Tiré du blogue de l’auteure.
La Cour constitutionnelle sud-africaine a tranché : la loi est la même pour tous. Jacob Zuma qui utilise recours et stratagèmes pour éviter la justice depuis des années devra répondre à une ultime convocation en février 2021. Thalès aussi devra venir s’expliquer devant la justice. Enfin la clarté sur une histoire folle qui a pourri le climat politique depuis des années ?
En 1998 le gouvernement du Président Thabo Mbeki avait estimé qu’il fallait rénover le matériel de l’armée sud-africaine et en dépit d’une forte opposition, y compris au sein même de l’Anc, avait décidé de passer commande pour l’achat de corvettes et d’avions de chasse. Cette décision a pourri le climat politique sud-africain pendant des années. Des élus de l’Anc ont joué leur carrière politique à vouloir tenter de faire la lumière sur les soupçons de pot-de-vin, dessous de tables et autres commissions offertes par les entreprises qui voulaient obtenir ce juteux marché. Andrew Feinstein, ancien responsable de la commission d’enquête parlementaire montre dans un livre que Jacob Zuma n’était qu’un maillon d’une longue chaîne de dysfonctionnement au sein du gouvernement et du parti au pouvoir. Tous ceux qui avaient montré du doigt les corrompus n’ont pas manqué aussi de dénoncer les corrupteurs, c’est -à- dire les grands fabricants de matériel militaire comme Thomson CSF, aujourd’hui Thalès, ou plus exactement sa filiale sud-africaine Thint, Thyssen Krupp, British Aerospace, Saab que l’on retrouve toujours quand il s’agit de vendre du matériel militaire. (Andrew Feinstein : After the party, a Personal and Political Journey inside the ANC Editions Jonathan Ball 2007 et Paul Holden : The Arms Deal in your pocket Editions Jonathan Ball 2008)
Comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même Jacob Zuma avait nommé une commission d’enquête, la commission Seriti du nom du juge qui la présidait. Le contribuable sud-africain avait du avaler comme vérité vraie la conclusion du rapport en 2016 : « aucune preuve d’une attitude frauduleuse de la part de quiconque n’a été trouvée ». On peut alors se demander pourquoi cette affaire qui traîne depuis des années, avait valu à Jacob Zuma , alors vice-président, d’être démis de ses fonctions par le Président Mbeki , pourquoi son conseiller financier, Shabir Shaik avait été jugé et condamné à une peine de prison, pourquoi Toni Yengeni, membre de l’Anc, avait été reconnu coupable d’avoir accepté une petite ristourne sur l’achat d’une voiture de luxe, pourquoi la compagnie britannique BAE avait payé une lourde amende pour fraude et que voulait donc dire la phrase codée « Les lumières brillent sur la Tour Eiffel » sinon que Jacob Zuma acceptait une petite rente à vie de la compagnie française Thalès pour faciliter une transaction juteuse ?
Depuis deux ans le juge Zondo préside une commission d’enquête dite State Capture sur les innombrables malversations en tout genre qui ont siphonné les caisses de l’état au profit d’individus plus préoccupés de remplir leurs poches que du sort du citoyen sud-africain. Le travail est certes considérable étant donné le nombre de dossiers à traiter et de témoins à convoquer et à entendre, mais la Cour Constitutionnelle s’est agacée de la mollesse du juge vis-vis de Jacob Zuma qui a trouvé mille excuses pour ne pas répondre aux convocations de la commission. Ce dernier n‘avait-il pas offensé la cour en refusant de répondre et en sortant tranquillement du tribunal en octobre dernier ? Cette provocation a finalement fait déborder le vase et Jacob Zuma devra se présenter devant le tribunal comme témoin dans plusieurs affaires de corruption devant la Commission Zondo du 15 au 19 février prochain et devant le tribunal de Pietermaritsburg le 23 février pour corruption et blanchiment d’argent dans l’affaire de la vente et achat d’armes, le fameux Arms Deal de 1999.
Pour la Cour constitutionnelle, plus d’échappatoire. “Mr Jacob Gedleyihlekisa Zuma est appelé à se présenter et à témoigner à la commission aux dates déterminées par cette dernière » et de souligner que « personne n’est au-dessus de la loi. Même ceux qui ont eu le privilège de faire les lois sont tenus de les respecter et de s’y conformer ».
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