps n’ont pas encore donné lieu à des pénuries majeures, davantage à des craintes, et les perturbations ont été surmontées. Cependant, la prise de conscience demeure encore très limitée. L’impression d’un système résilient – ce qu’il est effectivement dans une certaine mesure – l’emporte, alors que les vulnérabilités se multiplient et qu’elles commencent à toucher tous les secteurs.
Le fait est que l’approche interdisciplinaire manque à beaucoup d’analyses, et a fortiori dans le débat public, où on invite par exemple un économiste pour parler d’économie et un climatologue pour évoquer le réchauffement climatique. Or, les fragilités de notre temps résultent de causes très variées, des tensions géopolitiques aux perturbations climatiques en passant par la raréfaction des ressources ou les mouvements sociaux, au point que, quel que soit le fil que l’on tire, cela perturbe tous les autres.
Plus encore que d’interdisciplinarité, nous manquons d’une approche globale et systémique. Les différentes vulnérabilités auxquelles nous faisons et ferons face sont encore plus préoccupantes une fois combinées. Elles s’alimentent les unes les autres. Le château de cartes est capable de tenir debout malgré quelques cartes en moins, mais il y a de quoi nourrir des inquiétudes quant à la solidité de l’ensemble de la structure.
Élucid : Dans votre ouvrage, vous vous étonnez de la sous-estimation dont le pétrole fait l’objet, alors que celui-ci représente le « sang de nos économies » pour reprendre l’expression de Matthieu Auzanneau. Pouvez-vous rappeler l’importance du pétrole dans notre économie et les conséquences d’une raréfaction de ses stocks ?
Renaud Duterme : Beaucoup de malentendus circulent autour du pic pétrolier. Le pétrole sera présent en sous-sol pour encore très longtemps. En revanche, depuis le premier choc dans les années 1970, la raréfaction du pétrole le rend de moins en moins disponible et de plus en plus difficile à aller chercher, ce qui coûte de plus en plus cher (même en tenant compte d’éventuelles phases de baisse, l’évolution des prix n’étant pas linéaire). Aujourd’hui, nous considérons que le prix du pétrole est relativement bas lorsqu’il se situe autour des 80 dollars le baril, alors qu’un tel prix, il y a quelques années, aurait été considéré comme très élevé. Les choses vont s’intensifier à l’avenir avec des montagnes russes sur les prix du pétrole (qui sera en baisse lorsque la contraction économique générée par des prix trop élevés fera baisser la demande) et une trajectoire générale qui sera à la hausse.
De ce fait, la raréfaction du pétrole risque donc d’avoir deux conséquences majeures. La première est une remise en cause du système de délocalisation basé sur un pétrole bas marché afin d’alimenter les porte-conteneurs, les camions, les avions, etc., qui font fonctionner la mondialisation. La seconde conséquence a bien été mise en évidence par la guerre en Ukraine. Dans un contexte d’abondance pétrolière avec des gisements rentables un peu partout, la perturbation générée chez un producteur pose peu problème, car il est toujours possible de se reporter sur un autre. Si la guerre en Ukraine, par exemple, avait eu lieu il y a une ou deux décennies, les tensions auraient sans doute été moins importantes, car on aurait pu se fournir en pétrole auprès d’autres producteurs.
Aujourd’hui, la majorité des grands producteurs de pétrole ont déjà passé leur pic de production. En cas de perturbation chez l’un d’entre eux, il devient bien plus difficile de compenser par l’achat de pétrole ailleurs. Nous nous rabattons sur les États-Unis pour le gaz et sur le Moyen-Orient pour le pétrole, mais l’actualité vient nous rappeler l’instabilité du monde et en particulier de certaines régions. Un potentiel élargissement du conflit israélo-palestinien, notamment à l’Iran, aurait d’énormes conséquences, car deux des principales sources de pétrole pour le continent européen se tariraient ou deviendraient fortement perturbées.
« L’illusion est de penser qu’on pourra continuer nos modes de vie actuels et compenser uniquement par le nucléaire. »
L’électricité est une autre carte maîtresse de l’édifice mondialisé. Quel état des lieux faites-vous quant à cette énergie et quelles sont selon vous les perspectives à moyen terme ?
C’est plus ou moins la même chose. L’électricité est seulement un vecteur énergétique, alimenté par des énergies primaires. Elle est donc sujette aux tensions géopolitiques et l’on sait par exemple que des pays comme la Belgique et l’Allemagne sont fortement dépendants du gaz pour produire de l’électricité. L’impact climatique de notre production d’électricité impose, de plus, qu’elle soit de plus en plus décarbonée si l’on veut tenir les engagements internationaux et limiter les conséquences du réchauffement climatique.
D’autre part, toutes les sources d’électricité décarbonées ont un certain nombre de contraintes climatiques ou physiques. On peut penser notamment à l’intermittence des énergies éoliennes et solaires, qui doivent être compensées soit par des centrales à gaz – ce qui renvoie à la question de la dépendance géopolitique vis-à-vis d’autres producteurs – soit par des centrales à charbon, ce qui amplifie le problème climatique, soit par les centrales nucléaires. Sur ce dernier point, la question n’est pas d’être pour ou contre le nucléaire, comme il n’est pas question d’être pour ou contre telle ou telle énergie en général, mais de l’inscrire dans un contexte de contraintes physiques et climatiques beaucoup plus large.
Le nucléaire équivaut à plus ou moins 5 % des besoins énergétiques mondiaux aujourd’hui. L’illusion est de penser qu’on pourra continuer nos modes de vie actuels et compenser uniquement par le nucléaire. Même dans un pays comme la France, un des plus nucléarisés au monde, toute une série de contraintes est déjà là : l’assèchement des cours d’eau qui a déjà provoqué l’arrêt de plusieurs centrales, le désamour de la filière chez de nombreux ingénieurs, le vieillissement des centrales (donc de plus en plus souvent en panne et de plus en plus compliquées à réparer dans un contexte où la main-d’œuvre manque), les contraintes de délais dues à la construction d’une centrale, au repérage et à la faible acceptation sociale par la population locale. La seule solution sera la sobriété, voire la décroissance, c’est-à-dire la réduction drastique de nos besoins en électricité.
Après avoir analysé la question de la pénurie à l’aune du pétrole et de l’électricité, qu’en est-il en ce qui concerne les minerais ?
Ils constituent le second pilier de nos sociétés modernes, car celles-ci dépendent de flux énergétiques et des flux de matières. Or, la totalité de ces minerais est également non renouvelable. Comme pour le pétrole, l’épuisement total et soudain des ressources est un scénario illusoire. Les gisements seront de moins en moins concentrés, donc de plus en plus rares. Les prix augmenteront fortement, car, tout comme il faut plus d’énergie pour exploiter plus d’énergie, il faut plus de minerais pour exploiter plus de minerais. Les conséquences environnementales seront aussi d’autant plus importantes pour les extraire.
Le secteur de la mine est vorace en eau alors que de nombreux gisements miniers se trouvent dans des zones à fort stress hydrique : le Chili pour le cuivre, l’Amérique du Nord, la Chine. La conjonction de problèmes, à nouveau, sur fond de contraintes diverses (énergétiques, hydriques, etc.) et de moindre concentration des minerais, risque de rendre l’exploitation de certains minerais de plus en plus compliquée. Il nous faudra faire des arbitrages. Il est de ce fait fondamental de s’interroger sur la pertinence de la numérisation croissante de la société et de l’électrification promise de l’ensemble du parc automobile.
Au regard de l’ensemble des contraintes, ne serait-il pas plus judicieux d’envisager des politiques de sobriété pour ces deux secteurs, ce qui passe notamment par un débat démocratique sur la pertinence de l’utilisation accrue du numérique dans de nombreux secteurs (enseignement, santé, agriculture, objets quotidiens, etc.) ainsi que sur la pertinence de politiques visant à réduire notre dépendance à la voiture.
« Le techno-solutionnisme, dont l’objectif premier est de créer de nouveaux marchés pour relancer la machine économique, est juste intenable. »
Votre panorama signifie un retour des limites après une surexploitation irresponsable. Vous avez souligné au début de l’entretien le manque de conscience vis-à-vis des vulnérabilités de notre temps. Comment qualifieriez-vous les mesures annoncées par les gouvernements et leurs objectifs affichés sur ces questions ?
Nous mettons clairement des rustines sur des problèmes systémiques. Le cas de la voiture électrique, qui sert à relancer un marché, est significatif, sans même parler des camions, des avions ou des porte-conteneurs si essentiels au système actuel. De manière générale, l’option mise en avant est celle du solutionnisme technologique, qui cherche surtout à créer de nouveaux marchés pour relancer la machine économique. Elle est intenable à de multiples points de vue. Elle demande des délais considérables pour remplacer les infrastructures physiques.
On ne parle pas non plus des externalités sociales des solutions que l’on avance. Depuis des années déjà, nous avons délocalisé les activités polluantes dans des pays souvent pauvres et lointains. Nous proposons aujourd’hui des mesures qui aggravent les problèmes ailleurs. Je pense à l’extraction du cobalt ou à la fabrication des batteries. Je pense aussi à ce que nous allons faire des vieilles voitures. Des voitures qui ne sont plus aux normes et sont remplacées par des voitures dites « propres », mais qui ne le sont pas tant que cela au regard du cycle de production, partiraient à l’exportation, principalement pour aller polluer l’Afrique.
Enfin, les mesures et les objectifs affichés ignorent le sujet fondamental du manque de main-d’œuvre dans de nombreux secteurs stratégiques, sans laquelle nos sociétés ne peuvent pas fonctionner. Je pense à l’agriculture, au transport routier et au domaine médical. Lesdites pénuries trouvent principalement leur cause dans le capitalisme mondialisé où l’économie prime sur tout le reste avec des emplois qui perdent leur sens, sont pris dans des logiques comptables, et où le fantasme de la dématérialisation laisse penser qu’il serait possible d’avoir des sociétés faites de cadres, d’influenceurs et d’intellectuels. En bref, une négation du rôle primordial de l’industrie, de l’agriculture et des classes populaires.
Les différentes pénuries que vous avez évoquées questionnent l’extraction, la production, l’accroissement des transports et de la consommation, le libre-échange, la division mondiale du travail, la spécialisation et les mouvements de capitaux. Est-ce la fin de la mondialisation ?
Je distingue le processus de mondialisation du projet politique de la mondialisation actuelle. En tant que géographe, je considère le premier comme un processus d’interconnexion du monde, un processus qui date de 1492 avec la découverte des Amériques. Il est amalgamé aujourd’hui avec le projet politique de la mondialisation actuelle, qui se confond avec le capitalisme mondialisé pour suggérer que la seule alternative serait le repli sur soi.
On a imposé, principalement par la force (via la colonisation puis via les programmes d’ajustement du FMI) à l’ensemble du monde, un système économique particulier dans lequel l’économie est autonome par rapport au reste de la société, et où elle finit toujours par prendre le pas sur la société. En un mot, notre mondialisation est un capitalisme mondialisé qui se trouve de plus en plus dans sa forme la plus pure. Les grandes forces du marché, que ce soient les capitaux, les marchandises matérialisées par les grandes entreprises transnationales, en tirent une grande puissance.
La démondialisation que j’appelle de mes vœux n’est pas un repli sur soi ou une remise en cause du processus d’interconnexion du monde. En revanche, elle sort de la logique de capitalisme pur avec des mesures de protectionnisme et de relocalisation, le contrôle des mouvements de capitaux et de marchandises, et l’abandon des accords de libre-échange. L’élargissement des chaînes de production et les nombreuses vulnérabilités que j’ai mentionnées seront résolus à la condition de retrouver une certaine autonomie, qui n’est pas une autarcie ou un système moyenâgeux où chaque territoire serait replié sur lui-même.
Cette autonomie pourrait tout à fait s’accorder avec des accords de coopérations avec de nombreux pays dans une optique de diminution des flux matériels. L’idée n’est pas de refaire produire chez nous des choses inutiles, mais de produire davantage chez nous des choses utiles. Dit autrement, il y a nécessité de refabriquer des principes actifs majoritairement produits en Inde et en Chine, mais aucune à relocaliser la fast fashion.
« La grande question est celle de la décroissance : s’interroger sur l’utilité des choses que l’on produit. »
Les mêmes raisons remettent-elles en cause l’objectif de la numérisation du monde ?
La numérisation de la société, la généralisation de la 5G, les voitures et les frigos intelligents et autres promesses de technologiques nécessitent beaucoup de minerais et d’énergies dans un contexte de raréfaction des ressources. Or, même si nos démocraties sont imparfaites, nos gouvernements peuvent difficilement, pour des raisons électorales, dire que l’on va construire ou rouvrir des mines (le secteur le plus écocidaire du monde !) à cause de la réticence des populations. Développer la 5G demande, de surcroît, de remplacer des milliards d’appareils électroniques encore fonctionnels et entraînerait un effet rebond, puisqu’en cas de connectivité rapide, les usages d’Internet se multiplieraient. C’est une fuite en avant qu’il nous faut arrêter avant d’atteindre les contraintes physiques.
J’ajoute à cela que la numérisation accroît la vulnérabilité de nos sociétés. Une école, un hôpital et un supermarché ne peuvent plus fonctionner désormais sans Internet. Si une coupure globale d’Internet, comme un blackout sur l’électricité, semble réservée à la science-fiction, car cela repose sur des réseaux décentralisés, les effets localisés constituent d’ores et déjà notre réalité. Dans la région où je vis en Belgique, différents hôpitaux piratés ont été bloqués pendant plusieurs semaines, au point d’engendrer des retards d’opérations. Les perturbations créées ont d’ailleurs des effets sur le long terme qui dépassent la durée du blocage. Aux États-Unis une panne Internet qui avait touché des compagnies aériennes avait de son côté entraîné l’arrêt net du trafic. Les choses risquent de s’aggraver, sur fond de tensions géopolitiques.
Au-delà de l’aspect purement physique et du volet géopolitique, nous devons enfin nous poser la question de l’utilité de cette numérisation qui n’a jamais fait l’objet d’un débat démocratique. J’ai fait l’expérience avec mes élèves et j’ai été surpris de voir leur unanimité contre la 5G, qui tenait notamment à l’argument selon lequel la numérisation rend dépendant sans rendre heureux. C’est la grande question, celle de s’interroger sur l’utilité des choses que l’on produit, donc de la décroissance.
« La raréfaction peut conduire à une gestion libérale de la pénurie avec une privatisation de ce qui peut l’être et la réservation des ressources à ceux qui en ont les moyens. »
La mondialisation, disiez-vous, est un capitalisme qui s’affirme dans sa forme chimiquement pure. Dans le contexte de raréfaction des ressources avec leurs multiples conséquences qui se renforcent les unes les autres, le capitalisme serait-il entré en phase terminale ?
J’entends dire dans certains débats que le tarissement des flux physiques et des flux de matière va faire s’effondrer le capitalisme. Je ne le pense pas, car il a une grande force pour rebondir sur les crises et les chocs qu’il provoque. Il est vrai que le capitalisme a un besoin constant de croissance et de construction de bâtiments, de nouvelles routes et requiert donc des minerais et du béton en quantité astronomique. Le géographe David Harvey avait d’ailleurs bien fait le lien entre cette urbanisation et le capitalisme.
La raréfaction de tous les éléments que je mentionne dans le livre va néanmoins se traduire selon moi par une gestion libérale de la pénurie, avec une privatisation de ce qui peut l’être et la réservation des différentes ressources à ceux qui en ont les moyens. Ces arbitrages, par conséquent, seront gérés par l’argent. C’est la continuation du capitalisme avec un marché qui pilote la pénurie. Il y a trois façons de gérer les pénuries dont j’ai parlé jusqu’ici. La première, libérale, est à l’œuvre quasiment partout. La seconde, autoritaire et qui peut s’associer avec la gestion libérale comme l’ont montré les exemples de Trump et de Bolsonaro, alloue les différentes ressources de façon purement verticale. La troisième voie, démocratique, horizontale, implique beaucoup d’efforts, beaucoup de conscientisation et des rapports de force considérables.
La plasticité du capitalisme face à ces difficultés implique encore une accentuation des inégalités et de plus en plus d’autoritarisme. Ne seraient-ce pas ces fragilités-là qui risquent de le faire s’écrouler malgré tout à terme ?
C’est une possibilité. J’observe néanmoins que la perte de légitimité potentielle du capitalisme ne pousse pas les gens à en demander la fin. La tendance est plutôt à pointer l’autre, l’étranger du doigt. L’orientation de la contestation dépendra beaucoup du positionnement de la gauche sociale, militante, politique sur les sujets de la lutte des classes, de la mondialisation, quand les pénuries s’aggraveront.
Cela lui demande une remise en cause et notamment une reconnexion avec les classes populaires, premières victimes du déclassement, qu’elle ne connaît plus, qui sentent de sa part de la condescendance ou du mépris. François Ruffin est l’une des seules personnalités en France à échapper à ce travers. La gauche a peur de se faire associer à l’extrême droite et abandonne des sujets comme le protectionnisme et les frontières, de même qu’elle laisse de côté le sujet de l’insécurité, certes accentué par les médias, mais qui va fatalement augmenter dans un contexte de pénuries.
De façon générale, les idées que vous avancez dans votre livre pour faire face à ce temps des pénuries se résument-elles à ces deux mots : démondialisation et décroissance ?
Oui, à condition une nouvelle fois d’entendre par démondialisation l’abandon de la mondialisation comme projet politique et d’associer à la décroissance la diminution des flux matériels et des flux physiques dans une perspective de justice sociale, de démocratie et de bien-être, soit exactement la définition de Thimothée Parrique (Ralentir ou périr). La décroissance, contrairement à ce que soutiennent les libéraux, n’est pas la baisse du PIB, elle est une économie déconnectée du PIB, de la gestion comptable et basée sur d’autres indicateurs.
Il est cependant fort peu probable que ce projet prenne forme. Nous sommes très loin de la démondialisation et le rapport de force n’est pas du tout en faveur des forces progressistes. Je ne suis pas défaitiste, mais je pense qu’il faut se préparer à un échec. Il y aura alors nécessité d’appliquer des comportements individuels ou collectifs à l’échelle locale visant une certaine autonomie. Face aux vulnérabilités, aux ruptures d’approvisionnement de plus en plus importantes dans tous les secteurs, il sera fondamental d’organiser les choses ici et maintenant à l’échelle des quartiers, des entreprises, des collectivités pour une vie déconnectée des grands flux physiques, de matières et d’énergie.
Je précise qu’il ne s’agit pas d’opposer la ville à une campagne idéalisée, une caractéristique de l’extrême droite. Le géographe Guillaume Faburel a fait un formidable travail sur la déconstruction de la métropolisation. La ville, qui plus est la grande ville, dépend de grands flux de matières, des va-et-vient de camions pour la nourrir et elle dispose de très peu d’autonomie. Par contre, les campagnes vivent maintenant à bien des égards de la même façon que les citadins. Quand bien même il y a des terres agricoles dans ma commune, située dans une zone rurale de Belgique, l’essentiel des biens alimentaires vient d’ailleurs. Nous sommes dépendants des mêmes flux physiques. Ceci étant dit, la campagne dispose quand même d’un petit atout qui tient à une plus forte résilience du fait d’espace de stockage, d’une plus grande proximité et de moins forte densité.
Propos recueillis par Laurent Ottavi.
Photo d’ouverture : Thx4Stock team - @Shutterstock
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