Le Parti Québécois a tout de suite emboité le pas et des membres ont même décidé de travailler conjointement avec la CAQ en s’impliquant dans le cabinet du ministre Jolin-Barette responsable du dossier. Parallèlement, de larges pans du mouvement syndical et du mouvement féministe ont revu leur positionnement de manière à adopter des perspectives plus inclusives et antiracistes. Au moment d’écrire ce texte, Québec solidaire est en réflexion sur l’enjeu, mais de plus en plus d’associations locales, de campus et régionales adoptent la position B qui est contre l’interdiction du port de signes religieux. Dans un tel contexte et afin de contribuer à outiller le mouvement d’opposition au gouvernement Legault, il convient de s’interroger sur les motifs qui se cachent derrière ce genre de politique et surtout, de montrer en quoi la laïcité n’a rien à voir avec tout cela.
Comme point de départ, soulevons les angles morts de cette étrange laïcité. Il n’est pas question de se débarrasser du crucifix à l’Assemblée nationale ni dans les institutions judiciaires. Il n’est pas non plus question de cesser de financer avec des fonds publics les écoles privées à caractère religieux (très majoritairement chrétiennes). Finalement, rien pour réaffirmer le principe de séparation de l’Église et de l’État en ce qui a trait à la pratique de la prière en début de séance de conseil de certaines municipalités. Bref, la laïcité ne concerne pas le catholicisme ou plus largement, le christianisme. De quel type d’Église veut-on séparer l’État alors ? La réponse est évidente : aucune. Ni les institutions musulmanes, ni les institutions juives, sikhes ou d’une quelconque autre religion n’interfèrent avec le gouvernement. La séparation de l’Église et de l’État est pratiquement réalisée hormis les exemples mentionnés plus haut qui, justement, ne sont pas dans la mire de la CAQ.
On pourrait ici répondre que l’objectif de la CAQ n’est pas ce type de laïcité, mais bien la neutralité religieuse de nos institutions. Sauf qu’ici encore, on a de la difficulté à voir de quoi il est question. D’abord, y a-t-il vraiment des problèmes à ce niveau ? Prenons le cas des enseignants et des enseignantes : avons-nous entendu parler d’un quelconque scandale ? Si c’était le cas, pourquoi les grands médias qui passent leur temps à courir après des histoires sensationnelles de tensions entre les communautés n’ont rien rapporté et pourquoi n’y a-t-il pas eu de plaintes ? Ensuite, en quoi le fait de retirer un symbole assurerait-il plus de neutralité ? Si l’objectif est de rendre neutre la prestation de service des enseignants et des enseignantes (en supposant toujours qu’il y ait un réel problème), le symbole n’y joue qu’un rôle secondaire. Un catholique borné et voulant manipuler autrui pourrait bien n’avoir aucun signe religieux visible (comme la plupart des catholiques) et aller à l’encontre de cette neutralité. Même chose pour toutes les croyances.
En d’autres mots, si la « laïcité » promue par la CAQ ne concerne réellement ni la neutralité des institutions publiques ni la séparation de l’Église et de l’État, pourquoi utilise-t-on ce terme ? Probablement parce que cela passe bien mieux que d’avouer qu’il s’agit d’un projet visant simplement à gagner de la sympathie politique sur le dos de minorités qui subissent déjà beaucoup de violences en tout genre. Cet opportunisme politique n’a rien de neuf ici ni ailleurs dans le monde. Il s’agit simplement de pointer du doigt un signe distinctif d’une minorité et de compter sur un effet de détournement de débat. Draper ce geste bas et politicien d’idéaux comme la laïcité n’a rien de particulièrement neuf non plus.
La droite utilise constamment le concept de liberté afin de faire avancer des projets qui, précisément, viennent réduire la liberté positive des travailleurs et des travailleuses. Et puisqu’on tombe sur l’enjeu économique et l’enjeu des classes sociales, pourquoi ne pas analyser la pseudo-laïcité de la CAQ à partir de cette perspective ? N’y a-t-il pas là une atteinte au droit à la protection contre la discrimination pour l’obtention d’un travail ?
Et d’ailleurs, pourquoi s’acharne-t-on particulièrement contre les enseignantes dans un contexte où l’école publique manque de tout ? N’est-ce pas le dernier problème que nous avons en éducation ? Quand on y pense, l’effet polarisant du débat sur la laïcité semble bel et bien servir un autre rôle politique : diviser la population pendant que les inégalités continuent de s’accroitre, que nos services se dégradent et que la crise climatique progresse. Allons-nous tomber encore dans le piège ?
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