Dans un article de La Presse intitulé « La quadrature du cercle », la conclusion de Pierre Asselin pose une question essentielle au sujet du projet Énergie Est : « comment on pourra concilier une baisse de nos émissions avec une hausse de production des sables bitumineux ? » [1] En effet, comment concilier cette contradiction de la propagande de TransCanada avec le plus élémentaire bon sens ?
L’industrie pétrolière est une chaîne composée de plusieurs maillons. Le premier maillon, ce sont les institutions financières, comme la bourse et les banques, qui sont essentielles puisque produire du pétrole coûte très cher. Les groupes écologistes qui militent pour que les Églises, les institutions universitaires et les citoyens cessent d’investir leurs économies dans les énergies fossiles ont compris que le tarissement des sources de finance peut rapidement étrangler l’industrie des carburants fossiles. Même les membres de la famille Rockefeller, dont l’ancêtre a posé les bases de l’industrie pétrolière au 19e siècle, l’ont compris ; ils ont retiré 50 milliards de dollars du pétrole pour l’investir dans des ressources plus prometteuses. [2]
Le deuxième maillon, ce sont les entreprises qui font les forages ou qui (à l’instar de Suncor) produisent le pétrole à partir des sables bitumineux dans la région de Fort McMurray. Leur importance pour l’industrie pétrolière est tellement évidente que je ne m’y attarderai pas.
Pour apporter le pétrole du point de production au consommateur, il faut le maillon du transport, que ce soit par camion, par train, par pipeline ou par pétrolier. Même s’ils sont le lien indispensable entre les producteurs et les consommateurs, le PDG de TransCanada, M Girling [3], ainsi que M Bergeron tentent de nous faire croire qu’ils ne sont pas complices de tous les GES produits par ce pétrole non-conventionnel !
Si on supprime les convois ferroviaires et tous les pipelines (Northern Gateway, Trans-Mountain, la ligne 9B, Énergie Est, etc.), est-ce que les sables bitumineux de l’Alberta continueront à produire du pétrole ? Poser la question, c’est y répondre ! Et le ministère de l’environnement (MDDELCC), avec sa colonne vertébrale en jell-o, accepte que TransCanada lui dicte l’idée inacceptable que le BAPE ne doit pas se pencher sur les émissions de GES [4]. Chaque maillon de l’’industrie pétrolière est indispensable ; on ne peut pas évacuer l’empreinte totale [5] de cette industrie, aussi bien en amont qu’en aval de l’oléoduc comme l’a démontré le Centre Québécois du Droit en Environnement (CQDE) [6].
Comme Énergie Est est essentiellement un outil pour exporter le pétrole outremer, il faut également comptabiliser les GES produits par les navires-citernes. Quant au maillon des raffineries, qu’elles soient situées à St John (NB), en Europe, en Chine ou aux Indes, elles produiront des GES qui seront rejetés dans l’atmosphère de la planète ; une fois dans l’air, ce CO2, d’origine canadienne, jouera son rôle dans la mécanique des réchauffements climatiques. C’est également vrai pour le dernier maillon , c’est-à-dire la combustion finale de ce pétrole.
Énergie Est est plus qu’un tuyau qui transporte le produit du point A au point B. C’est un maillon indispensable de l’industrie. Toute personne ayant une intelligence normale comprendra facilement que tous les GES de chaque maillon doivent s’additionner dans le bilan total en cette période qui suit la Conférence de Paris. Seule une personne ayant subi l’ablation du cerveau pourra accepter la notion qu’Énergie Est n’est pas co-responsable de tous les GES produit par les 1 100 000 barils par jour. Est-ce que TransCanada serait prête à payer une lobotomie pour chacun des huit millions de Québécois afin que, ainsi diminués, ils acceptent docilement cette propagande ?
Gérard Montpetit
Membre du RVHQ
le 6 mai 2016