Tiré du blogue de l’auteure.
Sur les 48 partis qui vont se présenter devant les électeurs le 8 mai prochain, huit n’ont mis aucune femme dans les cinq premiers noms de leurs listes. Ce qui semble dire que ces partis n’ont aucune envie de voir des femmes accéder à des postes de dirigeantes politiques.
Le Congrès national africain (ANC) et le parti d’opposition des Combattants pour la liberté économique (EFF) maintiennent le strict système des quotas et de la parité : 50%d’hommes et 50% de femmes sur leur liste de candidats. Cette bataille des quotas a été menée dès la première conférence légale de l’ANC en juillet 1991, quand les femmes ont maintenu que le système des quotas serait le meilleur outil pour que les femmes ne soient plus les potiches utiles et « méritantes » de la lutte de libération et de la démocratie à construire, après la disparition du système d’apartheid.
La politique des quotas se révéla payante, puisque la première Assemblée nationale élue au suffrage universel en avril 1994 comptait 25% de femmes députées. L’idée fit son chemin, même dans les partis les plus conservateurs et une députée du Nouveau parti national (NNP), alla jusqu’à dire : « sans la pression que ces dames de l’ANC ont exercé sur le gouvernement, les femmes seraient en bien plus mauvaise posture… Nous sommes contre le système des quotas, mais il semble que ce soit la seule chose qui marche vraiment »[1].
Aujourd’hui, les autres partis ont fait marche arrière et comme l’a clairement dit Mmusi Maimane, le dirigeant du parti d’opposition, l’ Alliance démocratique (DA) : « Je suis à l’aise avec la diversité de notre liste. Idéalement, je voudrais plus de femmes, mais je ne vais pas imposer un quota de femmes parce que je ne crois pas dans le système des quotas ».
Il faut aussi voir quelle place ont les femmes sur les listes et combien seront effectivement élues. Pour l’ANC, une femme, Nkosazana Dlamini-Zuma, se trouve dans les cinq premiers noms de la liste et neuf femmes dans les 25 premiers noms ; pour l’EFF il y a aussi une femme dans les cinq premiers noms et dix femmes sur les 25 premiers noms ; pour le DA, aucune femme dans les cinq premiers noms et quatre femmes dans les 25 premiers noms de la liste. Chaque parti a une liste de 200 noms.
Le système des quotas continue de diviser les spécialistes des études politiques et de genres. Pour le Dr Sithembile Mbete le système des quotas dans une société aussi traditionnelle et patriarcale que la société sud-africaine permet d’avoir une représentation féminine au parlement. Pour Amanda Gouws, les quotas sont un moyen efficace de rendre les femmes élues muettes dans un environnement aussi masculin que le parlement. Un sentiment de gratitude envers les hommes qui ont bien voulu les voir siéger à leurs côtés n’encourage guère à la prise de parole audacieuse. Le risque est grand de voir les élues se tenir coites ou pire voter des lois qui ne vont pas dans le sens de l’émancipation des femmes. Sans parler de la faiblesse qui les fera céder devant un sac Vuitton garni de billets, comme les enquêtes en cours sur la corruption le montrent trop bien.
La composition des listes reflètent bien aussi la domination masculine dans le monde politique sud-africain. Même si deux partis, ANC et EFF , ont une femme parmi les cinq premiers candidats de leur liste, ce sont deux hommes, Cyril Ramaphosa pour l’ANC et Julius Malema pour l’EFF qui sont tête de liste. Il n’ y a donc aucune chance pour qu’une femme soit élue à la présidence de l’Afrique du Sud pour les cinq prochaines années.
Pourtant les femmes sud-africaines s’intéressent à la politique, si l’on se réfère au nombre de femmes inscrites sur les listes électorales. Avec 2,7 millions d’électrices de plus que d’électeurs, et dans un pays où les femmes sont depuis les élections de1994 plus nombreuses que les hommes à se déplacer pour aller voter, on pourrait espérer une plus forte représentation des femmes. Pour Dr Sithembile Mbete « les politiciens voient les femmes comme un plus » et s’ils accordent une attention certaine aux violences genrées, véritable fléau national, ils ne se préoccupent pas vraiment des autres questions comme l’accès à l’emploi, aux différences de rémunérations , à la question des crèches et écoles maternelles, etc.
Parité, quotas sont des avancées pour que les femmes soient mieux représentées dans le monde politique, mais ce ne sont que des outils dans la longue marche vers l’égalité entre tous les êtres humains, hommes et femmes.
Note
[1]Hannah Britton, Women in the South African Parliament,Illinois University Press, 2005, p.53
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