Lorsque le président Jean-Bertrand Aristide est chassé du pouvoir et poussé à l’exil en février 2004, le récit dominant qui s’impose rapidement est celui d’un président élu s’étant transformé (comme plusieurs de ses prédécesseurs en Haïti) en dictateur sanguinaire, terrorisant une population qui a fini par se soulever pour le renverser, avec le concours de certaines puissances étrangères, au premier rang desquels on retrouve les États-Unis, la France et le Canada. Un récit qui fut endossé non seulement par les dirigeants occidentaux et leurs relais médiatiques, mais également par bon nombre d’organisations progressistes. Or, comme le démontre avec brio Justin Podur, les faits font état d’une toute autre version, que seuls les partisans d’Aristide et quelques journalistes indépendants ont réellement mis de l’avant : celle de la déstabilisation et du renversement du gouvernement Aristide, de l’enlèvement du président et de la répression brutale dont a été victime le mouvement populaire qui l’avait porté au pouvoir.
La nouvelle dictature d’Haïti retrace l’histoire récente du pays antillais, du coup d’État de 2004 contre le président Aristide jusqu’au tremblement de terre dévastateur de 2010 et ses suites, qui a révélé la scandaleuse histoire d’abus et d’indifférences des forces internationales. Justin Podur dévoile la sombre réalité de la prétendue bienveillante occupation internationale, arguant que le déni de souveraineté est la cause fondamentale des problèmes d’Haïti.
Comme l’affirme l’auteur : « Haïti se retrouve aujourd’hui aux prises avec une nouvelle dictature. Et ce, malgré que des élections aient été tenues en 2006, puis en 2010-2011, malgré que ses citoyens jouissent officiellement de la liberté de presse et du droit de se réunir, et malgré que le pays bénéficie d’une aide humanitaire internationale d’envergure. Car […] les Haïtiens ne sont pas maîtres actuellement de la gestion économique et politique de leur pays. Le droit de se réunir ou de former une organisation politique qu’ils possèdent en théorie est dans les faits extrêmement limité. Les violations des droits de la personne y sont monnaie courante et demeurent impunies. »
Un puissant défi et un coup de semonce adressé à la communauté des ONG internationales en développement, le livre est une lecture incontournable pour quiconque cherche à comprendre la réalité haïtienne et se sent concernée par les questions de justice sociale au Sud et de politiques de développement progressistes.
Justin Podur est professeur associé en études environnementales de l’Université York à Toronto. Il écrit régulièrement sur les conflits politiques et les mouvements sociaux et a produit des reportages dans plusieurs pays, dont la République démocratique du Congo le Pakistan, Haïti et Israël/Palestine. Il a contribué à l’ouvrage Empire’s Ally : Canadian Foreign Policy and the War in Afghanistan (University of Toronto Press, 2012) et collabore à diverses publications alternatives (Zmag, Ricochet, etc.).
En librairie le 11 janvier 2016, 5,5/8,5 - 244 pages
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