1. Le CETA fera croître les émissions de gaz à effet de serre transatlantiques, de l’aveu même de l’étude d’impact de la Commission européenne, et il ne permettra pas de les réduire comme l’exige l’Accord de Paris ;
2. Le texte du CETA ne fait aucune mention de l’urgence climatique ou de l’Accord de Paris, pas plus que d’un objectif de réduction d’émission de GES ou de décarbonisation de l’économie ; la Déclaration interprétative d’octobre 2016 mentionne l’Accord de Paris comme élément du paysage, sans proposer de nouvelles dispositions afférentes et être opposable au droit commercial.
3. L’environnement est perçu comme un sous-secteur de la libéralisation du commerce, et les réglementations climatiques et environnementales comme des restrictions au commerce.
4. La protection des investisseurs intervient au détriment de la capacité des États et collectivités à opérer la transition énergétique, les entreprises extractives et d’infrastructures étant dotées de moyens nouveaux pour empêcher les États de contrôler, voire limiter, leurs activités.
5. Il n’y a aucun dispositif contraignant en matière d’environnement ou de développement durable.
6. Le CETA promeut et organise la libéralisation du secteur de l’énergie au détriment du déploiement des énergies renouvelables et de la sobriété énergétique.
7. Le CETA institue une préférence pour les énergies fossiles – et plus largement pour les matières premières – au détriment du déploiement des énergies renouvelables.
Ségolène Royal, s’est récemment saisi de la question en annonçant qu’elle était en train de « vérifier que le CETA est parfaitement climato-compatible avec l’accord de Paris » et qu’il « contribue bien à l’objectif de maintenir le réchauffement climatique en-dessous de 2 °C ».
Lors de la conférence environnementale d’avril 2016, François Hollande avait dit qu’il refuserait des accords commerciaux qui remettraient en cause « de manière subreptice, les avancées qui ont été décidées lors de la COP 21 », précisant que la France ne « pourrait signer des traités commerciaux si les chapitres relatifs au développement durable ne sont pas contraignants ».
Nous appelons donc François Hollande et le gouvernement à reconnaître que le CETA remet en cause les (trop rares) avancées décidées lors de la COP 21 et par conséquent, et, conformément aux engagements qu’il a pris, nous appelons François Hollande à s’opposer à la ratification du CETA lors du Conseil européen ces jeudi 20 et vendredi 21 octobre. Au nom de l’urgence climatique.
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PROBLÈME
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DÉTAILS |
COMMENTAIRES |
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1 |
Augmentation des émissions de gaz à effet de serre (GES) |
Étude d'impact «de durabilité»
de la Commission européenne publiée en juin 2011. Résultats du modèle
macro-économétrique E3MG (appliqué à l’énergie et intégrant effets
d'échelle, de composition et de technique) |
Sous l'effet du CETA, les
émissions de GES sont attendues en légère augmentation pour 2018
(+0,01%), notamment au Canada (+0,3%), en raison de la croissance des
secteurs des transports, de l'extraction d'hydrocarbures et produits
miniers et de l'industrie, et de la plus grande utilisation de charbon
dans la production électrique. |
1. le CETA ne réduit pas les
émissions de GES et ne contribue pas à rester en deçà de 2°C; 2. les émissions de GES peuvent potentiellement croître fortement et sans limite au-delà de 2018; Ce résultat est confirmé par la littérature scientifique qui tend à montrer que l’effet d’échelle attendu de la libéralisation commerce – l’accroissement des émissions liées à l’augmentation de la production – l’emporte sur l'effet de composition spécialisation des économies) et l’effet de technique (utilisation de méthodes de production supposées moins polluantes). |
2 |
Aucune mention de l'urgence climatique ou de l'Accord de Paris dans le traité |
Texte de l'accord final –
ensemble des chapitres, préambule compris. |
Ni le préambule, ni les
chapitres du CETA ne font de mention explicite au réchauffement
climatique ; aucun objectif de réduction d'émission de GES, de
réchauffement global à ne pas dépasser ou d'objectifs généraux visant à décarboniser l'économie, ne sont mentionnés. La récente «Déclaration d'interprétation conjointe» rappelle l'existence de l'Accord de Paris comme élément de contexte. La référence se n'appuie cependant sur aucune formulation juridique qui rendrait les engagements de Paris opposables face au droit commercial. |
Le CETA n'envisage pas que le
commerce transatlantique puisse être soumis à l'objectif climatique: bien que le chapitre 8 du CETA relatif à l'investissement ait été modifié début 2016, aucune mention de l'Accord de Paris n'a été ajoutée dans le contenu du traité Le climat et l'Accord de Paris doivent se contenter d'une mention dans une déclaration d'interprétation ad hoc qui n'a pas le statut d'un traité de commerce international. |
Problème
identifié |
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Commentaires |
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3 |
L'environnement est perçu comme
un sous-secteur de la libéralisation du commerce et les réglementations
environnementales et climatiques sont assimilées à des restrictions au
commerce |
Texte de l'accord final, notamment les chapitres 22 et 24 portant respectivement sur le «Commerce et développement durable» et sur le «Commerce et l'environnement» |
Aucun accord international sur
le droit de l'environnement n'est mentionné. L'article 24.2 «reconnaît
que l'environnement est un pilier fondamental du développement
durable», tout en soulignant l'importance de la «contribution du
commerce ». Les États s'engagent «à faciliter et promouvoir le commerce et l’investissement des marchandises et services environnementaux, y compris par la réduction des obstacles non tarifaires» (art 24.9). |
La libéralisation est présentée
comme la meilleure manière de protéger l'environnement. C'est la transcription de la "théorie du soutien mutuel" qui consiste à penser que plus de libéralisation permet de protéger le climat et l’environnement et, réciproquement, que leur protection nécessiterait plus de libéralisation. Selon des experts, cette approche est infondée en théorie et invalidée dans les faits. |
4 |
La protection des investisseurs
contre la lutte contre les dérèglements climatiques |
Texte de l'accord final Chapitre 8 «Investissement» |
Si le chapitre investissement
énonce un «droit à réguler» des États en matière «d'environnement»
(art. 8.9), il définit les règles de protection d'investissements qui
portent notamment sur les « concession (...) pour l’exploration, la mise en valeur, l’extraction ou l’exploitation de ressources naturelles» (art 8.1). Les investissements dans l'extraction ou les infrastructures d'énergies fossiles sont donc protégés par les dispositifs de protection des investisseurs. |
Des politiques climatiques qui
réduiraient les profits espérés des investisseurs, telles que des
mesures visant à réduire les émissions de GES, accroître l'efficacité
énergétique ou réduire la consommation d'énergie, ou visant à organiser la fin de la production d'énergies fossiles sur le territoire national, pourraient être citées devant les dispositifs de protection des investisseurs. Le traité ne définit aucune exclusion spécifique des politiques de lutte contre les dérèglements climatiques du champ des dispositions qui encadrent le règlement de contentieux (Investisseur-État ou État-État). La Déclaration interprétative publiée début octobre 2016 n'apporte aucun élément nouveau à cet égard. |
Problème
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5 |
Les chapitres relatifs à l'environnement et au développement durable ne sont pas opposables | Texte de l'accord final Chapitre 22 «Commerce et développement durable» et chapitre 24 -«Commerce et environnement» |
En matière de commerce et
d'investissement, les règles sont contraignantes et dotés de mécanismes
de sanction. Ce n'est pas le cas en matière d'environnement: le
chapitre 24 ne peut être opposé en cas de poursuite par un
investisseur. Les États se limitent à «coopérer » et mener «des échanges techniques, échanges d'information et de meilleures pratiques, de projets de recherche, d'études et de conférences » (art. 24.12). Pas d'engagements contraignants afin de faire progresser la protection de l'environnement et la lutte contre le dérèglement climatique. Les manquements constatés aux dispositions de ces chapitres feront l'objet d'un dialogue en vue de la définition de mesures correctives, et des panels d'experts pourront être constitués pour y parvenir. Mais aucun instrument d'application contraignante des dispositions du droit international de l'environnement n'est proposé. |
Aucune clause ne protège, de
façon explicite et juridiquement contraignante, le droit des États et
des collectivités publiques à décider de toute mesure politique de
lutte contre les dérèglements climatiques qui nécessiterait de
s'affranchir des chapitres d'accès aux marchés ou de protection des
investisseurs. L’accord ne comporte pas de clause de «sauvegarde» qui permettrait de se soustraire à certains engagements commerciaux au nom de l’impératif climatique ou en cas de crise majeure. Le CETA maintient le caractère secondaire de l'urgence climatique face aux règles commerciales. |
Problème
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6 |
Promotion et organisation de la
libéralisation du secteur de l'énergie |
Texte de l'accord final: le
commerce des biens énergétiques - et notamment les matières premières fossiles – est régulé par le chapitre 2 «Traitement national et accès aux marchés pour les marchandises» |
Aucune exception n'est formulée
concernant le secteur de l'énergie : les droits de douane sur les matières premières énergétiques - qui étaient bas - vont être supprimés, facilitant l'importation de pétrole, de gaz et de charbon d'outre-Atlantique. L'accord interdit alors de revenir en arrière et d'introduire des mesures qui pourraient être vues comme des restrictions commerciales. Les mesures de contrôle des importations et des exportations d'énergie sont très largement interdites aux parties signataires. |
L'importation de pétrole issu de
l'exploitation des sables bitumineux canadiens, parmi les plus
polluants de la planète, est ainsi encouragée, tout comme celle de
pétrole de gaz de schiste.Les restrictions aux importations de gaz de
schiste, telles qu'évoquées par Ségolène Royal en avril 2016, seraient rendues encore plus difficiles avec le CETA. L'hypothèse de limitation des importations des pétroles bitumineux canadiens en France est inenvisageable. De la même manière, une décision fédérale canadienne qui viserait à limiter l'exploitation et l'exportation de ces pétroles bitumineux, dans le cadre des engagements pris à Paris en 2015, pourrait être remise en cause via les chapitres 8 (Investissement) ou 29 (Règlement des différends). |
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7 |
Préférence aux énergies fossiles au détriment des énergies renouvelables | Texte de l'accord final: Réglementations nationales (chapitre 12), Coopération réglementaire (chapitre 21) et « Dialogue bilatéral sur les matières premières » (article 25.4) |
Le chapitre 12 limite l'autorité
souveraine des collectivités publiques dans l'octroi des autorisations
et licences 'activité et ou d'exploitation à des entreprises privées.
Il vaut dans tous les secteurs mais ceux de l'extraction (minière et
énergétique) et des grandes infrastructures sont particulièrement
visés. Le texte appelle plus spécifiquement à des décisions
«objectives» et renforce les obligations des États à l'égard des
entreprises privées. Il fournit des fondements multiples, et nouveaux,
à des poursuites Investisseur-État. Les États doivent se limiter à des réglementations «neutres sur le plan technologique » (art. 21.3), ce qui exclut une préférence pour les énergies renouvelables et les technologies vertes. Le Dialogue bilatéral sur les matières premières a pour fonction d'éviter «la création d’obstacles non tarifaires au commerce» en la matière. |
Le CETA privilégie nettement le
commerce traditionnel des matières premières au détriment du
déploiement des énergies renouvelables (non mentionnées dans l'accord),
et en contradiction avec l'article 2 de l'Accord de Paris qui nécessite
de restreindre l'exploration, la production et le commerce international des énergies fossiles. Le traité donne également aux entreprises du secteur extractif des moyens nouveaux d'imposer leur agenda. De même, il sera plus difficile de refuser l'autorisation à de nouveaux projets d'infrastructures autoroutières, portuaires, aéroportuaires ou énergétiques (extraction, transformation ou transport), ou de plafonner, voire réduire graduellement, leur exploitation. |