Ainsi, ils ne semblent toujours pas avoir réalisé que le Québec n’accèdera pas à la souveraineté grâce à une conjoncture politique momentanément favorable. Créer un pays est un défi beaucoup plus exigeant que de prendre le pouvoir grâce à une embellie dont on profiterait astucieusement pour aller décrocher une mince majorité dans un référendum. Ainsi, les premiers ministres Bouchard et Landry ont attendu vainement que des « conditions favorables » soient au rendez-vous. C’est au tour de Pauline Marois maintenant d’adopter une attitude semblable.
À Québec solidaire, au contraire, on est convaincu qu’un règlement durable de la question nationale exige que la souveraineté politique se conjugue avec la souveraineté populaire ; non seulement dans l’urne référendaire mais tout au cours du processus qui y mènera. Ce que les dirigeants du PQ ne semblent toujours pas admettre non plus, c’est le fait que le débat sur l’avenir du Québec n’appartient à aucun parti politique en exclusivité ou groupe de la société civile en particulier ni même à l’Assemblée nationale, mais à toute la population du Québec.
Un vaste exercice de démocratie participative
C’est pourquoi, Québec solidaire s’engage à enclencher, dès son arrivée au pouvoir, une démarche d’Assemblée constituante. Son gouvernement proposera l’adoption d’une loi sur l’Assemblée constituante définissant son mandat, sa composition et sa démarche.
Celle-ci aura pour mandat d’élaborer une ou des propositions sur le statut politique du Québec, sur les valeurs, les droits et les principes sur lesquels devra reposer la vie commune, ainsi que la définition de ses institutions, les pouvoirs, les responsabilités et les ressources qui leur seront délégués. Le programme du parti précise que les membres de l’Assemblée constituante seront choisis au suffrage universel et qu’elle sera composée d’un nombre égal d’hommes et de femmes. Le mode de scrutin assurera la représentation proportionnelle des tendances et des différents milieux socio-économiques de la société québécoise.
Après l’élection de l’Assemblée constituante, celle-ci aura la responsabilité et les moyens de mener un vaste processus de démocratie participative visant à consulter la population du Québec sur son avenir politique et constitutionnel, de même que sur les valeurs et les institutions politiques qui y seront rattachées. En fonction des résultats de la consultation –qui devront être connus de la population et dont l’Assemblée constituante aura l’obligation de tenir compte- cette dernière élaborera un projet de constitution dont l’approbation sera soumise à un référendum.
En somme, il s’agit de lancer une démarche -appelée à se déployer simultanément à la grandeur du Québec du niveau national jusqu’aux régions, villes, villages et quartiers- susceptible de faciliter la participation de tous les citoyens. Ces nouveaux espaces publics de délibération et de participation pourraient prendre la forme de forums qui constitueraient autant d’agoras populaires où les participants s’impliqueraient pleinement et détiendraient un pouvoir réel sur le contenu et la portée des échanges. Pour que les citoyens soient vraiment au centre du processus, on ferait en sorte que les experts, les élites et les dirigeants des groupes de pression ne monopolisent pas l’exercice de prise de parole collective.
Un changement de paradigme nécessaire
Le changement de paradigme qu’implique la démarche décrite ci-dessus signifie évidemment qu’on sortirait des sentiers battus du prosélytisme et des campagnes menées selon le bon vieux mot d’ordre « sortir, parler, convaincre.Il repose sur le postulat que nos compatriotes n’ont pas d’abord et avant tout besoin d’être convaincus et endoctrinés par des porteurs de la bonne parole. Ils ont surtout besoin d’être informés de la manière la plus objective possible, de comprendre les enjeux, de comparer les différents points de vue, d’en discuter entre eux, de se faire leur propre opinion et d’exprimer ce qu’ils désirent au plus profond d’eux-mêmes.. Il signifie aussi que la question référendaire, à laquelle les citoyens auront à répondre, n’aura pas été concoctée seulement par quelques dirigeants politiques au pouvoir, mais grâce à la participation de l’ensemble des citoyens.
Cette voie est innovatrice découle de l’idée, malheureusement surannée aux yeux de certains, selon laquelle le seul pouvoir légitime vient du peuple. Elle repose sur la diversité des expressions de la souveraineté populaire et s’inspire de la démocratie participative. Cela implique que les citoyens puissent exercer avec les élus, issus de la démocratie représentative, une véritable cogestion des affaires publiques et décider des changements à apporter aux institutions démocratiques.
Par ailleurs, la réussite d’une telle démarche citoyenne exige qu’elle s’organise et se déroule selon des conditions bien précises, notamment qu’on prenne tout le temps nécessaire pour la mener à terme avant de passer à une autre étape. De plus, il faudrait que l’Assemblée constituante confie la direction de la démarche à un organisme non partisan ou trans-partisan représentatif des divers courants d’opinion. Il faut en effet que l’organisme directeur soit en mesure d’obtenir le respect de tous pour que la population puisse avoir confiance dans le processus et y participe. Une autre condition de réussite sera l’investissement des fonds publics indispensables à une démarche aussi importante.
Certains, souverainistes « purs et durs », estimeront qu’une telle démarche serait hasardeuse et d’autres, impatients, qu’elle prendrait trop de temps. Nous répondons que le contenu de l’éventuelle constitution - a fortiori si elle prévoit la création d’une république québécois - nécessitera l’appui indéfectible d’une large partie de la population. Ce genre d’appui ne peut provenir que de convictions qui se seront forgées à partir de réflexions personnelles, d’échanges entre pairs et d’actions communes. Il faudra certes du temps pour permettre le déploiement adéquat de ce vaste exercice de démocratie participative, mais quand il s’agit de l’avenir d’un peuple l’impatience n’est jamais bonne conseillère.
Qu’adviendrait-il à la cause souverainiste après un troisième référendum perdu ou même après une victoire fragile où des sondages révéleraient qu’une bonne partie des tenants du OUI se dégonfleraient devant les obstacles que ne manqueront pas de dresser les adversaires ?
Nous sommes persuadés que le processus décrit plus haut conférerait à l’aspiration à la souveraineté du Québec un caractère universel grâce à la confiance renouvelée qu’elle susciterait dans le pouvoir citoyen. Nous sommes convaincus que cette démarche d’émancipation collective donnerait lieu à la plus grande mobilisation de l’histoire du Québec. Cette dernière permettrait de surmonter à coup sûr les tactiques déloyales et les machinations fédéralistes. Nous doutons fort qu’une campagne référendaire traditionnelle, même menée astucieusement, parviendrait à vaincre ces obstacles.
Montréal, 21 août 2012
Paul Cliche, membre de Québec solidaire