Édition du 19 novembre 2024

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Europe

L’éducation pour sauver la planète

tiré de : [questionsdeclasses] 19 mai / Rencontre N’Autre école, notre rendez-vous avec 68

Si l’humanité vivait comme les Français, elle aurait consommé depuis le 5 mai 2018 toutes les ressources que la planète peut renouveler en un an. Cette journée arrive de plus en plus tôt. En 1961, c’était le 30 septembre.

Posté le 10 mai 2018 par Catherine Chabrun

Chaque année, l’ONG Global Footprint Network calcule le jour du dépassement pour le monde avec une focale par pays. Pour la première fois, le WWF annonce en avance le résultat pour la France. Sans doute pour la réveiller !

Mais ce ne sont pas les mesures du ministère de la transition écologique qui risquent de changer la donne *. La route est toujours privilégiée au détriment du ferroviaire. Pour les déplacements humains, on ferme des lignes de train et on développe celles des cars. Pour les transports de marchandises, de moins en moins de trains et de plus en plus de camions – même si des vallées alpines étouffent. Et pour l’alimentation, l’agriculture continue d’utiliser des pesticides ravageurs, l’élevage reste très industriel et surdimensionné, la consommation de produits lointains ne diminue pas, l’importation de bois aggrave la déforestation. La France développe peu les énergies nouvelles... elle préfère soutenir son industrie militaire et la vente d’armes !

Et puis, on en a si peu parlé ! Cette année comme l’an dernier d’ailleurs.
C’était le 2 août 2017 qu’on apprenait que l’humanité avait consommé tout ce que produit la planète pour l’année, bien sûr pas toute l’humanité, celle qui vit au-dessus de ses besoins pour vivre, voire mal vivre… pendant que des centaines de millions d’humains meurent de faim. Et on se gargarise toujours de croissance !
Urgence ! Pour qu’au plus tard en 2050, les adultes des pays développés soient conscients, vivent, produisent et consomment différemment, il faut que les enfants qui entrent à l’école maternelle en 2018 soient sensibilisés à leur environnement et formés pour penser et agir ensemble, la coopération doit faire oublier la compétition et son enchaînement exponentiel de comportements dangereux pour l’humanité et la planète...

Et dans les programmes scolaires, certes on parle un peu d’éducation au développement durable, mais on n’évoque guère le mot nature et jamais les contacts avec elle. L’articulation entre la complexité du monde et la complexité de l’environnement naturel proche n’est guère envisagée. Les sorties sont de plus en plus rares et les classes transplantées de plus en plus brèves. Quant aux colonies de vacances, elles sont souvent remplacées par des voyages touristiques.
Pourtant les enfants doivent pouvoir explorer le monde naturel qui les entoure, jouer librement : sentir, toucher, regarder, écouter, être imprégnés, immergés... et le plus tôt possible. La nature n’est pas réservée aux seuls enfants des campagnes, elle est là partout... parfois un peu plus difficile à voir, à sentir, à écouter, à toucher. Une responsabilité des adultes qui accompagnent l’enfant dans sa découverte du monde.

Les pédagogies humanistes et coopératives, comme la pédagogie Freinet ont les réponses. Mais qui le sait ou s’en préoccupe. On préfère à ces pédagogies – sans doute trop émancipatrices – des méthodes qui vont du plus simple au plus compliqué, sans surprise, sans détour, sans création où l’élève et l’enseignant sont de gentils exécutants.
Les représentations sur la pédagogie Freinet perdurent : elle serait pratiquée à la campagne dans les petites écoles des villages ou alors dans l’enseignement privé comme les écoles Montessori ou Steiner.
Difficile alors pour un certain nombre de personnes d’imaginer une classe ou une école Freinet en zone urbaine et dans l’enseignement public.
Et pourtant, quelques milliers d’enseignants choisissent la pédagogie Freinet dans des établissements publics citadins et sont même très présents dans les quartiers prioritaires. Et ils sortent de l’école ! Car la découverte de l’environnement est naturelle à la pédagogie Freinet, même dans les grandes villes.
« Naturelle », est d’ailleurs une expression utilisée par Freinet pour montrer l’importance de ne pas séparer l’apprentissage du développement de l’enfant et du respect de ses cheminements singuliers et de ses tâtonnements.
Même s’il apprend par ses essais et ses erreurs, l’enfant a besoin d’un milieu suggestif, qui suscite le désir, d’un environnement bienveillant, riche de relations humaines et d’échanges de savoirs.
C’est toute la part des familles, des adultes qui environnent l’enfant.
C’est toute la part du maître, cet artisan de situations pédagogiques authentiques qui suscitent désir, curiosité, questionnements et donc recherches, enquêtes et travaux chez l’enfant.
C’est toute la part de la pédagogie Freinet qui vise des apprentissages ancrés sur la vie, sur l’environnement culturel, social, familial… pour que l’enfant en devienne vraiment acteur, mais pas dans n’importe quel milieu éducatif, il lui en faut un libérateur, coopératif et démocratique, car être citoyen ne se décrète pas à 18 ans...

En quoi l’éducation peut-elle peser sur l’avenir de l’humanité et de la planète ?

L’éducation devrait apporter à tous les enfants les moyens et les outils de lire et de comprendre le monde. Ainsi devenu adulte, chaque enfant aurait les capacités d’agir sur lui, en coopération avec les autres pour l’améliorer et le transformer. Il deviendrait ainsi un citoyen conscient, acteur et auteur !
J’emploie le conditionnel, car difficile lorsque l’on apprend par cœur pour des évaluations et des examens sans donner de sens, sans relier, sans tisser les savoirs et les connaissances dans un système compétitif et sélectif de comprendre son environnement.
Le monde est complexe, mais l’école continue de morceler, de simplifier, de résumer… et elle forme un citoyen individualiste et passif. Et nous, pédagogues Freinet, nous souhaitons construire un citoyen émancipé et créateur !
Dans une classe Freinet l’environnement qu’il soit naturel, social, culturel entre dans la classe : moments de paroles, exposés d’enfant ou de parents, correspondances, invitation de professionnels, utilisation de médias écrits ou visuels…
Dans une classe Freinet, les enfants sortent, l’environnement proche est une véritable encyclopédie à ciel ouvert. Le regard de l’enfant guidé, accompagné s’aiguise sur le vivant, la société, l’histoire, la géographie, la culture, les sciences…
Une plaque de rue, une vieille maison, une tour d’immeuble, un arbre penché, un coup de vent, l’envol d’un oiseau, une femme très âgée, un rai de lumière, une ombre sur le mur, un fauteuil roulant, un homme couché sur le trottoir, un musicien, un chauffard, une affiche… seront des amorces de questionnements, de débats, de recherches et de travaux.
Et dans les murs de l’école naîtront des poésies, des textes libres, des œuvres d’art, des exposés, des articles de journaux, de blogs… bref l’expression, la création, la coopération et la communication ne sont plus des vains mots parsemés dans les programmes scolaires, ils prennent sens et vie.
Et dans les murs de l’école, les enfants débattront, proposeront et élaboreront des projets, ils décideront… un véritable exercice quotidien de la citoyenneté et de la participation dans un environnement démocratique où empathie, compréhension, coopération, laïcité, diversité, mixité…. auront toute leur place.

Si dans toutes les écoles c’était ainsi, les enfants dans 20 ans…
… dans les quartiers, les villes, les villages auraient les capacités de participer et de prendre les bonnes décisions pour l’humanité et la planète.
… au sein du parlement, représenteraient les citoyens et les citoyennes avec la conscience du bien commun que représentent l’humanité et la planète.
N’oublions pas l’École est fille et mère de la société, une histoire pleine d’avenir !

* Que fera le ministère de la transition écologique en 2018

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