L’expert aurait même déclaré sans rire que c’est « comme si les entrepreneurs étaient un peu les otages des libéraux ».
Pauvres entrepreneurs qu’on aurait forcé à financer, souvent illégalement, un parti, dans l’espoir de sauver le Québec de la catastrophe de l’indépendance.
Les retours d’ascenseurs et les contrats juteux n’étaient qu’un effet secondaire de ce beau geste de patriotisme canadien.
Le rapport entre le milieu des affaires et le PLQ est incestueux parce que c’est un bon échange pour les deux. C’est souvent par le milieu des affaires qu’on arrive au PLQ, pour en ressortir ensuite avec une meilleur job dans le milieu des affaires.
C’est ce qu’on appelle le phénomène de la porte tournante. La bête se nourrit d’elle-même de ce côté, et ce n’est pas le « clivage souverainistes-fédéralistes » qui l’explique, mais bien l’argent. Les entreprises investissent dans le PLQ parce que c’est le meilleur pari d’avoir un retour sur investissement, pas par idéologie politique.
Le PLQ est le plus susceptible d’être corrompu à cause de ce facteur, mais le prérequis pour que des affairistes prennent le contrôle d’un parti politique est une absence de conséquences. C’est ce sentiment d’invincibilité qui est le fondement de la corruption politique. C’était aussi la racine du problème dans le monde municipal avec plusieurs maires suspectés qui se faisaient réélire sans problème avec des taux de participation à 30 %.
Pour le PLQ, il existe une bonne base qui va continuer à voter pour eux avec acharnement, peu importe ce qu’ils font. Et nous savons qui sont ces électeurs si fidèles. N’ayons pas peur des mots : c’est le vote non francophone.
Je regarde des sondages Léger d’avril 2005, et le vote non francophone en faveur des libéraux est à 61 % ; 62 % en juin 2009 ; 66 % en août 2010 ; 59 % en juillet 2012 ; 71 % en avril 2014 ; et 72 % dans le dernier sondage du 24 mars 2016.
Prenant ces mêmes 6 sondages, l’appui des francophones au PLQ est en moyenne de 23,8 %, variant entre 13 % et 35 % dans cette période.
Les 46 enquêtes en cour de l’UPAC, les Tomassi, Normandeau, Hamad, avec quelques autres têtes dans l’actuel gouvernement qui tomberont sûrement dans un proche avenir, ne changent strictement rien à la perception du vote non francophone envers le PLQ.
On peut même affirmer que plus les scandales de corruption émergent autour des libéraux, plus les appuis des non francophones au PLQ augmentent ! Je crois que cet aveuglement volontaire commence à devenir un jeu dangereux pour tout le monde.
Pour avoir discuté de leur indéfectible appui au PLQ avec beaucoup de ces non francophones dans les 10 dernières années, je n’ai personnellement pas vu beaucoup d’analphabètes politiques parmi eux. C’est même l’inverse : les plus grands brainwashés du PLQ qui pensent que ce parti est magnifique sont bien plus souvent des francophones. C’était beau de les voir faire du déni sur les réseaux sociaux dans les jours qui ont suivi les arrestations du 17 mars : « Lâche pas ma belle Nathalie, on croit en toi et les médias mentent. Reviens-nous en forme ! »
Très peu de non francophones semblent ressentir une grande fierté d’encourager ce parti. Ils savent pour qui et quoi ils votent. C’est eux qui sont pris dans le « clivage souverainistes-fédéralistes » et « qui sont un peu les otages des libéraux », pas les entreprises, dans ce monde où les frontières n’existent plus pour elles. Les libéraux et les entreprises ne font qu’exploiter à merveille les craintes des otages.
Les non francophones agissent en majorité comme les électeurs du Bloc québécois. Ce n’est pas pour les libéraux qu’ils votent, mais bien pour bloquer le projet d’indépendance et tout nationalisme. À la différence que le Bloc est insignifiant à Ottawa, il n’est pas au pouvoir depuis 13 ans avec la possibilité de le garder pendant encore deux décennies, malgré des scandales autour de lui.
Je peux comprendre les anglophones de voter pour le PLQ pour sauver le Canada. Tout comme je comprends les immigrants de rejeter une révolution nationale alors qu’ils sont venus ici pour reconstruire leurs vies après avoir quitté des conditions difficiles. Voter pour un parti stable qui parle d’économie, de santé et d’avoir la paix avec les référendums est le choix facile. Je pourrais donner 1 001 raisons qui expliquent et justifient le phénomène. Mais ça vient aussi avec des responsabilités, quand tu fais un choix délibéré d’élire des escrocs pour bloquer les autres. Il n’y a plus d’excuses possibles maintenant.
Supposons maintenant que plusieurs des 46 enquêtes de l’UPAC qui sont en cours aboutissent avec d’autres arrestations d’importants membres du PLQ, incluant quelques élus actuels, et que les libéraux remportent tout de même la prochaine élection avec un appui de seulement 15 % chez les francophones et 75 % chez les non francophones.
Si le pire des scénarios que je viens d’écrire devait se produire, avec le PLQ qui s’accroche au pouvoir encore longtemps malgré de nombreuses arrestations, pas besoin d’être un grand devin pour s’apercevoir qu’il y aura un jour des conséquences envers ceux qui s’obstinent à vouloir maintenir un tel régime en place. Bloquer des gouvernements indépendantistes à tout prix en continuant d’élire des incompétents pourrait finir par provoquer la majorité, qui voudra à son tour bloquer cette minorité dominante politiquement.
Ce n’est pas juste la corruption qui finit par s’installer quand un gouvernement est trop sûr de lui. Le lien entre donner des chèques en blanc à un parti politique et voir ce même parti gouverner avec arrogance et en cachant complètement son vrai agenda durant la campagne.
Il y aura tôt ou tard une réponse musclée de la majorité, si celle-ci est incapable de se défaire d’un gouvernement qui détruit le Québec tout en étant mêlé à des histoires louches. Chaque action entraîne une réaction.
Est-ce que sera la disparition des tiers partis pour revenir au bipartisme afin de s’assurer de battre les libéraux ? Ça m’étonnerait, et signer un chèque en blanc au Parti québécois n’est pas une solution plus intéressante.
Verra-t-on une montée des appuis à l’indépendance pour régler définitivement le problème du clivage souverainistes-fédéralistes ? Peut-être qu’un jour, ce sont les francophones réfractaires à l’indépendance qui diront qu’il vaut mieux voter pour des séparatistes que d’avoir un gouvernement corrompu éternellement ! Une radicalisation du nationalisme à la sauce Le Pen est-elle possible ?
Je ne sais pas ce qui se produira, mais je pense que cette impasse politique dans laquelle les francophones sont pris, ainsi que les partis d’opposition, ne sera pas éternelle.
C’est pourquoi il est essentiel que tous les partis d’opposition s’organisent, non pas pour simplement battre les libéraux la prochaine fois ou tenter un dernier référendum, mais bien pour écraser le mécanisme qui permet aux libéraux, élus par une minorité, de gouverner majoritairement. Il faut mettre fin à cette domination, que ce soit dans un Québec indépendant ou non. Le changement de scrutin avec proportionnalité est le seul rempart contre une dynastie libérale.
Des opposants à cette transformation disent que la CAQ s’allierait avec les libéraux pour former la majorité. C’est possible à l’heure actuelle, mais il y a un prix à faire de telles alliances. Parlez-en à Gilles Duceppe si ce fut payant politiquement de sauver le gouvernement Harper quelques fois lorsque le Parlement était minoritaire. Une coalition peut également vite se défaire en cas d’abus du parti dominant.
Ça couperait mathématiquement les chances du PLQ d’être pleinement majoritaire pour très longtemps, mais ça couperait également l’appétit de la politique pour les affairistes libéraux. C’est facile de voir que la plupart des élus libéraux ne sont là que pour servir leurs intérêts personnels. Avez-vous vu Robert Poëti depuis qu’il n’est plus ministre ? Il boude dans son coin. Qu’est-ce que Julie Boulet fait depuis qu’elle n’est plus ministre ? Rien du tout. Même Philippe Couillard n’avait plus envie de la politique quand Jean Charest l’avait remis à sa place en 2008. Ces gens-là veulent le pouvoir seulement, ils n’ont aucun engagement politique réel, pas de but politique autre que d’être dans l’action.
Ce PLQ qu’on voit depuis 13 ans n’aurait eu aucune chance de survivre dans un système proportionnel où chaque vote perdu a une conséquence, tout en devant partager le pouvoir pour éventuellement former le gouvernement. Ça deviendrait un pensez-y bien pour ceux qui veulent se servir de la politique au travers du PLQ pour l’avancement de leurs carrières professionnelles. Ces gens-là n’aiment pas l’incertitude. Prenons avantage de ce point faible.