Julianne Hing, The Nation, 21 juin 2018
Traduction, Alexandra Cyr,
Mercredi, le Président Trump a signé un autre décret. Il a répondu aux protestations d’un très grand nombre de groupes critiques (de sa politique à la frontière) dont le Pape et l’ancienne première dame américaine, Mme. Laura Bush. Il a donc annoncé que son administration cesserait d’appliquer la politique de séparation des enfants de leurs parents à la frontière. Il a déclaré : « n’importe qui, qui a un cœur, réagit fortement à ce propos ». Peu après la signature, il a ajouté : « Mais, en même temps, nous ne voulons pas que les gens entrent ici illégalement. Ceci (le décret) résout le problème ».
Mais comme tant de choses en cette ère Trump, elles peuvent avoir une certaine apparence mais être autre chose quand le moment de les appliquer arrive. Pendant les heures qui se sont passées entre l’annonce du décret et celui où il a été signé, plusieurs ont salué un virage, un rare retournement pour ce Président si peu capable d’admettre une erreur. Mais, maintenant que le document est public, il est clair qu’il ne résout rien du tout. L’administration Trump veut troquer la séparation des enfants de leurs parents pendant que ces derniers sont poursuivis par une autre horreur : l’emprisonnement des parents avec leurs enfants. Et selon le décret, cet emprisonnement pourrait durer indéfiniment.
Extrait du décret : « Cette administration va introduire des procédures pour appliquer….les dispositions présentes dans l’Immigration and Nationality Act (INA) tant que le Congrès n’aura pas adopté de loi stipulant autrement. Cette administration a aussi pour politique de maintenir les unités familiales ensemble en les détenant ensemble où cela convient et où le respect des lois existe avec les ressources disponibles ».
Il manque dans ce décret l’aveu que la crise à été le fait de l’administration Trump elle-même. Il n’y a eut aucun ordre de cour, aucune loi du Congrès pour appliquer ces poursuites et il n’était même pas nécessaire d’émettre un décret pour les arrêter. Mais, encore une fois, ce décret ne fait qu’ajouter une couche de cruauté administrative.
Au printemps de cette année, l’Attorney général, Jeff Sessions, avait annoncé la politique de « tolérance zéro ». Le fait de séparer les enfants de leurs parents en est l’application. Selon les nouvelles règles, les attorneys généraux américains doivent poursuivre toute personne qui essaie de pénétrer au pays entre les ports d’entrée officiels et sans les papiers requis. Mais beaucoup arrivent en famille et il y a des restrictions sur la longueur de temps où les enfants et les parents peuvent être détenus ensemble. Le gouvernement a donc séparé les enfants de leurs parents et les a traités comme des « mineurs.es non accompagnés.es ». Le présent décret ne change en rien la politique de « tolérance zéro » ; les poursuites vont continuer.
Les parents et leurs bébés vont encore être incarcérés.es mais cette fois ensemble. Et le décret oblige toutes les agences publiques dont le Bureau des prisons et le Département de la défense, c’est-à-dire tout le système des prisons fédérales et les bases militaires, à ouvrir leurs installations à l’incarcération de ces familles.
Et en plus, dans le décret, l’administration Trump annonce qu’elle à l’intention de demander à la cour de réviser l’entente exemplaire Flores de 1997, qui stipule 4 conditions minimales pour que des enfants immigrants.es soient incarcérés.es avec un traitement adapté à leur condition. La disposition centrale de cette entente prévoit que le gouvernement les libère le plus vite possible. Et par ailleurs, elle prévoit que ceux et celles emprisonnés.es aient accès à l’éducation, à des soins de santé, à des loisirs et ne soient pas confinés.es. L’administration veut mettre fin à ces protections minimales pour les enfants de façon à pourvoir : « détenir les familles étrangères ensemble tout au long du processus criminel pour entrée illégale et toute autre raison (d’expulsion) ou autre procédure en vertu de la loi sur l’immigration ». (extrait du décret. N.d.t.)
Parce que l’entente Flores est toujours en vigueur, le Département de la sécurité intérieure est tenu de l’appliquer et les enfants ne peuvent être détenus.es plus longtemps qu’il n’est absolument nécessaire pour leur trouver un placement en dehors de la détention. Alors, selon Kerri Talbot, directeur législatif du collectif pro-immigration, Immigration Hub, à Washington D.C. : « Ce décret est une nouvelle déclaration à propos d’une politique en vigueur actuellement, qui veut que maintenant, l’on poursuive, détienne, et expulse rapidement les demandeurs d’asile venant de l’Amérique centrale ».
Les tentatives de notre pays d’administrer des centres de détention pour les familles sont remplies de scandales et de litiges. Une de ces installations sous la responsabilité du Département de la sécurité intérieure, à Artesia au Nouveau Mexique, à été fermée en 2014 après que des groupes aient dénoncé que des conditions désastreuses y prévalaient, que les règles de droits n’étaient pas respectées et que celles qui y étaient appliquées, étaient illégales.
Mme Karen Tumlin, directrice de la stratégie légale au Centre légal pour l’immigration nationale, nous informe de : « me souvenir que j’en ai eut mal au ventre quand je me suis rendue à la cafétéria et que je n’y ait vu qu’une série de chaises hautes aussi loin que mes yeux portaient ». C’était lors de sa première visite à Artesia. Elle a été une de premières juristes à pouvoir entrer dans ce centre.
Si l’administration Trump réussit son coup elle n’aura que troqué une cruauté pour une autre. Elle ne retraite sur rien avec ce décret, ce n’est qu’un petit moyen de présenter un prétendu demi-tour. Elle poursuit l’exacte stratégie qui a mené à la crise.
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