L’islamophobie : une forme de sexisme ?
Ce jeudi 31 janvier, dans la foulée des commémorations de l’attentat contre la mosquée à Québec, le Premier Ministre François Legault a affirmé “qu’il n’y avait pas d’islamophobie au Québec”. Pourtant, les crimes haineux à l’égard des musulman.e.s ont augmenté de 114% en l’espace de 4 ans au Canada. Parmi eux, une majorité touche les femmes.
En 2013 déjà, la porte-parole du Regroupement des centres de femmes du Québec, Valérie Létourneau, dénonçait la multiplication des agressions à l’égard des femmes musulmanes : “On a des échos de ça dans plusieurs régions du Québec. On parle de plusieurs dizaines d’incidents. Des propos haineux, racistes. Des commentaires xénophobes. Parfois les femmes se font bousculer, cracher au visage. Donc on parle parfois d’incidents de nature violente”.
Alors l’islamophobie cacherait-elle aussi une forme spécifique d’oppression, à l’intersectionnalité entre le racisme, le sexisme et l’islamophobie ?
Des statistiques éloquentes
À l’heure actuelle, il existe peu d’instances au Québec permettant d’étudier précisément les actes haineux visant spécifiquement les femmes musulmanes, si ce n’est les retours des organismes de terrain comme l’R des centres de femmes du Québec ou l’organisme Justice Femmes. Néanmoins, là où de telles instances permettent de mieux cerner les raisons du passage à l’acte islamophobe, les statistiques pointent une surreprésentation des femmes à la fois dans le passage à l’acte violent que dans les discriminations au travail ou à l’accès aux services publics.
Par exemple, la commission nationale consultative des droits de l’Homme en France a montré dans son rapport en 2014, que sur 17 actions violentes à l’encontre des musulman.e.s, 14 concernaient des femmes. Les paroles rapportées au moment du passage à l’acte violent dénotent aussi clairement une charge sexiste. Dans ce même rapport, l’instance en avait conclu que “la typologie des faits infractionnels met en lumière un phénomène particulièrement préoccupant, celui d’une recrudescence des agressions à l’égard des femmes, et particulièrement de celles portant le voile”.
À côté de ces passages à l’acte violent, les femmes musulmanes sont également majoritairement la cible des discriminations islamophobes.
L’intersectionnalité au coeur de la question de l’islamophobie
Dans son appréhension sexiste, l’islamophobie révèle ainsi sa dimension intersectionnelle, reposant à la fois sur le sexisme, le racisme et l’appartenance religieuse. Les agressions physiques illustrent parfaitement le caractère intersectionnel de ces violences : les agresseurs s’en prennent autant aux symboles islamiques (arrachage de voile) qu’au corps de leur victime (attouchements sexuels).
Des statistiques sur les violences islamophobes contre les femmes, nous notons également que les femmes musulmanes noires sont les premières cibles d’agressions très violentes, entraînant plusieurs jours d’arrêt de travail.
Le mouvement #MeToo avait eu le mérite, en plus de libérer la parole, de souligner que les agressions sexuelles ne se limitent pas aux seules crimes sexuelles. Il a aussi mis en lumière l’étendu des agressions sexuelles, du harcèlement verbale aux attouchements que subissent quotidiennement les femmes.
De la même manière, à défaut de constater l’augmentation de l’islamophobie au Québec, nous encourageons le premier ministre québécois à soutenir les instances de comptabilisation des crimes haineux en raison de l’ethnie et la religion, afin de prendre en compte tous actes haineux. Cela donnera les outils pour dresser un portrait alarmant de la situation et prendre des mesures en conséquence.
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