Pourquoi parler de Berlusconi alors ? En Italie, le système politique a été régi pendant des décennies par deux grands partis, la Démocratie chrétienne (DC) et le Parti communiste (PCI). Comme le Parti libéral, la DC était le parti du statu quo, du refus du changement, du conservatisme, mais en gardant un certain décorum dans la gestion de l’État (des réformes keynésiennes ont été effectivement mises en place). Mais peu à peu la DC a été gangrenée par les liens avec les services de sécurité, la CIA et la mafia. Le pouvoir exercé au plan local est devenu criminalisé. Les éléments réformistes de la DC sont allés voir ailleurs et finalement le parti s’est écroulé. Par la suite, le PCI qui était malgré son nom un grand parti social-démocrate a connu son heure de gloire en devenant le parti du gouvernement. Ce faisant, cette formation a peu abandonné les principes pour lesquels on l’appuyait et a glissé vers le social-libéralisme (le déficit zéro et tout le reste). Les militantEs du PCI l’ont déserté en grand nombre.
C’est dans ce décor de film italien qu’est apparu le sauveur de la nation, le dénommé Berlusconi. Ce personnage loufoque s’est présenté comme celui qui allait « faire le ménage » (ça vous rappelle quelque chose). Il a pourfendu les « vieux partis » en faisant jouer son immense appareil médiatique, l’équivalent en Italie de Quebecor. Le message était distillé à toutes les heures : le secteur public est corrompu, les syndicats empêchent la prospérité, il faut donner plus de liberté aux individus. En fait Berlusconi a revampé les vieux clichés de la droite en leur donnant un air de modernité.
Au bout de la ligne, cet aventurier a gagné les élections, pas tellement parce qu’il a eu plus de votes, mais parce que les gens ont cessé de voter pour les partis traditionnels, ou tout simplement, parce qu’ils ont choisi de s’abstenir de participer dans un cirque pareil. C’est ainsi que Berlusconi a régné pendant presque 10 ans, en menant bien sûr son pays à la ruine. Aujourd’hui les « vieux partis » sont revenus au pouvoir, mais ils devront gérer ce désastre, d’autant plus qu’ils n’ont rien à proposer sinon que de fonctionner selon les « règles » du néolibéralisme.
On dira qu’on n’est pas en Italie et c’est tant mieux comme cela. Il n’y a certes pas de « modèle » berlusconien, mais il y a un processus au Québec et d’ailleurs dans plusieurs pays capitalistes qui ressemble à ce qui s’est passé là, sans être identique. Il y a une réelle fatigue des citoyenNes par rapport à la gestion irresponsable des partis s’inscrivant dans le néolibéralisme (qu’ils soient de centre droit ou de centre-centre). Il y a de la confusion, de la peur aussi, entretenue sciemment par les médias-poubelles et même par Hollywood : la fin du monde approche, accrochez-vous à vos tuques !
Legault dans notre société, Harper au Canada et tous les autres voleurs et menteurs qui pratiquent la même politique dans le monde sont les produits d’une profonde instabilité d’un système qui n’en finit plus de mourir. Il devient alors facile de proposer des « solutions » qui n’en sont pas et qui relèvent d’une idéologie concoctée par des petits idéologues de droite sans envergure, mais surtout pas de brillants manipulateurs d’images.
La réponse à cela ne peut pas être une nostalgie par rapport à un passé révolu. Les partis traditionnels et leur social-libéralisme ne sont pas crédibles même si, par le hasard des systèmes électoraux, ils reviennent parfois au pouvoir (Hollande et le PS en France). Une fois au gouvernement, ils ne peuvent que s’enfoncer davantage dans leurs non-solutions et ils préparent encore plus le terrain pour les aventures démagogiques et autoritaires. Pour les électeurs et les électrices, le choix est un peu désespérant.
Pour autant, il ne faut pas capituler et comme le dit le slogan, se tenir « debout ». La lente mais inexorable progression de Québec Solidaire est liée à un autre Québec remué par les jeunes et les mouvements sociaux. Le printemps érable a été beaucoup plus qu’une série de manifs, mais un mouvement social et culturel en profondeur. Devant Marois ou Legault (ou Charest !), on observe l’essor d’un autre acteur politique, une sorte de « réseau de réseaux » qui est à la fois visible et invisible, qui s’organise et qui résiste. Peu à peu (ce ne sera pas pour cette élection !), une autre idée commence à cheminer : vaincre !