Édition du 17 décembre 2024

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Québec

Insécurité alimentaire et aide gouvernementale Pour en finir avec les solutions de facilité

Il y a des records dont on se passerait bien. Le nombre de demandes d’aide alimentaire au Québec en 2023 en fait partie. Le dernier Bilan#Faim du réseau des Banque alimentaires du Québec (BAQ) vient d’être publié et les chiffres qu’il contient sont alarmants. Et le pire, c’est que ces chiffres ne donnent qu’un aperçu incomplet du problème, puisque plusieurs, par honte ou par peur des préjugés, préfèrent prendre leur mal en patience plutôt que de se rendre dans ne banque alimentaire.

Tiré de la 463e édition de La Soupe au caillou

Quelques faits saillants

Cette année, le réseau des banques alimentaires a dû répondre à 2,6 millions demandes d’aide, et ce à chaque mois. Il s’agit d’une augmentation de 14% par rapport à l’année dernière et de 33% par rapport à 2019, année de comparaison retenue par BAQ parce qu’elle précède la pandémie de COVID-19 et la hausse vertigineuse du coût de la vie.

Le nombre de paniers de provisions distribués a presque doublé en seulement quatre ans, culminant à 681497 men#suellement, ce qui montre toute la gravité du problème.

Qui a besoin d’aide ?

Le nombre de personnes ayant eu recours à une forme ou l’autre d’aide ali#mentaire (dépannages et paniers de provisions, repas, collations) a lui aussi atteint un sommet en 2023. On parle de 872000 personnes par mois. C’est une aug#mentation de plus de 30% en un an et de plus de 73% par rapport à 2019. Les personnes vivant seules représentent le type de mé#nage ayant le plus de difficultés à se nourrir convena#blement (37,4%). Suivent dans l’ordre les familles avec deux parents (26,3 %), les familles monoparentales (18,6%) et les couples sans enfants (11,2%).

Le Bilan-Faim nous apprend aussi, entre autres choses, que parmi toutes les per#sonnes ayant dû se résoudre à demander un coup de pouce pour se nourrir, 43,8% étaient des femmes ; 24,7% personnes immigrantes ou réfugiées arrivées au pays depuis moins de 10 ans ; 23,1% des membres d’une minorité visible ; 9,5% des étudiant.es postsecon#daires ; et 3,4% des adultes en situation de handicap.

En ce qui a trait aux princi#pales sources de revenus des personnes dans le besoin, on retrouve sans surprise en tout premier lieu l’assistance sociale (44,2%) – les personnes au programme d’Aide sociale représentant à elles seules 41,9% des gens aidés.

Viennent ensuite l’emploi (18,5%) – preuve s’il en est que le salaire minimum actuel est tout sauf décent –, puis la pension de vieil#lesse (9,9%).

Dérive inquiétante

Faire la file et s’exposer au jugement et aux préjugés d’autrui, ne pas pouvoir véritablement manger ce qu’on veut, être obligé.e d’adapter son horaire en fonction des heures d’ou#verture souvent limitées des ressources, perdre une partie de ses aliments parce que leur fraîcheur n’est pas optimale…

Bien étrange celui ou celle qui parviendrait à trouver quelque chose de plaisant là-dedans. C’est pourquoi il est pour le moins curieux de voir la ministre Chantal Rouleau – en pleine Semaine de la solidarité en plus ! – faire appel à la charité privée et inviter la population à donner généreusement aux banques alimentaires. Ou encore de l’entendre se féliciter à l’Assemblée nationale, le 19 octobre dernier, de voir inscrit « pour la première fois dans l’histoire du gouvernement, dans le budget 2023, la mention d’aide alimentaire, achat de nourriture ».

Comprenons-nous bien : à l’heure actuelle, la mission des banques alimentaires en est une absolument essentielle. Loin de nous l’idée de critiquer leur travail. Toutefois, il faut souhaiter un jour leur disparition. Parce que leur disparition signifierait que, plutôt que de chercher à réduire les effets du manque de nourriture, nous nous serions donné collec#tivement les moyens d’en prévenir les causes. Il s’agirait là d’un véritable progrès social ! Pour l’instant, ce à quoi nous
convie la ministre Rouleau, c’est à retourner 50 ans en arrière, avant la Révolution tranquille.

Deux moyens

Ce n’est pas un hasard si la crise qui touche actuellement la sécurité alimentaire arrive au moment même où le coût de la vie connaît une hausse marquée et constante depuis plusieurs mois. Les gens qui manquent de nourriture manquent aussi, toujours, d’argent. D’où la nécessité de voir à l’augmentation de leur pouvoir d’achat.

Le gouvernement peut, bien entendu, améliorer directe#ment les revenus des personnes. Augmenter le montant des prestations d’assistance sociale, le salaire minimum et le crédit d’impôt pour solidarité serait le moyen le plus efficace pour y arriver. Il peut aussi alléger le poids des dépenses qui accaparent une part plus grande de leur budget.

À cet égard, le Bilan-Faim mentionne que 62,4% des personnes ayant bénéficié d’une aide alimentaire vivent dans un logement locatif privé. Or, avec la crise du logement, les revenus des personnes en situation de pauvreté augmentent beaucoup moins vite que le prix des loyers. La construction de nouveaux logements sociaux serait donc une façon concrète d’aider les ménages loca#taires les moins nantis à mieux absorber la hausse du coût de la vie à long terme. Et il existe plein d’autres mesures qui auraient le même avantage : investir dans les transports collectifs, indexer les prestations d’assistance sociale aux trois mois plutôt qu’une fois par année, inclure les soins dentaires et de la vue dans les soins couverts par la régie de l’assurance maladie du Québec, etc.

Des occasions à saisir

Le gouvernement procédera à une mise à jour économique le 7 novembre. La ministre Rouleau doit également déposer au cours des prochains mois un quatrième plan gouver#nemental de lutte contre la pauvreté. Elle a aussi annoncé vouloir procéder à une réforme de l’assistance sociale.
Le gouvernement saura-t-il saisir ces occasions pour enfin donner le coup de barre nécessaire pour garantir l’égalité en droit et en dignité des centaines de milliers de Québécois.es en situation de pauvreté ? C’est à espérer !

Mais pour ce faire, il devra mettre en œuvre des mesures autrement plus durables que des « aides ponctuelles » distribuées au gré de ses humeurs (ou des sondages) et des baisses d’impôt qui profitent surtout aux gens riches.

Car ce genre de mesures soulage peut-être le portefeuille des gens pendant un moment, mais c’est là justement son principal défaut : le soulagement ne dure qu’un temps, alors que les effets de la hausse du coût de la vie, au contraire, ont un impact cumulatif persistant

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