Édition du 19 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Question nationale

La souveraineté du Québec et le changement social

Depuis son congrès du 3 mai dernier, où les membres ont décidé de ne pas accepter d’ententes électorales, Québec solidaire a été accusé à maintes reprises de sectarisme, voire de privilégier l’axe gauche-droite plutôt que le ralliement de la famille souverainiste pour défaire les libéraux. La souveraineté d’abord, le programme ensuite.

Le long chemin des raccourcis

La question nationale est ainsi posée de façon mécanique et caricaturale, entre les tenants de la souveraineté comme objectif prioritaire immédiat, ou ceux qui défendraient la justice sociale en premier et la souveraineté ensuite. Comme s’il s’agissait d’une question de choix alors que c’est une réalité qui s’impose.

Cela permet surtout d’éviter de tirer un bilan des 35 dernières années d’alternance de gouvernement péquiste et libéral. À chaque fois l’argument de l’urgence de battre les libéraux a été utilisé. À chaque fois le mouvement ouvrier en particulier et l’ensemble de la population ont encaissé des défaites. La baisse de 20% du salaire des employées de l’État en 1982 par le gouvernement de René Lévesque, le déficit zéro de Lucien Bouchard en 1999 qui a mené à un des plus grands désengagements de l’État dans les services de santé et d’éducation. Le gouvernement libéral de Jean Charest a quant à lui introduit le principe de l’utilisateur-payeur dans son budget de 2010 avec l’introduction de la taxe santé, et de l’augmentation des frais de scolarité. Ce principe est maintenant reconduit et amélioré par le parti québécois. Non seulement il maintient cette taxe mais le ministre Hébert veut l’augmenter en y ajoutant une taxe autonomie qui ajoutera un fardeau de 1,4 milliards$ en 10 ans. Pauline Marois songe même à imposer cette taxe spéciale aux 50 ans et plus.

Quelques soient leurs noms, les stratégies d’appui au PQ ne peuvent que mener à l’impasse en ce qui concerne la souveraineté du Québec et continueront d’engendrer leur lot de défaites pour la population et le mouvement ouvrier. Seul un programme de changement social au profit de la majorité de la population pourra alimenter et unifier les luttes dans un projet commun de libération nationale.

Une lutte inspirante pour les autres populations

Les choix économiques des partis néolibéraux nous enfoncent dans la récession, au Québec et ailleurs dans le monde. Dans ce contexte, la compétition des compagnies multinationales se fait de plus en plus féroce pour imposer un agenda de privatisation, de bas salaires ou de délocalisation pendant que les gouvernements nous imposent des politiques d’austérité qui comme on peut le constater en Europe et particulièrement en Grèce, ne font qu’empirer la situation.

Le mouvement populaire qui rendra possible l’accession à la souveraineté sera porteur d’un véritable changement à la fois pour l’égalité et la justice sociale. Il ne pourra en être autrement, une population n’effectue pas une rupture aussi importante sans saisir qu’elle l’exerce pour sa propre émancipation sociale. En ce sens elle sera porteuse d’une profonde transformation sociale au Québec et changera fondamentalement le rapport de domination de l’État canadien. Cela ne sera pas sans impact sur la classe ouvrière canadienne .La dynamique de lutte d’émancipation sociale au Québec, au même titre que le printemps des carrés rouges, mais à une échelle mille fois plus puissante, pourra favoriser l’élargissement des luttes pour la justice sociale et la prise en main par la population du reste du Canada de sa propre émancipation. La défense du droit à l’autodétermination du Québec par les mouvements sociaux et les progressistes du reste du Canada en sera donc renforcie et dynamisée.

Au lieu d’être un repli sur soi comme le courant péquiste le prétend, la lutte de libération nationale devra pour réussir, être un courant d’air frais mobilisateur, inspirant pour les autres nations et unificateur pour les différentes communautés du Québec.

André Frappier

Militant impliqué dans la solidarité avec le peuple Chilien contre le coup d’état de 1973, son parcours syndical au STTP et à la FTQ durant 35 ans a été marqué par la nécessaire solidarité internationale. Il est impliqué dans la gauche québécoise et canadienne et milite au sein de Québec solidaire depuis sa création. Co-auteur du Printemps des carrés rouges pubié en 2013, il fait partie du comité de rédaction de Presse-toi à gauche et signe une chronique dans la revue Canadian Dimension.

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