Le président a chuté massivement dans les sondages avec 54 à 60 % d’avis négatifs, soit le niveau d’impopularité de George W. Bush lors de son second mandat.
Pour commencer, le site Internet d’inscription d’Obamacare (healthcare.gov) s’est révélé si mal conçu qu’il n’a pas supporté le trafic des centaines de milliers d’utilisateurs·trices voulant s’inscrire. Il a été débordé, bloqué et s’est même parfois complètement planté. Un mois et demi après son ouverture, seuls quelques dizaines de milliers de gens avaient réussi à s’inscrire, mais n’avaient pas tous pu finaliser leur contrat d’assurance. Or si les jeunes en bonne santé ne s’inscrivent pas, les hypothèses actuarielles, sur lesquelles est basé le plan, ne tiendront pas la route.
Ensuite, la promesse du président que tous les Etatsunien·ne·s seraient autorisé·e·s à conserver leur assurance-maladie actuelle s’ils le désiraient s’est avérée fausse. Nombre de gens ayant des plans d’assurance de mauvaise qualité ne remplissant pas les critères du programme ont été enragés de voir leur assurance annulée.
La longue bataille pour l’assurance maladie
Le peuple étatsunien a mené une longue, mais peu glorieuse, lutte pour un système d’assurance des soins médicaux. Alors que la plupart des pays européens ont créé des systèmes de sécurité sociale avec des programmes de couverture maladie limités dans les années 1910, aux USA tous les efforts dans ce sens ont capoté pour cause d’hostilité idéologique contre le socialisme et de l’opposition de médecins, de syndicats, de compagnies d’assurance et des milieux d’affaires. La Loi sur la sécurité sociale de 1935, qui prévoyait des pensions pour les personnes âgées et un soutien financier aux invalides, n’avait pas de volet couvrant les frais médicaux.
Le projet de loi Wagner-Murray-Dingell soumis au Congrès en 1943 prévoyait lui une assurance maladie nationale obligatoire financée par une taxe sur les salaires. Le projet fut combattu par l’association des médecins, le barreau et la presse. Soumis au parlement 14 années de suite, ce projet échoua à chaque fois.
Quelques victoires : systèmes de couverture syndicaux et programmes gouvernementaux
Dès la Deuxième Guerre mondiale, nombre d’Etatsunien·ne·s ont conquis une couverture d’assurance maladie via leurs syndicats. La tendance a continué dans les années 50 quand près d’un tiers des Etatsunien·ne·s appartenaient à un syndicat et que les plus importants d’entre eux avaient des plans d’assurance maladie. En concurrence pour attirer la main d’œuvre, de gros employeurs de secteurs non syndiqués offraient aussi des plans d’assurance maladie. Mais des millions de sans-emploi, personnes âgées, ainsi que des employé·e·s d’entreprises sans couverture spécifique, n’avaient toujours aucune assurance maladie.
Durant les années 1960, le président démocrate Lyndon Johnson fit passer au Congrès la création du système Medicare (1965) d’assurance maladie pour les personnes âgées de plus de 65 ans ou handicapées. La même année, le Congrès créait Medicaid, un système national d’assurance maladie pour les gens à bas revenu. Ce fut un élargissement massif de la couverture maladie pour les Etatsunien·ne·s, mais des millions de gens des « classes moyennes » et des working poor n’étaient toujours pas couverts. Pour les années 2000, les USA, avec une population totale de 300 millions, comportaient 40 millions de personnes sans assurance-maladie.
L’Obamacare : un mauvais modèle
Les origines de l’Obamacare viennent de la tentative du Président Bill Clinton et de Hillary Clinton de création, dans les années 1990, d’un système national de couverture maladie basé sur le marché. L’ère des programmes gouvernementaux progressistes était alors terminée. Face à une campagne hostile, financée par les conservateurs et les grandes corporations, la loi échoua.
Quand Obama reprit ce thème en 2009, son but était la création d’un système universel. Il a fortement résisté aux pressions de gauche qui voulaient un système à financement unique. Il a même résisté aux pressions en vue de la création d’une assurance publique optionnelle en concurrence avec le secteur privé. Le plan d’Obama, rédigé par des directeurs d’assurances ou de corporations du secteur médico-pharmaceutique, exigeait que tous les Etatsunien·ne·s achètent leur assurance-maladie via des « bourses » gérées par le gouvernement, avec des subventions pour les bas revenus et des règles empêchant les assurances d’exclure des gens souffrant de problèmes de santé antérieurs.
Beaucoup de républicains, et en particulier le Tea Party, détestaient ce plan qualifié de socialiste. Plusieurs gouverneurs refusèrent l’expansion du système Medicaid prévu dans le cadre de l’Obamacare, d’autres ont refusé d’instituer dans leur Etat les « bourses » prévues. Obama a survécu à toutes ces attaques républicaines, mais l’incompétence de son administration quant à la mise en œuvre du site Internet et sa déclaration que chacun·e pourrait garder son ancienne assurance ont conduit au fiasco.
Républicains et démocrates proposent maintenant des lois qui permettraient aux gens de garder leurs couvertures maladies existantes, inférieures aux normes, un développement qui pourrait causer l’échec de l’ensemble du plan. Tout le programme Obamacare pourrait ainsi s’effondrer, ce qui pourrait, selon certains, définitivement sonner le glas de tels projets « progressistes » aux USA.
* Paru en Suisse dans « solidaritéS » n° 238 (20/11/2013) p. 11. http://www.solidarites.ch/journal/