Bien qu’il y ait du vrai dans ces propos, il serait réducteur de voir dans ces politiques néolibérales des mesures strictement « comptables ». Elles sont plutôt portées par une vision politique de la société québécoise.
L’historique de la dette québécoise
Lorsque l’on examine l’origine de la dette québécoise, là où le rapport a curieusement été très silencieux, on remarque que les taux d’intérêts et les baisses d’impôts sont les causes principales de cet endettement. En effet, l’économiste Louis Gil mentionne dans son texte, les dettes souveraines, que les taux d’intérêt sur le service de la dette, durant la période de 1970 à 1996, ont été nettement supérieurs au solde primaire excédentaire du Québec. De ce fait, il souligne que « le solde cumulé des revenus et dépenses sans le service de la dette (solde primaire) a été un surplus de 5 milliards de dollars » [1] . Ainsi, la dette ne fut pas causée par trop de dépenses par rapport au revenu, mais plutôt par des taux d’intérêt oscillants entre 7 et 12% sur le service de la dette de 71 milliards [2]. C’est ce qui a créé un déficit de 66 milliards de dollars et qui a fait passer la dette québécoise de 11% à 43% de son PIB durant cette période [3]. En outre, la dette du Québec provient non pas d’une société vivant au-dessus de ses moyens, mais des emprunts faits par l’État sur les marchés financiers, et ce, à de très forts taux d’intérêt.
Or, ces emprunts auraient très bien pu être évités si la fiscalité québécoise avait bien fonctionné. Cela implique une juste part des contributions de l’entreprise privée dans les fonds publics ainsi que l’abolition des paradis fiscaux. En effet, comme le souligne l’économiste David McDonald, « les entreprises non financières ont accumulé 500 milliards de dollars en comptes bancaires qu’elles n’utilisent pas ». Il établit que chaque réduction d’un pour cent du taux d’imposition représente deux milliards de dollars de moins dans les coffres de l’État. Selon l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ), le taux d’imposition sur les entreprises privées était de 40% en 1960, il est tombé à environ 25% en 1990 pour finalement atteindre 15% en 2013.
Il semble que le déséquilibre budgétaire ne soit pas attribué à trop de dépenses, mais plutôt à un manque de revenus qui lui, s’explique par la complaisance des États envers l’évasion fiscale et les baisses d’impôt aux entreprises privées.
Vers un État aminci...
Il apparaît donc que les mesures économiques du gouvernement Couillard, qui visent à réduire de 3,7 milliards de dollars les dépenses gouvernementales, reposent sur une vision qui a pour but de démanteler l’État québécois. En effet, ce concept de « couper » les dépenses repose sur l’idée que le budget d’un État est le même que celui d’un particulier. Dans cette perspective quelqu’un qui dépense plus que ce qu’il gagne devra inévitablement recourir à des emprunts pour couvrir le manque à gagner. Il devra donc, tôt ou tard, couper ses dépenses pour pallier le déficit budgétaire causé par l’emprunt de capitaux. Or, cette vision est erronée relativement au budget de l’État, et ce, pour au moins deux raisons.
Tout d’abord, parce que le gouvernement a un contrôle sur ses revenus, car il détient divers instruments comme les taxes et les impôts afin d’augmenter ses recettes.
Ensuite, parce que les dépenses ont un impact sur ses revenus. En effet, l’État investit dans les infrastructures, les emplois, l’éducation, etc. Ainsi, la réduction des dépenses entraine une diminution de ses revenus.
De ce fait, le budget de l’État doit être conçu comme un instrument économique et non comme une dépense courante. Or, les tenants du néolibéralisme tentent de réduire le rôle de l’État comme étant un agent économique au profit de l’entreprise privée qu’il considère comme le seul capable de créer de la richesse.
Une économie collective ?
On présente les mesures d’austérité comme étant un mal nécessaire auquel on ne peut échapper. Or, il est possible de réduire la dette, et ce, sans couper les dépenses ou encore tarifer les services sociaux. Un ménage de la fiscalité québécoise s’impose pour que tous fassent leur juste part.
Références
[1,2 et 3] Bernard Élie et Claude Vaillancourt, Sortir de l’économie du désastre, éditeur M, collection Mobilisations, 2012, (p.86)