Édition du 17 décembre 2024

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Europe

L’Italie se mobilise contre la dette et l’austérité

L’Italie se prépare pour la journée européenne et internationale de mobilisation du 15 octobre lancée par les indignés : une grande assemblée nationale se tiendra à Rome le 1er octobre pour présenter la campagne « Non à l’Europe des Banques ! Nous, la dette, on ne la paie pas ! ».

Le mouvement, Nous, la dette, on ne la paie pas (en italien Noi il debito non lo paghiamo) est à l’origine d’un appel |1|, Nous devons les arrêter, qui a récolté plus de mille cinq cents signatures pour dire NON à ce qu’ils appellent « le gouvernement unique des banques », c’est-à-dire les politiques d’austérité dictées par la Banque centrale européenne et les autorités européennes, qui ont depuis 2010 renforcé le cadre juridique de la surveillance budgétaire des Etats européens au nom de la compétitivité.

Les exigences du Pacte de Stabilité et de Croissance, qui visent la correction des déséquilibres macroéconomiques et l’assainissement budgétaire à travers des politiques d’austérité, ont été encore durcies sous prétexte de faire face à la crise. Cela signifie que les marges de manœuvre des Etats sont encore plus réduites et que les dépenses publiques doivent être surveillées, plus encore que la dette et le déficit |2|. En ligne avec cela, le gouvernement italien, avec Confindustria, la principale organisation représentative des entreprises italiennes, et les principaux syndicats italiens, CISL, UIL et même CGIL ont signé ce qu’on appelle le Pacte social du 28 juin, qui élimine la nécessité d’une quelconque convention collective ou de lois régulant les rapports de travail.

Ainsi, l’Europe est gouvernée, et risque de l’être toujours plus, par les exigences des banques et pas par celles des citoyens. Cette vision, partagée par les indignés espagnols et par tous les Italiens, a abouti à la signature d’un appel qui a déjà été débattu le 23 septembre dans une rencontre avec des travailleurs et travailleuses, et qui le sera de nouveau le 1er octobre au théâtre Ambra Jovinelli à Rome dans le cadre d’une assemblée nationale.

Les cinq points de l’appel soutenu par des membres d’associations, de syndicats, des travailleurs, des précaires, des chômeurs, des militants des mouvements sociaux, etc., sont clairs.
Le premier de ces points concerne le problème de la dette publique. Les signataires déclarent qu’ils ne sont plus disposés à payer la dette. Parmi les responsables de l’augmentation de la dette, sont pointés les marchés financiers, le pacte de stabilité et l’évasion fiscale au niveau européen mais aussi national. Les intérêts sur la dette ne cessent d’augmenter et c’est pour cette raison qu’ils demandent une moratoire sur le remboursement de la dette. Par ailleurs, selon le mouvement Nous, la dette, on ne la paie pas, il faut nationaliser les banques, instaurer des taxes sur les transactions financières et imposer les grandes fortunes.

Deuxièmement, les « indignés » italiens contestent les guerres menées par l’Italie, de la Libye à l’Afghanistan. C’est pour cela qu’ils proposent une réduction draconienne de toutes les dépenses militaires pour libérer des ressources en faveur de l’éducation à tous les niveaux.
En troisième lieu, l’appel se réfère à la justice et aux droits dans le monde du travail. Récemment, le gouvernement italien a dérogé à l’art.18 Statut national de travailleurs, qui interdit le licenciement sans juste cause, en modifiant l’art.8 du même Statut. D’autres mesures comme l’augmentation de l’âge de retraite pour les femmes du secteur privé ont été prises sous prétexte de la crise.

Par conséquent, l’appel exige l’abolition de toutes les lois qui consacrent le précariat, la réaffirmation des conventions collectives et la parité de traitement pour les travailleurs immigrés. En outre, ils dénoncent l’énorme différence de rétribution entre les managers millionnaires et les salariés (avec la proposition que les salaires des premiers ne dépassent pas de dix fois ceux des deuxièmes). D’autres propositions sont relatives à l’indexation des salaires, à la réduction du temps de travail et à l’institution d’un fonds social financé par la lutte contre l’évasion fiscale et la taxation des grosses fortunes.

Un quatrième élément est celui de la création d’un nouveau modèle de développement qui soit compatible avec l’ écologie. Par exemple, relativement à ce qui se passe en Italie, les grands travaux comme le pont sur le Détroit de Messine ou le train à grande vitesse en Vallée de Suse devraient être abandonnés, parce qu’écologiquement et économiquement désastreux. Une plus grande attention devrait être portée sur les travaux fondamentaux pour la population comme les infrastructures qui sont encore insuffisantes (par exemple un réseau de chemins de fer adéquat), et sur les autres biens communs comme l’eau, l’énergie qui devraient être soustraits au marché pour être redonnés au pouvoir public.

Enfin, la dernière proposition concerne une révolution par rapport aux institutions et aux pratiques démocratiques. Le mouvement propose de réaffirmer un retour aux principes de notre Constitution, en particulier ceux qui concernent la participation aux décisions politiques, ce qui implique le lutter contre la corruption et les privilèges des castes. En effet, seule une redistribution des ressources (soustraites par exemple à la délinquance financière et à la corruption et données au pouvoir public) permettra de construire une véritable justice sociale.
Selon les promoteurs de l’appel , celui-ci peut servir de véritable contre-proposition à l’agenda politique des gouvernements néolibéraux qui jusqu’à maintenant se sont succédé en Italie et en Europe.

Nous ne pouvons que partager cet espoir.

Notes

|1| Pour une version plus complète des propositions de l’appel voir http://www.comunistiuniti.it/?p=6019

|2| http://financerlavenir.fnh.org/analyse-de-lactu/nouvelle-gouvernance-economique-europeenne-3-semestre-europeen-et-nouveau-cadre-juridique/#more-324

Chiara Filoni

Permanente au CADTM Belgique.

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