Entendu à la première chaîne de la radio publique canadienne, *Plus on est
des fous, plus on lit* lundi 14 juin 2021 émission de 13 h à 15 h, Frédéric
Beigbeder déclarer ceci : « Le monde du *care* est une chose assez
dangereuse. »
Mais comment peut-on proférer une si absurde grossièreté sans se justifier
davantage, sans offrir la moindre explication si ce n’est que le monsieur
est né dans les années soixante, ère d’explorations sexuelles, de drogues
et de rock’n roll.
Prendre soin de soi et des autres fait du tort à qui ? On se le demande. En
tout cas, les ceuses qui se plaignent que la liberté d’expression est
muselée ont là un exemple frappant de l’inverse : qui a un nom, qui est une
vedette s’autorise de son micro pour lancer des horreurs sans réfléchir aux
conséquences.
C’est quand même curieux que certains fassent profession de cracher sur
celleux qui cherchent à orienter la société vers des valeurs de
bienveillance. Faut-il que l’hégémonie néolibérale du chacun pour soi et du
tous contre chacun soit à ce point forte !
Comme si on pouvait confondre le « prendre soin » avec le
philanthrocapitalisme, qui sous prétexte de faire le bien (la charité)
construit des monuments narcissiques, évite les impôts et détruit le social.
La bienveillance active, c’est la solidarité, c’est mettre l’éducation et
la santé en avant, c’est placer les gens avant l’argent, c’est faire passer
le public, qui sert tout le monde, avant le privé, qui ne vise que le
profit.
Nous nous civilisons et acceptons de moins en moins la métaphore de la
conquête militaire ou celle de la chasse pour décrire la rencontre
amoureuse. Quand j’entends certaines chansons françaises d’autrefois où
l’on compare une femme à une biche aux abois, sachant que c’est ce qui
excite l’énonciateur, ça me lève le cœur. Est-ce bien cela que regrette le
monsieur ? Les relations de domination et de cruauté ?
Moi, je me réjouis au contraire que notre humanité s’humanise, que nous
nous adoucissions et que les hommes arrêtent de se prendre pour des fauves.
Encore une fois, il faut constater que le monde de la bienveillance est
davantage associé au féminin, aux emplois difficiles et mal rémunérés,
toute cette main d’œuvre maltraitée par la crise sanitaire en particulier
et par le néolibéralisme en général.
Le monde du soin et de la bienveillance s’oppose à l’individualisme, à la
compétition, à la productivité à tout crin, à la course au profit. C’est
sûr que ce n’est pas aussi glamour que le vedettariat scintillant de qui
arrive à mettre le pied sur la tête des autres.
En ce sens, certes, l’éthique du *care* est dangereuse pour la pratique
égocentrique du *I don’t care*.
LAGACÉ, Francis
http://www.francislagace.org
francis.lagace@gmail.co
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