Édition du 17 décembre 2024

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Livres et revues

Lancement du livre “Le printemps des carrés rouges”

Plus d’une soixantaine de personnes provenant des rangs syndicaux de la FTQ et de la CSN, de groupes populaires, de Québec Solidaire ainsi que de nombreux amis ont participé à l’événement. Le printemps des carrés rouges n’est pas le premier livre à être édité sur ce sujet, mais certainement le premier à faire un véritable compte-rendu et à apporter une analyse des événements qui ont conduit à la plus importante mobilisation populaire que le Québec ait connu.

Richard Poulin, l’éditeur et co-auteur a ouvert la soirée qui était présidée par Marie Bergeron, afin de présenter la maison d’édition « M ».

Martine Desjardins de la FEUQ souligne l’importance de la solidarité du mouvement étudiant

Martine Desjardins a poursuivi en faisant un compte-rendu des événements tels que vécus par la FEUQ, elle a mis l’accent sur la solidarité qui s’est créée malgré les positions différentes des associations étudiantes. « Au mois de mai, on apprend non seulement que le gouvernement a l’intention d’aller de l’avant, mais qu’il a engagé une grosse firme de communication, la firme Cossette, pour être capable de gérer les communications médiatiques avec tout le monde. Alors, on se dit : cela ne laisse pas beaucoup de chance. Il y a le rassemblement national étudiant qui a lieu au mois de mai. Le rassemblement regroupe l’ensemble des associations, une grosse partie, et qui se termine avec des positions qui vont mener finalement à la création de ce front uni. »Elle a ensuite lancé le débat sur la question des États généraux. « Je pense que si il y a quelque chose que l’on a appris, et dont on a tellement eu peur dans la dernière année, c’est qu’on ne peut pas monter un mouvement social comme cela et le laisser s’effondrer et s’effriter. Et on l’a mené jusqu’au bout, mais le bout n’est pas encore arrivé.

. Et autant les étudiants sont retournés en classe maintenant, autant où tout le monde est retourné en classe, il va falloir continuer à se mobiliser et surtout à se poser des questions, à savoir qu’est-ce qu’on veut effectivement comme société, qu’est-ce qu’on veut comme objectif de société ? Et qu’est-ce qu’on veut changer ? On a un sommet sur l’éducation qui s’en vient et je peux vous garantir que de notre côté, ils sont vraiment en train de se poser des questions les jeunes sur ce qu’ils veulent réellement. Et j’espère qu’encore une fois, on va pouvoir montrer toute cette solidarité-là, de ce front commun de toute la population et pas seulement des associations étudiantes pour être capable d’aller de l’avant. »

Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de la CLASSE jusqu’à la fin de l’été dernier, a enchainé avec ce qu’il appelle ses premières réflexions suite à la fin de la grève, alors que la mobilisation populaire commence à être dernière nous.

La première a été de comprendre les raisons de l’entêtement des Libéraux à ne pas reculer sur l’augmentation des frais de scolarité. Ils ont préféré adopter une loi spéciale alors qu’ils savaient qu’elle serait contestée et probablement invalidée, au moins en partie. Ils ont préféré déclencher des élections au risque de les perdre. Ce n’était pas une question de fiscalité, Même l’Institut Économique de Montréal le reconnaît, la hausse des frais de scolarité du point de vue des finances publiques, c’est très peu. C’est quelques centaines de millions de dollars sur un budget de plusieurs dizaines de milliards.

Si les Libéraux ont été tant entêtés, c’est que cette mesure-là, augmenter les frais de scolarité, c’était pour eux la clé, de leur révolution culturelle parce qu’en augmentant les frais de scolarité, il creusait une sérieuse brèche dans ce que l’on a appelé le modèle québécois, qui, on le sait, n’était pas parfait, loin de là, mais qui permettait de réduire les inégalités sociales.
Les Libéraux savaient très bien que s’ils réussissaient à augmenter les frais de scolarité, de un, ils entamaient sérieusement le modèle québécois et de deux, ils infligeaient une blessure sérieuse a un mouvement social qui a été historiquement le principal gardien de ce modèle et que si le mouvement étudiant échouait, cela enverrait un message très clairs aux autres mouvements sociaux et au reste de la gauche.

La deuxième, c’est lorsque j’ai lu le chapitre sur la judiciarisation du conflit. Je pense que cela nous indique que l’on est dans une société qui se désintègre très rapidement et où parce qu’on ne partage plus de valeurs communes, parce qu’on ne partage plus d’espaces politiques communs, parce qu’on n’a plus de références politiques communes, pour avoir un débat rationnel et puisqu’on ne reconnaît plus collectivement notre capacité de prendre des décisions et de reconnaître que ces décisions-là s’appliquent à tout le monde et bien le réflexe ... quand on enlève les réflexions politiques et sociales, qu’est-ce qui reste en-dessous, il reste le droit qui devient le seul arbitre possible pour arbitrer les différends. Est-ce que cette épisode-là de judiciarisation du mouvement étudiant québécois n’est pas une première étape vers un envahissement du juridique de plus en plus grand sur le politique et que les Libéraux, eux-mêmes, aient trouvé comme solution au conflit, qu’une solution législative, une loi plutôt qu’une médiation, c’est une autre preuve de ça.

La troisième réflexion que j’ai eu en lisant le livre, c’est à la lecture de la section sur le mouvement syndical. Un des points les plus positifs de cette grève-là et je pense que c’est un de grands mérite de la CLASSE comme organisation c’est d’avoir remis à l’ordre du jour des principes, comme évidemment, la gratuité scolaire, comme la justice sociale, l’accès à l’éducation, mais d’un point de vue plus militant, d’avoir remis à l’ordre du jour des principes comme la démocratie directe. Je pense qu’on peut espérer qu’un des impacts de la grève étudiante, ce soit une contagion de ces principes démocratiques - là dans d’autres mouvements sociaux, notamment, à l’intérieur du mouvement syndical.

La quatrième réflexion, c’est l’intégration de la question nationale. Gabriel raconte comment une jeune libanaise l’a remercié d’avoir rendu sa mère québécoise. « Ça fait juste 4 ou 5 ans que l’on est au Québec. Ma mère ne s’était jamais intéressée à la politique québécoise parce qu’elle n’y voyait pas trop l’intérêt mais aussi parce qu’elle ne s’autorisait pas elle-même à embarquer dans le débat politique québécois. Puis avec ce conflit-là, ça a été la première fois, que ma mère se donnait le droit de prendre position dans un conflit qui était 100% québécois. J’ai entendu ma mère pour la première fois dire : nous au Québec, on veut une éducation accessible. C’est la première fois que j’entendais ma mère dire "nous" au Québec. »

Et cela m’a fait réaliser que l’intégration ce n’est pas juste une alimentation, une culture, une apparence, c’est surtout, j’ai tendance à le dire, le fait de se sentir appartenir à une communauté politique. Je pense que ça va aussi être un héritage de cette grève là d’avoir donné à des centaines de milliers de Québécois et de Québécoises, qu’il y soit depuis plus récemment ou depuis plus longtemps, cette conscience-là profonde de faire partie d’une communauté politique dans laquelle ils ont non seulement le droit mais le devoir de s’impliquer et de prendre position parce que c’est de leur futur dont il s’agit qu’ils le veuillent ou non.

À propos d’un rendez-vous manqué

André Frappier a souligné l’apport important des deux autres auteurs, Bernard Rioux et Richard Poulin, sans qui le livre n’aurait pu être réalisé. Il a conclu la soirée en posant la problématique du rôle des directions syndicales durant la mobilisation. Dans une période où le droit de grève n’existe à toutes fins pratiques plus dans le secteur public et où le lock-out devient la règle, les luttes morcelées sont vouées à l’échec. La mobilisation sociale déclenchée par la lutte étudiante ouvrait la possibilité à un élargissement de la lutte et à une réelle solidarité. Un rendez-vous manqué auquel le livre tente d’apporter des pistes de réflexions.

André Frappier

Militant impliqué dans la solidarité avec le peuple Chilien contre le coup d’état de 1973, son parcours syndical au STTP et à la FTQ durant 35 ans a été marqué par la nécessaire solidarité internationale. Il est impliqué dans la gauche québécoise et canadienne et milite au sein de Québec solidaire depuis sa création. Co-auteur du Printemps des carrés rouges pubié en 2013, il fait partie du comité de rédaction de Presse-toi à gauche et signe une chronique dans la revue Canadian Dimension.

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