Édition du 17 décembre 2024

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Féminisme

Port de signes religieux dans la fonction et les services publics québécois

LA FÉDÉRATION DES FEMMES DU QUÉBEC PREND POSITION – ni obligation religieuse, ni interdiction étatique

Réunies le 9 mai en assemblée générale spéciale, à Québec, les membres de la Fédération des femmes du Québec (FFQ) ont appuyé la position proposée par leur conseil d’administration sur les signes religieux. Nous vous proposons ici le communiqué et l’explication complète des propositions par la FFQ puis, dans le texte suivant, la position de Diane Guilbault.

En même temps qu’elles s’opposent à l’obligation qui est faite aux femmes de porter des signes religieux ici et ailleurs dans le monde, elles s’opposent également à l’interdiction du port de ces signes au sein de la fonction et des services publics québécois. « Pas d’obligation, pas d’interdiction », de déclarer Michèle Asselin. La Fédération des femmes du Québec s’affirme pour l’intégration et pour la liberté.

Réunies aujourd’hui en assemblée générale spéciale, à Québec, les membres de la Fédération des femmes du Québec (FFQ) ont appuyé la position proposée par leur conseil d’administration sur les signes religieux. En même temps qu’elles s’opposent à l’obligation qui est faite aux femmes de porter des signes religieux ici et ailleurs dans le monde, elles s’opposent également à l’interdiction du port de ces signes au sein de la fonction et des services publics québécois. « Pas d’obligation, pas d’interdiction », de déclarer Michèle Asselin. La Fédération des femmes du Québec s’affirme pour l’intégration et pour la liberté.

Pour élaborer sa position, l’organisme féministe a abordé le sujet sous trois angles : l’analyse féministe, la discrimination que vivent les femmes immigrantes ou racisées et le modèle québécois de laïcité.

L’analyse féministe

Dans le débat autour du port de signes religieux, le foulard islamique (hidjab) revient toujours.
L’analyse féministe, qui vise l’égalité entre les femmes et les hommes, ne peut ignorer l’existence d’inégalités entre les femmes elles-mêmes. On doit donc tenir compte du croisement des multiples discriminations subies par les femmes issues de groupes ethnoculturels et racisés, discriminations qui les contraignent à des situations de vulnérabilité et d’exclusion encore plus importantes que pour l’ensemble des femmes. Interdire le port de signes religieux dans les institutions publiques aurait pour effet d’augmenter la discrimination à l’égard de femmes déjà discriminées et d’entraver ainsi la poursuite de leur autonomie financière.

« Les principes de l’analyse féministe s’appuient, entre autres, sur la nécessité de respecter le rythme, les choix, les valeurs et les besoins des femmes concernées », d’ajouter Mme Asselin.

La discrimination vécue par les femmes immigrantes et racisées

La Fédération des femmes du Québec est d’avis qu’interdire le port de signes religieux dans les institutions publiques aurait pour effet d’augmenter la discrimination à l’égard de femmes déjà discriminées et de les stigmatiser au sein d’autres institutions ou milieux de travail, voire dans l’espace public. Le danger est réel qu’une mesure allant dans le sens de l’interdiction provoque un renfermement sur soi, un repli identitaire, de certains groupes minoritaires dans la société. Cette ghettoïsation favoriserait le maintien de traditions d’origine souvent défavorables aux femmes et, par conséquent, contraires à l’égalité entre les femmes et les hommes. Par sa prise de position contre l’interdiction du port de signes religieux, la FFQ prône plutôt le processus d’intégration à la société d’accueil, à ses valeurs et à ses droits fondamentaux, par un véritable accès à l’emploi tant dans les secteurs public que privé.

Le modèle québécois de laïcité

Le modèle qui prévaut au Québec en est un de laïcité ouverte, construit autour du devoir de tolérance. Il reconnaît la nécessité de la neutralité de l’État, mais aussi l’importance que plusieurs personnes accordent à la dimension spirituelle, et assure la protection de la liberté de conscience et de religion. Alors que la liberté de conscience inclut le droit de manifester sa croyance religieuse, la FFQ croit que les institutions publiques québécoises doivent permettre, autant à ses usagères et usagers qu’à son personnel, le port de signes religieux, visibles ou non. La neutralité de l’État est basée sur les actes que celui-ci réalise et non sur l’apparence des personnes qui le composent. En effet, des employées et employés pourraient faire de la propagande ou du prosélytisme tout en n’arborant aucun signe ou symbole religieux, et ainsi, nuire davantage à la neutralité de l’État.

« Les membres de la Fédération des femmes du Québec ont réaffirmé qu’elles sont pour la liberté religieuse, mais contre les intégrismes de toutes les religions. Nous entendons poursuivre sans relâche notre lutte contre les violations commises au nom des religions », de conclure Mme Asselin.

Pourquoi prendre position sur le port de signes religieux ostentatoires dans la fonction et les services publics québécois ?

Contexte (rappel de certains éléments)

1. Le débat autour du port des signes religieux ostentatoires dans les institutions publiques (fonction publique et services publics) a pris une ampleur considérable à l’occasion des audiences de la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles (Commission Bouchard- Taylor) créée en février 2007. Même si la présence et le port de tous les signes religieux ostentatoires ont été abordés dans un grand nombre de mémoires, il faut bien dire qu’un accent particulier a été mis sur le port du foulard islamique (hidjab). Cela, en continuité d’ailleurs, avec le débat mené en 1994-1995 sur le port du hidjab à l’école publique. La Commission des droits de la personne ainsi que le Conseil du Statut de la femme avaient alors considéré que l’interdiction du port du foulard constituait une mesure de discrimination directe, dans la mesure où elle stigmatisait les personnes de religion musulmane, mais aussi indirecte, car cette norme vestimentaire d’application générale touchait « une personne ou un groupe de personnes d’une manière différente par rapport à d’autres personnes auxquelles elle peut s’appliquer » [1]

La FFQ endossera un peu plus tard cette position.

Cette question resurgit constamment au sein du mouvement des femmes, au sein d’organismes publics ou dans les médias. La FFQ est régulièrement interpellée. De plus, la recommandation du Conseil du statut de la femme à savoir « que les représentantes et les représentants ou les fonctionnaires de l’État ne puissent arborer ni manifester des signes religieux ostentatoires dans le cadre de leur travail » [2] incite la FFQ à prendre position, même si cette recommandation n’a pas été débattue à l’Assemblée nationale et que le présent gouvernement ne semble pas avoir l’intention d’en faire un projet de loi. Cette recommandation a certes une portée générale, mais dans les faits, ce sont les femmes qui portent le foulard qui seraient davantage touchées étant donné, on le sait, que peu ou pas de représentantes et représentants ou de fonctionnaires de l’État arborent d’autres signes religieux ostentatoires.

Cette question se pose dans un contexte où les femmes immigrantes ou racisées [3] et les musulmanes non-voilées (qui sont majoritaires parmi les musulmanes) ne sont déjà pas suffisamment représentées dans la fonction publique. Ne faudrait-il pas plutôt se battre pour une meilleure intégration et représentation de celles-ci ?

Cette question se pose également dans le contexte qui a entouré ici le débat sur les accommodements raisonnables et la formation de la Commission Bouchard-Taylor. À cet effet, on ne saurait faire abstraction de la montée des intégrismes religieux que le 11-Septembre a révélée et amplifiée. La guerre déclarée par l’administration de G.W. Bush aux « terroristes islamistes » a entraîné le développement d’un climat d’islamophobie en Occident. Ces attitudes et comportements racistes et xénophobes ont trouvé écho au Québec et au Canada, d’autant plus qu’au cours des dix dernières années l’immigration a changé de visage : elle est davantage constituée aujourd’hui d’une population en provenance des pays du Sud, dont plusieurs sont des pays à majorité musulmane. Dans leur rapport, les commissaires Bouchard et Taylor écrivent : « les musulmans, et en particulier les arabo-musulmans, sont présentement – avec les Noirs - le groupe le plus touché par les diverses formes de discrimination. » [4] Pourtant au Québec, en 2007, la communauté musulmane formait à peine 2% de la population totale. [5] En même temps qu’il faut reconnaître la menace pour les droits des femmes que constitue la montée de la droite et des intégrismes religieux, il faut prendre en compte d’autres problèmes que vivent ici les femmes immigrantes.

Faut-il interdire le port de signes religieux ostentatoires dans les institutions publiques ?

Nous répondrons à cette question à partir de trois points de vue, celui du modèle québécois actuel de laïcité, de la discrimination que vivent les femmes immigrantes et de l’analyse féministe.

1 La laïcité [6]

Disons d’abord qu’au Québec, un processus de laïcisation est amorcé depuis plusieurs années, mais il n’y a ni politique générale, ni charte, ni loi sur la laïcité. Plusieurs propositions ont été faites, dans le cadre de la Commission Bouchard‑Taylor, visant l’élaboration de nouveaux instruments relatifs à la laïcité et à l’interculturalisme, mais aucune n’a jusqu’ici été reprise par le gouvernement. D’ailleurs, le rapport lui‑même de tout cet exercice semble malheureusement être voué aux oubliettes.

Jusqu’à la révolution tranquille, nous avons vécu, au Québec, sous l’emprise de la l’Église catholique et plusieurs femmes sont encore marquées par cette ingérence de la religion dans leurs comportements publics et privés. S’affranchir de ces directives ou préceptes religieux a été une longue lutte et de voir qu’aujourd’hui d’autres femmes semblent encore soumises à des contraintes d’ordre religieux peut être perçu comme un recul ou une remise en question des acquis relatifs à la libération des femmes par rapport à cet ordre patriarcal. Cette perception n’est peut-être pas partagée par plusieurs femmes nées après la révolution tranquille et ces différentes façons de voir font aussi partie du débat que nous menons ici.

La laïcité repose sur deux principes de droit : la liberté de conscience et de religion, ainsi que l’égalité et la non‑discrimination. Elle se fonde également sur deux moyens : la neutralité de l’État par rapport aux différentes confessions religieuses et la séparation des pouvoirs politiques et religieux. Les finalités recherchées historiquement par la laïcité ont été : la paix sociale, la fin des discriminations systématiques, l’absence de citoyennes et de citoyens de seconde classe et le droit à la différence sans être ostracisé. La laïcité est particulièrement importante pour assurer l’égalité entre les femmes et les hommes quand on sait que, dans toutes les grandes traditions religieuses, les femmes sont subordonnées au pouvoir masculin et que toutes ces religions s’appliquent à exercer un contrôle sur le corps et la vie des femmes.

Cela dit, il n’y a pas de modèle unique ou idéal de laïcité et la laïcisation est un processus « conflictuel » [7] entre les personnes qui réclament une laïcité la plus large possible et les croyants et croyantes appartenant à diverses confessions religieuses. Le modèle qui prévaut au Québec en est un de laïcité ouverte qui s’est construit autour du devoir de tolérance. Il reconnait la nécessité de la neutralité de l’État mais aussi l’importance que plusieurs personnes accordent à la dimension spirituelle et assure la protection de la liberté de conscience et de religion. Ce modèle aspire à traiter toutes les personnes également en ne favorisant aucune religion et à garantir à toutes une protection ample, mais raisonnable, de la liberté de conscience. La liberté de conscience, faut-il le rappeler, inclut le droit de manifester sa croyance religieuse.

Est-ce que l’interdiction du port de signes religieux s’applique également à toutes les religions ?

Une loi, associée à une laïcité plus restrictive, interdisant, par exemple, le port de signes religieux dans les institutions publiques pourrait, certes, être considérée comme uniforme, car elle s’appliquerait à toutes et à tous sans exception, mais elle ne saurait être considérée comme neutre puisqu’elle favoriserait les personnes pour qui les convictions philosophiques, religieuses ou spirituelles n’exigent pas le port de tels signes. Un régime de laïcité ouverte favorise, pour sa part, un accès égal aux institutions publiques, tant pour les usagères et usagers que pour le personnel qui y travaille. La neutralité de l’État est alors assurée par les actes que fait ce dernier, plutôt que sur l’apparence des personnes. De plus, l’interdiction du port de signes religieux ne pourrait garantir complètement la neutralité de l’État étant donné que certaines personnes qui travaillent dans les institutions publiques pourraient faire de la propagande ou du prosélytisme en n’arborant aucun signe ou symbole religieux. [8]

La discrimination à l’égard des femmes immigrantes

Interdire le port de signes religieux dans les institutions publiques met les femmes qui les portent devant les choix suivants : quitter leur emploi, renoncer à afficher ce symbole ou porter plainte à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec (CDPJQ). Dans tous les cas, le risque de ressentiment, de marginalisation et d’exclusion est grand. Exclusion économique, sociale, culturelle et politique. Cela aurait pour effet d’augmenter la discrimination à l’égard des femmes déjà discriminées de certains groupes minoritaires et d’entraver ainsi la poursuite de leur autonomie financière. On sait que le taux de chômage est déjà très élevé chez les femmes immigrantes (la communauté maghrébine d’ailleurs connaîtrait un taux de chômage de 33%) et que leur revenu annuel est plus bas que celui des hommes immigrants. On sait aussi que l’État est l’employeur le plus important pour les femmes au Québec.

Le danger est réel, croyons-nous, qu’une telle mesure provoque un repli identitaire ou la ghettoïsation de certains groupes minoritaires. En plus de remettre en question un projet collectif de société basé sur l’intégration et l’interculturalisme, la ghettoïsation de certains groupes risque d’engendrer d’importants conflits au sein de la société québécoise et un enfermement identitaire qui maintiendrait, de façon rigide, une culture ou des traditions d’origines souvent défavorables aux femmes et, par conséquent, contraires à l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est plutôt le processus d’intégration à la société d’accueil, aux valeurs et droits fondamentaux qu’elle promeut, dont le droit à l’égalité entre les femmes et les hommes, qui devraient être renforcés de diverses façons et par différents moyens. La FFQ a maintes fois déclaré que ce droit était non négociable.

Il est pertinent de rappeler ici que, lors de la campagne électorale provinciale de 2007, même si aucune femme portant le voile intégral ne l’avait demandé, le Directeur général des élections, suite à des propos parus dans un journal, a semé la controverse en décidant de permettre à ces femmes de voter à visage couvert en invoquant la liberté de religion. Plusieurs candidats et candidates aux élections ont alors condamné cette décision et la FFQ s’est clairement prononcée pour la nécessité du vote à visage découvert. [9] En février 2007, Le Devoir publiait une lettre ouverte, « Ni aliénées, ni soumises », du Comité des femmes des communautés culturelles de la FFQ dans laquelle ses membres dénonçaient vigoureusement les préjugés sexistes dont elles faisaient l’objet à travers une véritable campagne médiatique qui niait « l’apport de l’immigration et des femmes immigrantes à la société québécoise en ne mettant l’accent que sur l’aspect culturel et religieux (…) », créant ainsi une diversion par rapport aux vrais problèmes que vit la grande majorité des femmes immigrantes, notamment, le taux de chômage élevé chez les femmes de communautés racisées ainsi que « la discrimination dans le logement, la violence systémique et institutionnelle auxquelles ces femmes font face, sans oublier leur manque de représentation dans les institutions québécoises publiques, parapubliques et privées » (voir en Annexe). Cela ne pourrait être plus d’actualité dans la question que nous débattons actuellement.

Il faut également souligner que l’interdiction de porter le foulard dans les institutions publiques stigmatiserait les femmes qui le portent dans d’autres institutions ou milieux de travail, voire même dans l’espace public.
Enfin, la Déclaration universelle des droits dits de l’homme (dont nous avons fêté le 60ième anniversaire en décembre dernier) stipule, entre autre, que toutes les personnes ont droit à la liberté d’expression et que toute personne a droit au travail et à l’éducation et a droit d’accéder, dans des conditions d’égalité, aux fonctions publiques de son pays.

L’analyse féministe

Le débat autour du signe ostentatoire religieux que représente le foulard islamique s’est fait et se fait encore à partir du droit à l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre toutes les formes d’intégrisme religieux. Il est animé tout à la fois par la volonté de défendre les droits des femmes et celle d’affirmer nos propres aspirations à l’autonomie et à la liberté, mais souvent aussi, il faut bien le dire, par la peur, la colère et d’implicites jugements de valeur sur les personnes. Il oppose différentes stratégies d’action dont l’interdiction dans certaines sphères de la société et la tolérance misant sur le rapprochement et la solidarité avec les femmes concernées. Ce débat est complexe et nous ne croyons pas qu’il puisse prendre fin ici et maintenant. Il faut éviter toutefois les généralisations et les raccourcis faciles.

Prendre position d’un point de vue féministe sur le port du foulard islamique exige que nous évitions à la fois le racisme, c’est-à-dire la stigmatisation des femmes appartenant à certains groupes minoritaires, et le relativisme culturel consistant à vouloir suspendre l’application d’un droit en vertu d’exigences culturelles ou religieuses. Cela implique également que nous soyons soucieuses de raffiner nos analyses afin de tenir compte des multiples discriminations qui interagissent les unes par rapport aux autres (ce que l’on appelle l’intersectionnalité [10] des discriminations). Les modèles classiques d’oppression que sont le patriarcat, le capitalisme, le racisme et le néo-colonialisme n’agissent pas indépendamment l’un de l’autre et produisent des inégalités sociales différentes pour les femmes blanches, de couleur, ou celles appartenant à des groupes stigmatisés. L’analyse féministe ne peut ignorer l’existence d’inégalités entre les femmes elles-mêmes, de même que la position souvent privilégiée des femmes blanches, nord-américaines ou européennes, appartenant à la classe moyenne, fortement scolarisée. Le croisement des discriminations liées au sexe, à l’origine ethnique, à la couleur, à la classe, à la religion, au handicap et à l’orientation sexuelle entraîne notamment pour les femmes issues de groupes ethnoculturels et racisés des situations de vulnérabilité et d’exclusion encore plus importantes que pour l’ensemble des femmes. L’analyse féministe et le débat sur la diversité culturelle et religieuse doit donc en tenir compte et s’appliquer à débusquer les préjugés de toutes sortes, les manifestations de racisme et de sexisme et toute autre forme d’inégalités.

Et n’y aurait-il pas lieu également de se référer aux principes de l’intervention féministe dans nos prises de position ? Ces principes s’appuient, entre autre, sur la nécessité de respecter le rythme, les choix, les valeurs et les besoins des femmes concernées en évitant d’appliquer des principes de façon rigide, en regard de notre propre cadre de référence et de notre propre désir d’autonomie et de changement [11]

De nombreuses significations sont attachées au port du voile (symbole religieux, symbole de vertu, symbole d’affirmation identitaire, source de fierté [12]) et nous savons que des féministes musulmanes, théologiennes et activistes, ne sont pas nécessairement toutes d’accord entre elles ni, non plus, avec certaines analyses que peuvent en faire des féministes occidentales. Nous ne voulons pas discuter ici de ces multiples significations, mais une chose semble claire : le voile est un « instrument » qui peut être utilisé pour soumettre les femmes aux lois et valeurs d’un ordre patriarcal. Dans ce sens, en même temps que nous défendons ici la liberté de le porter, nous défendons également le droit de ne pas le porter et nous nous opposons à l’obligation politique qui est faite aux femmes de le porter dans certaines sociétés.

Propositions du conseil d’administration

1. La FFQ s’oppose à l’interdiction du port de signes religieux ostentatoires pour les personnes qui travaillent dans la fonction publique et les services publics québécois, à l’exception des juges, des procureures et procureurs de la Couronne, des policières et policiers, des gardiennes et gardiens de prison, des personnes assumant la présidence et la vice-présidence de l’Assemblée nationale ainsi que des personnes exerçant des métiers ou professions où la sécurité exige l’interdiction ou la restriction de certains signes religieux.

2. La FFQ exige que les gouvernements du Québec et du Canada respectent, promeuvent et mettent en oeuvre les engagements qu’ils ont pris de protéger les femmes contre toutes les violations des droits des femmes à la vie, à l’intégrité de la personne, à disposer librement de leur corps, à l’accès à la contraception et à l’avortement, à la liberté de circulation, au choix de la ou du partenaire. La FFQ exhorte les gouvernements québécois et canadien à :

2.1. prendre tous les moyens nécessaires pour lutter contre ces violations, notamment : la violence conjugale, les agressions sexuelles, les crimes d’honneur, les mariages forcés, la polygamie, les mutilations génitales féminines

2.2. prendre position au sein d’instances internationales, comme les Nations Unies, contre les violations des droits des femmes justifiées par le relativisme religieux ou culturel partout dans le monde.


[1Commission ontarienne des droits de la personne et O’Malley c. Simpsons-Sears (1985) 2 R.C.S. p. 551, cité dans La Commission des droits de la personne et de la jeunesse, Le Pluralisme Religieux au Québec : Un Défi d’Éthique Sociale, février 1995, p. 21.

[2Commission ontarienne des droits de la personne et O’Malley c. Simpsons-Sears (1985) 2 R.C.S. p. 551, cité dans La Commission des droits de la personne et de la jeunesse, Le Pluralisme Religieux au Québec : Un Défi d’Éthique Sociale, février 1995, p. 21.

[3Le concept « racisé » renvoie au fait que le groupe dont il est question, à savoir les personnes issues des communautés ethnoculturelles ou des minorités visibles, sont l’objet d’une stigmatisation basée sur la « race », concept construit socialement.

[4Bouchard, Gérard et Charles Taylor, Fonder l’avenir : Le temps de la réconciliation, Rapport abrégé, (2008) p. 88.

[5Idem, p.71.

[6Les éléments qui suivent s’inspirent d’une présentation faite par Micheline Milot lors d’une réunion du Conseil d’administration de la FFQ tenue le 7 février 2009.

[7Geadah, Yolande (2007), Accommodements raisonnables, Droit à la différence et non différence des droits, VLB éditeur, p.31.

[8Ce paragraphe s’inspire de l’argumentation développée dans : Bouchard, Gérard et Charles Taylor (2008), Fonder l’avenir : Le temps de la réconciliation, p.148

[9Nous soutiendrions la même position si la question du port du voile intégral (burqua ou nikab) se posait dans les institutions publiques.

[10L’intervention féministe face aux défis de la diversité culturelle de Christine Corbeil et Isabelle Marchand, Communication à la Conférence internationale de recherche féministe dans la francophonie, Rabat 2008, in L’intersectionnalité - Une formation de Relais-femmes.

[11Idem

[12Voir Y.Geadah citée plus haut, pp, 70 et ss.

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